Eddy Caekelberghs
L’Iran chiite, en perte d’influence externe
Mauvais conte pour enfants ou cauchemar pour adultes ? Le nucléaire iranien – tel un moderne monstre du Loch Ness – refait à nouveau surface. Et c’est vrai que l’Iran chiite est en perte d’influence externe : son allié libanais du Hezbollah est momentanément affaibli, ses affidés du Hamas croulent sous les bombes de Tsahal et le régime irakien, voire les Houtis du Yémen sont plus qu’affaiblis à leur tour. C’est donc le temps des menaces et invectives réciproques.
L’Iran chiite est en perte d’influence externe. C’est donc le temps des menaces et invectives réciproques.
Et pourtant, la séquence s’ouvre sur de discrets contacts entre émissaires du “Grand Satan américain” (comme le dénomme Téhéran) et la république des ayatollahs. Bien qu’une rencontre directe des deux délégations n’ait pas été prévue initialement, il y a eu une brève entrevue le week-end dernier entre le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghtchi, et l’émissaire spécial américain, Steve Witkoff. Les parties ont convenu de poursuivre leurs pourparlers.
Pour autant, les commentateurs de presse restent prudents voire modérément optimistes, comme dans les colonnes du quotidien Der Standard à Vienne : “Le plus étonnant dans ces nouveaux pourparlers sur le nucléaire entre les États-Unis et l’Iran, c’est le simple fait qu’ils aient lieu (…) Sous l’effet des sanctions, l’économie iranienne est exsangue, la population est à bout. Le réseau stratégique de l’Iran dans la région, l’axe de la résistance, n’est plus opérant, les systèmes militaires du pays ont grandement pâti de l’attaque israélienne menée en octobre dernier. Le président américain menace de guerre si l’on n’aboutissait pas à un nouvel accord sur le nucléaire. Mais il faut croire que cette menace n’a pas été dégainée : Witkoff a choisi de se glisser dans le rôle du gentil (…) La priorité la plus urgente actuellement, c’est de faire cesser l’accumulation d’uranium susceptible de servir à la production d’armes.”
Quelques notes d’espoir pour le Corriere della Sera à Milan : “Il va de soi que ce dialogue, qui vient à peine de commencer, peut être décisif pour changer la donne à l’avenir, dans la poudrière du Proche-Orient. Mais pas seulement.” En Allemagne, Die Tageszeitung est plus catégorique : “Trump mise sur la carotte et le bâton : les incitations en termes économiques et les menaces en termes militaires. Il affirme vouloir que l’Iran devienne un ’pays heureux’. Il montre toutefois clairement que l’Iran encourrait un ’grand danger’ si les négociations devaient échouer. Les États-Unis ont déjà positionné des avions furtifs B-2 dans l’océan Indien, et un deuxième groupe de porte-avions a été dépêché au Proche-Orient.” Et tous de souligner que ceci est, en tout cas, une dernière chance pour Donald Trump d’engranger un résultat tangible dans les 100 jours de son mandat là où ses “efforts” ukrainiens se soldent par bien peu de choses. Téhéran et Moscou connaissent cette impatience de la Maison Blanche et en jouent. Fatalement.
Conclusion avec le spécialiste ukrainien du Proche-Orient, Igor Semyvolos, dans un post Facebook : “L’accord restera fragile, en raison de la méfiance viscérale que se vouent les deux protagonistes et de la pression d’Israël et de l’Arabie saoudite, qui le jugeront insuffisant. Surtout si Israël ou l’Iran se mettent à se provoquer. L’hypothèse d’une guerre généralisée est peu probable, mais des attaques ponctuelles ou asymétriques pourraient perturber le dialogue.” Pour réussir, il faudra convaincre l’ayatollah Khamenei de faire des concessions, et le pousser à reconnaître les faiblesses de son régime dangereux, qui a récemment essuyé plusieurs défaites”.
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