Bruno Colmant
Et si la BCE abandonnait un objectif d’inflation de 2% ?
Le véritable maître de l’Europe est la BCE (Banque centrale européenne). Cette institution détient plus d’un tiers des dettes publiques de la zone euro, dont les États sont les débiteurs.
Bien que la BCE s’en défende en affirmant son indépendance, elle joue un rôle politique en établissant un ordre monétaire, car la monnaie est un fait politique.
Cet ordre monétaire est libéral, car la BCE incarne l’attribut de confiance monétaire. Depuis la création de l’euro lors du Traité de Maastricht, il était évident que la réduction du déficit budgétaire et de l’endettement public nécessiterait la diminution des dépenses sociales, qui augmenteraient inévitablement avec le vieillissement de la population.
Aujourd’hui encore, la BCE augmente les taux d’intérêt pour freiner l’inflation. Elle soutient que cette inflation est liée à la « spirale des prix-salaires », suggérant qu’une diminution du pouvoir d’achat des salaires serait bénéfique. Cette idée est l’héritage de Jean-Claude Trichet, ancien président de la BCE, qui préconisait dès les années quatre-vingt des désinflations compétitives visant à réduire les coûts salariaux pour accroître la productivité concurrentielle de la France. Cependant, cette politique n’a eu aucun effet positif, si ce n’est d’aggraver les inégalités sociales et le chômage structurel.
On ne sait pas si la BCE croit en l’efficacité de ses actions. Depuis des années, le seuil d’inflation à ne pas dépasser a été fixé à 2 %. Il est important de souligner que ce chiffre ne provient pas du Traité de Maastricht, mais d’une décision de 1998 confirmée par le Conseil des gouverneurs de la BCE en mai 2003. Toutefois, il est erroné de croire que l’inflation, dont l’alimentation structurelle est liée aux injections monétaires effectuées par la BCE au cours de la dernière décennie, diminuera suite à une hausse des taux d’intérêt, tout comme affirmer que la baisse des taux d’intérêt des dernières années en était la cause.
En réalité, le problème réside dans une question de symbolique et de numérologie. Le seuil de 2 % est arbitraire. Il serait préférable de tolérer une inflation plus élevée et de maintenir des taux d’intérêt inférieurs à ce seuil afin que les taux d’intérêt réels, c’est-à-dire ajustés à l’inflation, soient négatifs. Cela serait la seule façon civilisée de rembourser une dette publique. Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du FMI, porte ce message depuis des années, proposant d’augmenter le seuil d’inflation des banques à 3 ou 4 %. Cela soulèverait bien sûr la question de la légitimité des positions antérieures de la BCE, mais cela est moins important qu’une gestion saine de la monnaie.
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