Amid Faljaoui

Et si le « fou » de la Maison-Blanche avait un plan ?

Trump applique une technique de marchand de tapis, et ça marche. Ce n’est pas de la stratégie industrielle. C’est du souk. Mais c’est terriblement efficace.

On a crié à la folie. À la bêtise. À l’amateurisme. Et pourtant, Donald Trump pourrait bien réussir à imposer des droits de douane durables à l’échelle mondiale. Pas à 50% bien sûr (enfin, si, en menace), mais dans une fourchette de 10 à 20%. Et devinez quoi : tout le monde trouve ça acceptable désormais. C’est le miracle du « Art of the Deal ». Pour ceux qui l’ont lu — comme mon commentateur boursier préféré Marc Fiorentino — la méthode est connue : annoncer des tarifs prohibitifs (50 %, voire plus) pour finir avec une cible présentable. Et faire croire à une concession.

Ce procédé a un nom : le biais d’ancrage. Un grand classique de la psychologie de la négociation. On l’enseigne à Harvard… et on le pratique dans les souks de Marrakech depuis mille ans. On commence par un prix délirant pour vous faire accepter un prix élevé… avec le sourire. Et ce qui est terrible, c’est que ça marche. Comme quoi la bêtise humaine n’a pas de limite. Mais ça a marché.

Depuis avril — souvenez-vous du “Liberation Day” — Trump a menacé tous azimuts, provoquant des sueurs froides sur les marchés. Aujourd’hui, le résultat se dessine : 15% avec le Japon, 15% en négociation avec l’Europe, et des bourses qui battent record sur record. Le tour de passe-passe est simple : ce qui aurait été vu comme une mauvaise nouvelle si on l’avait annoncé directement devient, par contraste, une victoire.

Mais la vraie audace est ailleurs : Trump parie que ces hausses tarifaires ne provoqueront pas d’inflation significative. Un pari fou ? Peut-être. Mais il s’appuie sur une mécanique bien huilée, que Matthieu Courtecuisse, fondateur de Sia Partners, a décortiquée avec précision.

D’abord, une partie de la hausse est absorbée par les intermédiaires. Pas par charité, mais parce qu’aucun d’entre eux ne veut être cloué au pilori médiatique par Trump pour avoir osé augmenter ses prix. Ensuite, grâce à la surproduction énergétique américaine (20 millions de barils/jour, merci le « drill baby drill »), les prix à la pompe restent sages, ce qui protège le pouvoir d’achat. Troisième levier : la pression sur les banques pour acheter de la dette publique américaine, ce qui permet de contenir les taux longs, en particulier ceux du crédit immobilier. Et enfin, l’arme anti-inflation massive : la productivité. La vague d’IA et la dérégulation des marchés du travail ont permis aux entreprises américaines de supprimer 7% de leurs cols blancs en deux ans. Moins de salaires, moins d’inflation.

Alors non, Trump n’est pas un modèle de raffinement. Il n’est pas rationnel au sens européen du terme. Mais il a un plan. Simpliste, brutal, mais un plan. Et si son pari tient — pas d’explosion des prix, recettes douanières en hausse, industrie américaine protégée — il n’aura pas seulement fait du Trump. Il aura gagné.

Ce serait irritant. Et pourtant, implacablement vrai. Réponse ce 1er août ou plus tôt ? 

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