Belfius et la méconnaissance des mécanismes bancaires par les politiques
Le patron de Belfius a osé dire que l’argent du bon d’Etat était de l’argent qui risquait de ne plus pouvoir servir pour des crédits demain. Cloué au pilori par certains politiques, il n’a pourtant énoncé là que de la pure mécanique bancaire. Le plus cocasse c’est que ces mêmes politiques ne prêchent même pas pour leur chapelle.
En écoutant certains hommes politiques cette semaine, je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux paroles de cette vieille chanson de Guy Béart : le poète a dit la vérité, il doit être exécuté. Le poète, cette semaine, c’est le patron de la banque Belfius.
Invité à la télévision (RTL-TVI) pour donner son avis sur l’incroyable ruée des particuliers belges sur le bon d’Etat, il s’est littéralement fait flinguer par des représentants du parti socialiste et du parti écolo. Les infinies précautions langagières n’y auront rien changé. Ni le fait qu’il n’expliquait là qu’une mécanique bancaire et pas nécessairement son avis personnel ou une réalité de demain.
Le crime du patron de Belfius ? Il a osé dire que l’argent qui a été retiré par les particuliers en Belgique en faveur du bon d’Etat était de l’argent qui risquait de ne plus pouvoir servir pour des crédits demain. Aussitôt dit, aussitôt flingué en public. Des politiques se sont enflammés pour dire, qu’en creux, c’était une forme de menace de diminuer les crédits. Mais de quelle menace parlent-ils ? Car que l’on goûte ou non le propos du patron de Belfius, le constat est le même : c’est de la pure mécanique bancaire. Contrairement à ce que le grand public pense, une bonne partie des 300 milliards d’euros qui sont déposés aujourd’hui sous forme de dépôts bancaires ne dorment pas. Ils sont utilisés pour octroyer des crédits aux particuliers ou aux entreprises. Il n’y a qu’une petite partie de ces dépôts qui est bloquée. La grande majorité des 300 milliards est réinvestie dans l’économie sous forme de crédits. Et si BNP Paribas Fortis perd 6 milliards d’euros ou Belfius perd 4 milliards au profit du bon d’Etat, c’est donc mécaniquement autant d’argent qui n’ira sans doute pas sous forme de crédit. Surtout si l’Etat a la bonne idée de lancer d’autres bons d’Etat d’ici quelques mois.
Et puis Belfius n’est pas la seule à être critique. Toutes les banques ont critiqué ce bon d’Etat d’une manière ou d’une autre. Le patron de la KBC dira même que l’Etat pratiquait une forme déloyale de concurrence en diminuant le précompte mobilier de 30% à 15% uniquement pour le bon d’Etat. Un geste qui empêche les banques commerciales de proposer le même rendement net aux mêmes conditions.
Mais voilà, la KBC n’est pas Belfius. La première est une banque privée, Belfius appartient à l’Etat. Et les politiques pardonnent d’autant moins la sortie, que le patron de Belfius est à la tête d’une banque qui a été sauvée par le contribuable. Mais ces mêmes politiques oublient un peu vite que c’est au contraire une raison de plus d’être prudent. Et que c’est pleinement le rôle du président de cette banque d’avertir de possibles dangers. N’oublions pas non plus que cette banque valait à peine 3 milliards d’euros lorsqu’elle a été sauvée par le contribuable. Dix ans après, suite au boulot effectué par l’actuel CEO de Belfius et ses équipes, cette banque vaut 11 milliards. Le job a donc été fait et plutôt bien. Le contribuable belge n’est pas lésé, que du contraire. Ses impôts ont bien été rentabilisés. Quant à l’Etat, il n’a pas de quoi se plaindre : en 10 ans, Belfius a versé 2 milliards d’euros sous forme de dividendes à l’Etat. C’est énorme.
Le plus drôle dans cette polémique provoquée par quelques politiques, c’est qu’ils se présentent comme les défenseurs du petit épargnant. C’est leur droit. La réalité n’est pas moins nettement plus nuancée. Et de cela on en parle peu, trop peu. La vérité, c’est que c’est plutôt le Belge aisé qui a souscrit au bon d’Etat. Alors oui, bien sûr, il y a bien des Belges qui ont souscrit mille ou deux mille euros. Il n’empêche que la moyenne des souscriptions est de 34.000 euros par personne. Or ce n’est pas donné à tout le monde de transférer 34.000 euros sur un bon d’Etat. Ces politiques de gauche qui se sont offusqué défendent en réalité des particuliers qui ont pu mettre d’un clic ou deux 34.000 euros sur les bons d’Etat. Soit des gens qui, statistiquement, votent plus que probablement à droite. Le PS et Ecolo défendent donc sans le savoir l’électorat du MR ou de la NVA. Vous avouerez que c’est assez cocasse.
Cette polémique totalement biaisée sur la défense du soi-disant petit épargnant particulier montre surtout que la campagne électorale a démarré. Pour le reste, comme le dit le proverbe persan : donnez un cheval à celui qui dit la vérité, il en aura besoin pour s’enfuir.
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