Bruno Colmant

De la fracture à l’audace: pour une renaissance européenne

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

L’histoire de l’économie du XXᵉ siècle enseigne que les pays qui doivent compter uniquement sur leurs ressources et populations pour prospérer — sans exploitation de colonies, de ressources naturelles abondantes et d’autres effets d’aubaine — développent des taux de croissance supérieurs. Cela suppose toutefois qu’ils soient animés par un projet politique réfléchi et partagé.

C’est le cas des pays nordiques européens, mais aussi de l’Allemagne d’après-guerre (pays de tradition luthérienne, ce qui n’est pas une coïncidence). C’est également le cas des Pays-Bas, certes scandaleusement colonisateurs, mais qui, comme l’Angleterre, ont d’abord maîtrisé les mers.

Et puis, il y a d’autres pays, souvent catholiques, centralisateurs et rentiers, après avoir été des nations colonisatrices. Je pense notamment à la France, à l’Espagne et à la Belgique.

Que constate-t-on depuis 40 ans, et encore plus depuis l’introduction de l’euro en 1999, qui nous a déresponsabilisés de notre souveraineté monétaire ? L’Europe s’est engourdie, puis endormie, jusqu’à être confrontée à un choc économique et industriel complètement sous-estimé.

Tout s’est passé comme si nous avions à la fois bénéficié du contexte néolibéral et de la chute du mur de Berlin. Cela nous a conduits à délocaliser nos capacités industrielles à l’est, puis à capituler devant les pays asiatiques qui se sont imposés par une croissance fondée sur l’exportation.

Nous avons donc confondu mondialisation et libre-échange avec le temps des colonies. Pire encore, nous pensions pouvoir esquiver toute adaptation de nos modèles. Mais nous avons percuté le mur de nos contradictions. Puisque la richesse était, pour partie, indue, nous avons amplifié la réglementation et alourdi nos économies, sous divers prétextes, dont le principe de précaution.

Ainsi, nous nous imaginons toujours être le centre humaniste et vertueux du monde, alors que le reste du monde nous regarde avec attendrissement et désintérêt.

C’est cela que la Commission européenne doit combattre. Elle doit convaincre nos dirigeants de ne pas se sentir déresponsabilisés par l’Europe, mais plutôt de simplifier, d’assouplir et de déréglementer l’inutile dans nos économies. L’excès d’administration est décourageant. Il annihile l’entrepreneuriat et l’envie de se tourner vers l’avenir.

Mais il y a autre chose : l’Europe vient de prendre un terrifiant coup de vieux, avec ses lourdes structures, ses pays désalignés, et une commission qui se croit omnipuissante, mais qui n’est qu’un pâle reflet des agencements démocratiques.

Et que penser de la Belgique ? En quelques semaines, un pays-continent change de direction, alors que six mois après les élections, dans un pays engoncé dans ses nominations politiques, nous sommes incapables de former un gouvernement pour une nation qui a autant d’habitants que New York. Car il faut le dire : notre pays est à l’arrêt, manque d’ambition, n’a pas de projet de société, et est rouillé par ses contradictions et ses lourdeurs invraisemblables.

Ces réalités s’inscrivent dans un choc industriel sans précédent : l’économie européenne va très mal, et l’effondrement industriel (énergie, automobile, acier, etc.) est terrifiant. Alors, nous ferions mieux de nous réinventer très rapidement, car le reste du monde ne nous attend pas.

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