De plus en plus de voix aspirent à une compétence climatique universelle des tribunaux
Un peu comme la compétence universelle avait permis de poursuivre Pinochet à partir de l’Espagne, de plus en plus de voix aspirent à une compétence climatique universelle des tribunaux permettant de poursuivre les Etats particulièrement indolents en la matière. Et c’est précisément parce qu’ils craignent une telle compétence (et jurisprudence) que les membres de la chambre haute helvétique – dénommée Conseil des Etats – vient de critiquer l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) contre la Confédération en matière “d’inaction climatique”.
Il fallait s’y attendre : la Suisse n’allait pas regarder passer le train judiciaire moral de la CEDH sans réagir. Selon les élus de la haute assemblée, la Cour aurait présumé de ses pouvoirs en jugeant que la politique climatique de la Suisse, insuffisante, demanderait à être améliorée.
On en revient à ce tropisme de plus en plus aigu dans le monde : l’ordre judiciaire défie l’exécutif et le législatif (souvent inactif ou aux ordres !) pour leur refus de prendre les lois et dispositions légales indispensables à la bonne marche de l’Etat. Une position (un privilège ?) qui en gêne plus d’un dans les assemblées qui estiment que le juge est là pour appliquer la loi et non la faire !
Et c’est pourtant très exactement la séparation et la répartition des rôles souhaitées par Montesquieu qui s’opère : d’un côté, le juge dit le droit (par exemple avoir une loi ou des dispositifs légaux régissant tel droit fondamental à la santé en l’occurrence) et le politique (les élus) fabrique la loi sur base des consensus de majorité et dans le respect des recours légaux.
C’est le Conseil constitutionnel français qui déclare un devoir de fraternité à l’égard des migrants contre une volonté d’instaurer un délit de solidarité ; c’est le Conseil d’Etat, français encore, qui recadre l’autorité exécutive qui ne se plie pas à l’accueil bienveillant des jeunes Russes fuyant le régime et la guerre, en rappelant que l’on ne peut les renvoyer au motif qu’ils risqueraient dès lors d’être contraints aux crimes de guerre, voire contre l’humanité.
C’est aussi le Trump du premier mandat en butte, au départ, à une Cour suprême défendant le principe de l’IVG ouverte à toutes. Une situation qui a changé dès lors que le président a pu nommer trois nouveaux juges à la plus haute instance.
Aujourd’hui, les Etats regardent la CEDH et la Suisse dans ce dossier d’inaction climatique. Et la presse helvétique débat sans trouver d’accord. C’est le journal à sensation Blick qui estime que les juges en font trop : “La justice n’a pas à se substituer à la politique. Le rôle de la justice est de contrôler le respect des lois votées par le Parlement. Ainsi que le veut la séparation des pouvoirs. La Suisse a le droit de questionner le zèle de la Cour internationale, sans que ceci ne lui vaille la suspicion de vouloir abolir les droits de l’homme. La Suisse doit donc maintenir sa trajectoire vers une meilleure protection du climat sans se laisser désarçonner”.
Tandis que le plus grand quotidien suisse Tages-Anzeiger conteste la position du Conseil des Etats : “Ce qui subsiste, c’est une déclaration contestatrice : une chambre du Parlement suisse critique une Cour et appelle son gouvernement à ne pas suivre l’arrêt que celle-ci a rendu ou, selon l’interprétation qu’on en fait, à ne pas en tenir compte. Exactement comme le font les autocrates”.
Ceci met à coup sûr le doigt sur l’importance du dossier et la nécessité du respect des décisions judiciaires. Au risque de la rupture de l’état de droit !
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