Eddy Caekelberghs
L’Union européenne doit impérativement assurer sa souveraineté stratégique
Donc l’Otan autorise l’Ukraine à envahir le sol russe à l’aide d’armements occidentaux et nous – comme si de rien n’était – nous nous étonnons que Moscou nous implique dans ce qu’elle considère et comme une invasion de la mère-patrie (la première depuis l’opération Barbarossa menée par les troupes du IIIe Reich) et comme un camouflet visant à démontrer certaines de ses vulnérabilités ?
Nous nous inquiétons que le Kremlin mène donc une opération de reconquête des territoires de Koursk et de ses environs mais nous sommes atterrés qu’un Poutine humilié fasse état de possibles frappes plus dures et plus longues sur le sol ukrainien. Voire en direction d’intérêts occidentaux (directs ou indirects) alors même que les Etats-Unis envisagent de livrer officiellement à Kiev des missiles à très longue portée, capables d’atteindre des cibles russes à au moins 800 kilomètres à l’intérieur des terres de la Fédération. On s’en étonne vraiment ? Jeux de mascarade où chacun teste l’autre dans sa capacité à mentir, à feindre et à jouer au poker menteur.
L’inquiétude, c’est que dans notre benoîte candeur récente, nous – Européens dans l’Otan – nous avons encore détourné nos yeux et nos budgets de l’investissement militaire stratégique. Et nous nous effrayons donc aujourd’hui lorsque Poutine annonce disposer (c’est confirmé par nos propres spécialistes) de fusées à propulsion nucléaire, capables d’atteindre 22.000 kilomètres de parcours, de se positionner en vol stationnaire à un endroit stratégique et d’attendre le moment idoine pour larguer soit des bombes classiques, soit des missiles nucléaires (a minima tactiques). Nous, de notre côté, ne disposons pas (encore) de telles technologies. Et Poutine le sait.
Que ce soit Kamala ou Donald n’y changera rien : l’Union européenne doit impérativement assurer sa souveraineté stratégique et cela suppose des sacrifices.
Cela nous fait donc réfléchir à deux fois. Faut-il livrer tout l’armement promis aux Ukrainiens ? Avec quelles licences d’utilisation ? Jusqu’où ? Déjà l’Allemagne de Scholtz fait grise mine. Ses problèmes économiques et politiques internes mettent la chancellerie sous pression en estimant devoir arrêter les livraisons dès l’an prochain. Et on s’en étonne : la guerre, ça coûte cher ! Mais ça rapporte cyniquement aussi. Parce que l’industrie européenne aura beaucoup à gagner en attendant des prochaines années tendues.
Que ce soit Kamala ou Donald n’y changera rien: l’Union européenne doit impérativement assurer sa souveraineté stratégique et cela suppose des sacrifices. Ou des investissements. Cela dépend du point de vue. Et cela suppose des choix, donc du courage politique. Les États-Unis se préparent face aux menaces multiples de la Chine, de la Russie, de l’Iran et de la Corée du Nord. Pendant des années, les États-Unis se sont préparés à un affrontement généralisé avec la Russie. Mais aujourd’hui, ils ne redoutent plus un seul ennemi nucléaire majeur, mais plusieurs à la fois. Russie, Chine, Corée du Nord, Iran … C’est le prix d’un monde dangereux et multipolaire.
La posture nucléaire américaine a été maintenue malgré la fin de la guerre froide et les États-Unis ont adapté leur arsenal, leur déploiement géographique à l’émergence de nouvelles menaces nucléaires en Corée du Nord, en Asie du Sud (Inde, Pakistan) et au programme iranien (qui n’a apparemment pas franchi le seuil nucléaire). Les États-Unis sont, aujourd’hui, avec la Russie, une puissance nucléaire de tout premier plan capable de dissuader l’usage de l’arme nucléaire partout dans le monde.
Et nous ? Nous sommes à nouveau dans une course à l’armement nucléaire et la révocation unilatérale des traités par Poutine aurait dû nous avertir. Et maintenant ? Qu’allons-nous faire ? z
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