Amid Faljaoui

De “Buy America” à “Sell America” : la girouette mondiale des experts a encore frappé

Souvenez-vous : janvier 2025. Ce n’était pas il y a dix ans, mais à peine quatre mois. Une éternité à l’échelle des marchés financiers. À ce moment-là, le consensus était clair, unanime, bruyant : il fallait miser sur l’Amérique. Actions, dollar, bons du Trésor… même l’accent texan semblait être un bon pari.

La raison de cet engouement ? Le retour annoncé de Donald Trump à la Maison-Blanche. Un président pro-business, favorable à Wall Street, et perçu comme un booster naturel du Nasdaq. L’histoire se racontait toute seule : un homme d’affaires à la tête du pays allait faire flamber les marchés. Les “Trump trades” étaient de retour, et les investisseurs se ruaient sur les “7 Magnifiques” comme on achète des croissants en temps de guerre : sans réfléchir.

Changement de scénario

Mais depuis, le scénario a basculé — comme une crêpe trop vite retournée. Aujourd’hui, la tendance s’est totalement inversée. Nouveau mot d’ordre chez les stratèges de fonds : “Sell America”. Il faut tout vendre. Actions américaines, obligations, dollar… et dans la foulée, éviter les États-Unis.

Pourquoi ce revirement brutal ?

Parce que Donald Trump ne se contente plus de vouloir “rendre sa grandeur à l’Amérique”. Il semble désormais déterminé à la rendre… invivable pour les investisseurs.

Depuis ses attaques contre la Réserve fédérale et sa volonté affichée de limoger Jerome Powell — ce qu’il ne peut théoriquement pas faire, mais les subtilités constitutionnelles ne semblent pas le freiner — les marchés s’inquiètent. Résultat : les investisseurs font ce qu’ils savent faire de mieux… ils changent de cap avec la grâce d’un patineur artistique.

Leçon n°1 : Ce qui était adoré en janvier est bradé en avril

En parallèle, Trump relance sa guerre des tarifs douaniers. Tous les pays y passent, alliés compris. À force de distribuer des claques, même les partenaires les plus fidèles finissent par chercher d’autres appuis. Et dans bien des cas, c’est la Chine qui tend la main.

Les conséquences sont concrètes :

  • Le S&P 500 a perdu 10 % depuis début avril, soit 4 800 milliards de dollars partis en fumée.
  • Le dollar chute, malgré une politique de taux élevés.
  • Même les bons du Trésor, autrefois refuge par excellence, sont boudés comme un vieux Nokia 3310.

Leçon n°2 : Ce n’est pas un krach, c’est une dédollarisation émotionnelle

Ce que l’on observe en creux, c’est une remise en cause profonde des fondements de l’hégémonie financière américaine : confiance, crédibilité, stabilité. Et ce n’est pas un simple dommage collatéral. C’est une stratégie. Trump souhaite refonder l’ordre économique mondial — quitte à le faire exploser avant.

Alors les stratèges s’interrogent : si le dollar ne joue plus son rôle de valeur refuge, si la Fed devient une institution fragile, si l’Amérique elle-même apparaît comme un “actif risqué”, alors… vers quoi se tourner ?

Le franc suisse, l’or… et peut-être même l’euro.

Une fuite à contrecœur

Mais attention à ne pas enterrer trop vite la domination américaine. Le dollar reste utilisé dans 90 % des transactions mondiales. Et à ce jour, il n’a pas de véritable concurrent. L’euro n’est pas prêt, le yuan est sous contrôle étatique, et les cryptomonnaies sont encore en phase de désintoxication.

Alors on vend… mais à contrecœur. On fuit… mais plutôt en jet privé.

Leçon n°3 : Le monde en a assez de l’Amérique, mais ne peut toujours pas s’en passer

C’est peut-être ça, la vérité du moment : ce n’est pas l’Amérique qu’on vend. C’est notre mémoire collective. Les marchés ne se détournent pas de l’Amérique. Ils vendent l’idée que l’Amérique est éternelle.

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