Eddy Caekelberghs
Elections inquiétantes : le spectre de l’extrême droite en Europe
Il faut le rappeler haut et fort: le racisme et l’antisémitisme ne sont pas des opinions mais des délits!
Alors, on peut demander aux commentateurs (dont je suis) de ne pas se précipiter ou, au contraire, de ne pas hésiter (c’est selon) à qualifier tel ou tel acte – barbare souvent, criminel toujours – qui stigmatise, harasse voire pousse à la mort les personnes cibles de ces attentats. Parce que ce sont bel et bien des attentats à la personne. Systématiquement essentialisée. Attaquée pour ce qu’elle est – ou est supposée être – plutôt que pour ce qu’elle fait.
Que dire alors quant il s’agit de s’en prendre aux enfants? Violentés, violés, kidnappés, exhibés, bombardés, tués, brûlés… Sinon qu’il s’agit bien entendu de s’en prendre physiquement et symboliquement à la perpétuation d’une population donnée. Ce qui s’apparente aux intentions génocidaires. Ou de s’en prendre aux morts. Ces tombes juives profanées (peu importe le “mobile” supposé ou non), ces dépouilles souillées, démembrées, exhibées comme nous l’avons vécu ici et là-bas. Comme à l’époque du génocide des Tutsis ou des Arméniens. L’inhumanité dans toute son expression. Parce que s’en prendre aux morts, c’est clairement indiquer qu’il n’y a ni place ni respect pour les (sur)vivants du groupe donné.
S’en prendre aux deux bouts de l’existence – enfance et mort – c’est s’en prendre aux racines. C’est tuer l’autre.
S’en prendre aux deux bouts de l’existence – enfance et mort – c’est s’en prendre aux racines. C’est tuer l’autre. Cet “autre” que l’on voudrait extirper du “nous”, du “je”. Comme une fiction grammaticale. Et force est de constater qu’au-delà de ces prurits antisémites qui gagnent du terrain comme jamais et que l’on refuse souvent de voir, les résultats électoraux en Europe et aux alentours renvoient aux plus sombres pages du passé.
Après Bolsonaro au Brésil, l’homme de la déforestation et des antivax ; le populisme criminel de Maduro au Venezuela, guévariste à la petite semaine ; voici l’Argentine et son nouveau président qui disputera le trophée fake news à un Trump sur le retour vers la Maison Blanche. Et, chez nous, en Europe, revoici le spectre de l’ombre: aux Pays-Bas, au pays d’Anne Frank, l’extrême droite de Wilders remporte confortablement les élections. Après Meloni, première dame du pays de Mussolini, après la Hongrie de Viktor Orban, la crise sur l’état de droit en Espagne, les régimes pro-Poutine installés en Slovaquie ou en Serbie, tous les regards se tournent vers la France et la Belgique.
Immunisés? Nous ne le sommes pas. Ni la France, qui pourrait voir Marine Le Pen au perron de l’Elysée, ni la Belgique qui pourrait voir, au nord, les fascistes du Vlaams Belang être le premier parti avec la tentation d’un gouvernement flamand avec la N-VA. Même si Bart De Wever s’en défend, certains dans son parti n’excluent pas cette formule de gouvernement régional à fort impact sur la constitution d’une majorité fédérale.
On peut gloser à l’infini sur les raisons qui poussent, de gauche à droite, les électeurs à secréter un vote protestataire aussi désolant que dangereux. Mais le constat est là: on ne bâtit manifestement pas le futur avec l’histoire du passé. Le “plus jamais ça” a vécu, hélas. Veillons à ne pas reproduire l’adresse du pasteur allemand antinazi Martin Niemöller en 1946: “Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester”.
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