Amid Faljaoui
Fausses vidéos, fausses images et fausses voix : l’ère du doute, danger ou opportunité pour les médias?
Ça y est, c’est fait, le business des médias est à nouveau menacé dans sa crédibilité. Et le nouvel ennemi des médias, c’est la face sombre de l’intelligence artificielle.
Sauf si vous avez vécu dans une grotte au fin fond de l’Afghanistan, vous avez tous vu ces images avec le Pape portant une immense doudoune blanche Balenciaga. Vous avez tous vu ces images d’Emmanuel Macron poursuivi par des manifestants dans les rues de Paris. Vous avez sans doute aussi vu cette photo de l’ancien président américain, Donald Trump, déambulant dans les rues de New York, avec une foule immense derrière lui. D’ailleurs le fils de Donald Trump a republié cette photo, qui a été vue plus de 6 millions de fois. Le seul gros souci, et c’est vraiment un très gros souci pour les médias et donc notre démocratie, c’est que ces photos ne représentent pas la réalité, vu que ces événements n’ont jamais existé. Dans le cas de la photo de Donald Trump, on sait même qui l’a créée : son pseudo, c’est Brick Suit sur Twitter. Il n’a sans doute fallu que quelques secondes à ce fan de Donald Trump pour créer une image totalement fausse, mais quand même relayée dans les médias du monde entier.
Rien de plus simple, des outils d’intelligence artificielle comme Midjourney, Dall-E ou Stable Diffusion sont à la portée de n’importe qui aujourd’hui. Le résultat, c’est que les médias doivent plus que jamais avertir leurs lecteurs et leurs téléspectateurs que les images, les vidéos ou les voix qu’ils entendent peuvent être fausses. Trafiquées par l’intelligence artificielle avec une telle précision, une telle véracité qu’il est impossible pour quelqu’un de normal de dire si cette image, vidéo ou voix est fausse ou vraie. Vous voyez déjà tous les dégâts que l’on peut faire demain pour ne pas dire déjà aujourd’hui avec cette intelligence artificielle.
Les experts s’attendent déjà à voir des vidéos de personnes célèbres, y compris nos politiques donc, dans des situations pornographiques plus que gênantes, et avec le risque qu’une partie de la population y croit mordicus. Vous l’avez compris cette face sombre de l’intelligence artificielle peut conduire à des usurpations d’identité pour frauder, exercer un chantage ou plus simplement désinformer notamment à la veille d’élections importantes.
Bien sûr, les médias ont immédiatement réagi. Et les meilleurs d’entre eux donnent même des trucs pour tenter de vérifier la véracité des images ou vidéos. C’est vrai aussi que les technologies de détection suivent, mais elles ont toujours une longueur de retard sur les manipulations. C’est un peu comme la police qui roule en Lada pour poursuivre des truands qui eux roulent en Ferrari. Et puis, il y aussi des interrogations du côté des médias pour savoir s’il ne faut pas aussi utiliser ces nouvelles technologies notamment pour illustrer des sujets difficiles ou difficilement illustrables. Mais le résultat est tellement bluffant qu’il pose aussi la question de savoir s’il ne faut pas avertir le lecteur ou le téléspectateur en indiquant bien qu’il s’agit d’une image, d’une vidéo ou d’un graphique issu de l’intelligence artificielle.
Le danger étant que le citoyen ne puisse plus distinguer le vrai du faux : avec de fausses photos, de fausses vidéos, de fausses voix, démêler le vrai du faux va être très compliqué. Mes confrères du quotidien suisse Le Temps ont raison d’écrire que nous allons entrer dans l’ère du doute. Et le doute est un poison, lent, mais un poison quand même. Pour ma part, je crois que c’est une opportunité sans nom pour les médias ; face au doute, le citoyen normal devra se tourner vers des marques médias dont la probité, l’honnêteté et le respect de la déontologie ne font aucun doute. C’est comme un label, une garantie que les réseaux sociaux n’ont pas.
Mais ce n’est qu’un pari, car on sait aussi que le citoyen préfère souvent les légendes urbaines à la réalité. Pour le reste, vu de Sirius, hormis la technologie qui facilite les choses, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, ma grand-mère me disait déjà tout petit : Amid, ne crois jamais ce que tu vois, même le sel ressemble au sucre !
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