Amid Faljaoui
Comment les élections présidentielles américaines sont piratées par la “Mafia Paypal”
Je ne sais plus quel intellectuel disait que le reste du monde, et pas seulement les citoyens américains, devraient pouvoir voter pour l’élection présidentielle américaine. La raison de cette déclaration audacieuse ? Les États-Unis sont le seul pays au monde à avoir autant d’impact sur notre vie quotidienne.
Non seulement parce qu’ils sont la plus grande économie mondiale, qu’ils influencent l’évolution de nos taux d’intérêt (davantage que la BCE), qu’ils dominent les marchés financiers mondiaux, ou encore qu’ils possèdent la plus grande armée. Tout cela est bien établi et incontesté. Mais aussi parce que les multinationales américaines, notamment dans le domaine technologique, sont les plus influentes au monde.
Hélas, le 5 novembre, nous n’aurons rien à dire sur cette élection présidentielle. Nous devrons nous contenter d’enregistrer les résultats, qu’ils nous plaisent ou non. En revanche, Elon Musk, l’homme d’affaires le plus riche du monde, ne se gêne pas pour tenter d’influencer directement le résultat des élections.
Pas plus tard que ce samedi 19 octobre, il a remis un chèque d’un million de dollars à un citoyen américain, tiré au sort parmi ceux qui avaient signé sa pétition en faveur de « la liberté d’expression et du droit de porter des armes ». Musk justifie cet acte en estimant que les médias classiques américains ne relayent pas suffisamment sa pétition. Il a donc décidé d’octroyer un million de dollars par jour pour maximiser sa notoriété, une démarche évidemment alignée avec le programme politique de Donald Trump.
Si l’on fait les comptes, Elon Musk prévoit de consacrer 17 millions de dollars d’ici au 5 novembre pour influencer les élections américaines. Mais cela reste principalement une opération de communication et une somme négligeable pour lui. En réalité, Musk a déjà fait un don de 75 millions de dollars à la campagne de Donald Trump. Son véritable rôle est de convaincre les électeurs indécis dans les États clés (les « swing states ») afin de remporter les élections.
Elon Musk n’est d’ailleurs pas le seul milliardaire de la tech à soutenir Trump. Traditionnellement, les patrons de la Silicon Valley restaient discrets sur leurs préférences politiques, et quand ils les exprimaient, c’était souvent en faveur du Parti démocrate. Mais cette année, le vent a tourné.
Une partie des dirigeants de la Silicon Valley en veut à Joe Biden et à son administration, qui cherche à mieux contrôler ou même démanteler certaines multinationales technologiques. En outre, ces géants de la tech voient d’un mauvais œil les réglementations anti-cryptomonnaie. En soutenant Donald Trump, ils protègent leurs intérêts.
Au-delà des considérations économiques, certains patrons de la tech ont des raisons idéologiques de soutenir Trump. Peter Thiel, l’un des fondateurs de PayPal, a exprimé dans son livre De zéro à un que le capitalisme est incompatible avec la démocratie. Quant à Elon Musk, il nourrit une rancœur personnelle contre l’idéologie « woke », qu’il attribue aux Démocrates. Musk estime avoir « perdu » l’un de ses enfants, Vivian, qu’il considère comme « tué par le virus WOKE » après avoir changé de genre.
Elon Musk, Peter Thiel et David Sacks, un autre patron de la Silicon Valley, figurent parmi les plus grands soutiens de Donald Trump. Ces trois hommes, fondateurs de PayPal, forment ce que l’on surnomme la « Mafia PayPal ». Ils sont entourés de quelques hommes clés qui les ont aidés à bâtir leur fortune. Ce groupe, pro-tech et pro-Trump, est particulièrement influent.
Ils se préparent déjà pour la suite, même s’ils devaient perdre cette élection. En effet, le vice-président choisi par Donald Trump, J.D. Vance, est un ancien investisseur de la tech. Ce jeune sénateur, imposé grâce aux dîners et rencontres privées financés par la « Mafia PayPal », est perçu comme leur futur candidat. En cas de victoire de Trump, ils auront un président redevable et un vice-président acquis à leur cause. En cas de défaite, J.D. Vance deviendra le principal opposant au gouvernement de Kamala Harris.
Ainsi fonctionne la première démocratie du monde, celle qui donne des leçons à l’échelle internationale, mais qui semble avoir confié les clés de ses urnes « au plus offrant ». Rendez-vous le 5 novembre pour observer les résultats de cette stratégie de « mécénat intéressé ».
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