Amid Faljaoui

Emeutes en France, mimétisme belge et principe du “pilleur-payeur”

J’ai longtemps hésité avant d’évoquer le sujet des émeutes en France, jusqu’au moment où j’ai constaté qu’il y avait un effet mimétisme à Bruxelles et à Liège.

C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte, à nouveau, de la puissance virale des réseaux sociaux que j’ai souvent rebaptisés réseaux asociaux. Snapchat et ses messageries éphémères sont  donc dans le collimateur du gouvernement français. Snap n’est pas le seul réseau social à avoir été invité par les autorités françaises à faire preuve de responsabilité. C’est aussi le cas des dirigeants de Meta çàd Instagram, Whatsapp, Facebook, mais aussi de Twitter et bien entendu l’incontournable TikTok. Tous les responsables de ces réseaux sociaux ont été convoqués pour réfléchir à la manière d’arrêter ce qu’Emmanuel Macron a appelé « le mimétisme de la violence ». C’est le constat établi par les autorités françaises : l’embrasement du pays a été favorisé par la diffusion de ces vidéos en direct. Sans oublier que ces plateformes ont aussi permis l’organisation d’actes violents. Raison pour laquelle le garde des sceaux, l’équivalent de notre ministre de la justice, a dû menacer ces jeunes des quartiers difficiles en leur disant qu’on peut retrouver leur adresse IP et donc retrouver leur identité même s’ils se cachent derrière un pseudo.

Bien entendu, l’embrasement des quartiers a aussi fait l’affaire des médias classiques, notamment les chaines d’informations comme CNews ou BFMTV qui ont connu des pics d’audience encore plus grands que du temps de la crise des « gilets jaunes ». Car si pour les « gilets jaunes », le rendez-vous était hebdomadaire, ici, les émeutiers s’invitaient en direct le soir, dans le créneau du prime time.

A l’inverse des chaines de TV classiques qui donnent la parole aux différents protagonistes, les réseaux sociaux n’ont pas ce genre de modération et laissent trop souvent libre cours à une seule version des faits. D’où ce mimétisme de la violence à laquelle faisait allusion Emmanuel Macron. Le résultat de cette triste affaire, c’est qu’au final, ce sera à nouveau vers l’Etat que se dirigeront les victimes des dégâts causés par les vandales. C’est donc le contribuable qui devra régler la note de ces soirées folles. La plupart des mairies de France sont dans une situation difficile, et elles sont confrontées d’ores et déjà à un vrai dilemme : réduire le nombre et la qualité des services proposés ou augmenter la fiscalité locale.

Ce qui est paradoxal dans ces émeutes, c’est qu’elles pénalisent les familles de ces mineurs en premier lieu, car les quartiers saccagés sont aussi ceux où leurs parents font leurs courses. En gros, ces émeutes sont une forme de suicide social et économique. Et si les mairies de France n’ont plus d’argent, ce seront à nouveau les familles de ces jeunes qui en seront aussi les premiers affectés, via la fin des subsides des transports publics ou via la réduction des tarifs sociaux pour la cantine scolaire ou que sais-je encore.

En Belgique, pareil scénario serait encore plus préjudiciable s’il devait advenir, car en Wallonie, par exemple, la plupart des communes sont déjà en état de faillite virtuelle. Ce n’est pas moi qui le dis, mais l’une des plus grandes banques belges qui a réalisé l’an dernier une étude sur le sujet. Derrière l’émotion légitime des uns et des autres, les émeutes en France montrent que le social, les médias sociaux et l’économie sont étroitement imbriqués. Avec une question à la clé : est-ce que demain le citoyen acceptera encore de payer pour les dégâts effectués par d’autres ? Pas sûr du tout. En effet, de même que les entreprises paient aujourd’hui leur pollution sous le principe du pollueur-payeur, certains imaginent que demain il y aura un autre principe en vigueur : celui du pilleur-payeur. Une autre manière de faire passer le message suivant : les droits ne vont pas sans les devoirs. Autrement dit, oui aux aides publiques mais plus sans contrepartie. C’est ce que font déjà les pays nordiques, pays souvent cités en exemple par la gauche des pays du sud de l’Europe. Mais voilà, chez nous le sujet reste encore tabou. Comme quoi le mimétisme s’arrête à la violence et ne concerne pas encore les bonnes pratiques de politique publique.

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