Facebook a 20 ans : de l’idéal de partage à la civilisation de l’impudeur
Il est difficile de rater cet anniversaire quand tous les médias en parlent. Facebook fête ses 20 ans cette semaine.
Pas certain que le verbe « fêter » soit d’ailleurs approprié. Il faudrait plutôt parler de commémorer, comme lorsqu’on parle d’une guerre qui a fait des dégâts humains innombrables. Et c’est le cas selon moi avec Facebook.
Nous connaissons tous l’adage « pour vivre heureux, vivons cachés ». En 20 ans, Facebook est parvenu à changer cet adage en « pour vivre heureux, vivons surexposés ». Le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, l’a avoué lui-même en 2010 : « la vie privée, c’est fini ». Oui, sauf que pendant qu’il a réussi à forcer 4 milliards d’êtres humains à déballer leurs vies et leurs petits secrets, cet homme (dont nous avons tous volontairement fait la fortune) a acheté les 4 superbes propriétés mitoyennes à la sienne pour vivre à l’abri du regard des autres. Belle hypocrisie, assez commune aux autres dirigeants de la Silicon Valley, qui nous incitent tous à être devant nos écrans, pendant qu’ils interdisent à leurs enfants d’être exposés à ces mêmes écrans, et inscrivent d’ailleurs leurs enfants dans des écoles privées sans écrans !
Au départ de la création de Facebook, l’idée semblait généreuse. Tous ces liens, tous ces likes, tous ces cœurs auraient pour but de garder contact avec notre famille, nos amis, nos proches alors qu’en réalité ce sont des machines à récolter massivement nos données personnelles.
Mais voilà, pour nous inciter à nous dévoiler, à partager nos petits et grands secrets, les ingénieurs de la Silicon Valley ont joué sur nos biais cognitifs, bien connus des psychologues, pour doper au final notre ego et notre envie de nous montrer. Comme l’écrit joliment Le Figaro, les 20 ans de Facebook montrent surtout que ce géant du numérique a réussi à faire « prospérer une civilisation de l’impudeur », une civilisation où il faut être visible et « validé » pour exister. Au fond, Facebook et ses petits frères, ce n’est que le « commerce de l’intimité ». Mais bon, le réseau des réseaux a beau être critiqué comme je le fais en ce moment, il a beau être davantage réglementé, il a beau subir la concurrence de nouveaux venus comme TikTok, Facebook n’a fait que grandir en 20 ans et il est difficile d’échapper à son emprise.
Mark Zuckerberg ne veut d’ailleurs pas qu’on lui échappe, car nos données sont vendues aux annonceurs, et la publicité en 20 ans est devenue le véritable poumon de Meta, au point de représenter 97.5% de l’ensemble de ses revenus ! Les derniers chiffres connus datent de 2022, à cette époque, Meta a généré plus de 116 milliards de dollars sous forme de publicité, et il parait que 2023 sera une année encore plus formidable.
L’écrivain André Malraux écrivait que l’être humain n’est au fond qu’un « petit tas de secrets misérables ». Il avait tort, d’autres comme les dirigeants de Facebook ont réussi à transformer l’être humain en un « amas infini de données monétisables ». Je ne suis pas sûr que cette forme de servitude volontaire soit nécessairement un grand progrès de l’humanité. Vous en pensez quoi ?
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