Amid Faljaoui

En Belgique, même votre patience est devenue une niche fiscale !

Vous pensiez que garder vos actions bien au chaud dans un coin de votre portefeuille financier vous mettait à l’abri des secousses fiscales ? Détrompez-vous : en Belgique, même la patience se taxe. Ou plutôt… elle pourrait s’exonérer. Tout dépend de qui remportera le bras de fer politique en cours.

Le feuilleton du moment porte un nom simple mais explosif : taxe sur les plus-values. En théorie, il s’agit d’un impôt sur les gains réalisés quand vous vendez vos actions, obligations, cryptomonnaies ou même certains contrats d’assurance. Bref, quand votre argent travaille bien, l’État aimerait récupérer sa petite commission.

Jusque-là, en Belgique, c’était un tabou. Une vache sacrée. Mais face aux finances publiques exsangues et à une majorité gouvernementale fragile, la tentation est devenue trop forte. Résultat : Jan Jambon, ministre des Finances (N-VA), a déposé son projet de loi. Au programme : 10 % de taxe sur les plus-values… sauf si vous êtes très, très patient.

Car voici l’astuce : si vous gardez vos actions pendant dix ans ou plus, vous pourriez être totalement exonéré. Dix ans ! C’est une éternité à l’ère du trading en temps réel, mais aussi un signal clair : l’État veut récompenser les investisseurs patients, ceux qui soutiennent l’économie plutôt que de surfer sur la spéculation.

Alors, tout le monde est content ? Pas du tout.

Le parti socialiste flamand, Vooruit, voit rouge. Pour eux, cette exonération est une trahison. Car dans l’accord de gouvernement, signé il y a quelques mois sous haute tension, il était écrit noir sur blanc : “il y aura une taxe sur les plus-values”. Point. Pas de trou, pas d’échappatoire pour les gros portefeuilles. Et certainement pas de récompense pour ceux qui ont le luxe de pouvoir immobiliser leur capital pendant une décennie.

Leur lecture est simple : exonérer après dix ans, c’est surtout exonérer les plus riches, ceux qui peuvent attendre. Ce n’est donc plus une contribution des “épaules les plus larges”, mais une prime à l’immobilisme patrimonial. Et Vooruit prévient : pas de taxe sérieuse, pas de gouvernement. La menace est claire : la coalition Arizona peut exploser en vol.

De l’autre côté, la N-VA, par la voix de sa nouvelle présidente Valerie Van Peel, tempère : “Calmez-vous, il y aura une taxe, mais aussi un respect pour ceux qui épargnent à long terme”. Elle refuse que la classe moyenne, déjà matraquée par l’inflation et la fiscalité du travail, soit encore ponctionnée sur ses modestes investissements.

Et entre les deux, on retrouve la vraie question, celle qui nous concerne tous : c’est quoi, être riche ?

Est-ce avoir un portefeuille de 50.000 euros en actions soigneusement gardées pour sa pension ? Ou est-ce seulement viser les ultra-fortunés, ceux qui vendent leurs entreprises en encaissant des millions ?

Le projet de Jan Jambon tente maladroitement de répondre : pour les “petits” investisseurs, une exonération de 10.000 euros est prévue. Pour les actionnaires significatifs (plus de 20% d’une entreprise), un plafond d’exonération de 1 million est mis en place, avant d’entrer dans une taxation progressive.

Sur le papier, l’équilibre semble raisonnable. Dans la pratique, chacun y voit une trahison : Vooruit crie au cadeau aux riches, la N-VA hurle contre la mise en coupe réglée de l’épargne populaire, et le MR, dans son coin, fait ses calculs électoraux.

Moralité ? Encore une fois, l’épargnant belge devient la cible mouvante d’un compromis politique fait à la va-vite. Vous êtes invité à “épargner pour votre avenir”, mais gare à vous : épargnez mal, vendez trop vite, et vous paierez. Épargnez bien, attendez dix ans… et vous serez peut-être épargné. Mais d’ici là, le gouvernement aura peut-être encore changé, et votre exonération avec. Et au final, la Belgique découvre que la patience est devenue… une niche fiscale.

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