Eddy Caekelberghs

Chronique du désamour européen

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

La démocratie s’use. Et, manifestement, la démocratie défenderesse des droits de la personne humaine, de la solidarité interpersonnelle, de l’intérêt collectif s’est essoufflée. En atteste le nombre de pays membres de l’UE (ou candidats à l’adhésion) où l’on multiplie les oxymores. Genre “démocratie illibérale” ou “démocratie autoritaire”. Hongrie, Italie, Pays-Bas, nord de l’Europe, République tchèque, entre autres : 10 capitales européennes au moins montrent la voie, et ce n’est pas fini !

Notre incapacité à accoucher dans l’Union européenne d’une vraie zone (a minima) d’intérêt collectif, avec une vraie politique industrielle, une vraie politique de défense, une vraie politique de solidarité, nous expose à l’ardeur faiblissante de certains candidats à l’adhésion, en particulier ceux qui, aux frontières du conflit russo-ukrainien, mesurent notre caractère velléitaire. Je veux parler récemment de la Moldavie et de la Géorgie.

Deux scrutins aux allures de referendums sur l’adhésion des opinions à cette Union européenne qui rassemblait, il y a peu encore, leurs aspirations sincères. Bien que les sondages montrent régulièrement que les Géorgiens sont massivement en faveur d’une adhésion à l’UE, le parti Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012, a récemment adopté des lois s’inspirant de plus en plus du modèle russe et visant à restreindre les droits de l’opposition et de la société civile. Face à ces dérives, Bruxelles a dû suspendre le processus d’adhésion de la Géorgie, enclenché à la fin de l’année 2023. Cela n’aide pas.

En Moldavie, les électeurs se sont prononcés à une courte majorité en faveur d’une révision de la Constitution, afin d’y ancrer l’objectif de l’adhésion à l’UE. Mais ce résultat n’a toutefois été possible que grâce aux voix de la diaspora. Les habitants du pays ont rejeté le rapprochement avec l’UE. “Même dans la capitale, 44% des électeurs ont dit non à l’avenir européen du pays”, commente la presse ukrainienne. Une Ukraine qui se réveillera, après le désastre de la guerre, avec ce qu’elle qualifiera de voisinage européen timide. Et quoi ? On voudrait la liesse ? L’effusion enthousiaste ? Et puis quoi encore ?

“Il y a 15 ans, il aurait été impensable que les Moldaves hésitent à rejoindre le ‘club des riches’.”

Le quotidien espagnol “El Mundo” résume très bien l’affaire en disant que “la Russie a engagé une nouvelle bataille dans sa guerre hybride contre l’Europe (…) Son immixtion en Moldavie est annonciatrice d’une intervention tout aussi dangereuse aux législatives en Géorgie. La menace que représente Poutine pour ces deux territoires est susceptible à tout moment de déboucher sur des guerres, comme cela s’est passé en Ukraine. Une situation qui contraint l’UE à renforcer son soutien aux forces démocratiques, qui représentent un rempart contre un impérialisme russe de plus en plus agressif.” Mais où sommes-nous ? Faisons-nous le job ? Donnons-nous encore envie ?

C’est la presse bulgare (pays membre de l’UE) qui nous le dit : “En 2003, la Hongrie avait voté à 83% en faveur de l’adhésion, la Slovaquie à 93%. Un résultat inférieur à 60% pour une adhésion à l’UE est considéré comme un cinglant revers. La Moldavie se classe au 93e rang mondial en termes de PIB par habitant, juste derrière le Botswana. Il y a 15 ans, il aurait été impensable que les Moldaves hésitent à rejoindre le ‘club des riches’.”

Et si c’était un modèle alternatif les BRICS ? – qui rassemblait un jour ces déçus ? Cela les ramènerait à Moscou, certes, mais sans doute sans hégémonie russe réelle et avec des marchés performants. Poutine, qui en accueillait le sommet à Kazan, s’en frotterait les mains. Il nous resterait les larmes… De crocodile.

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