Eddy Caekelberghs
Partout la même onction divine, au nom de Dieu, pour galvaniser, fanatiser et puis justifier
En son nom, les Croisés ont pillé Constantinople l’orthodoxe, Jérusalem ou Haïfa souillées du martyr du Christ par ceux que Rome appelait “peuple déicide”.
“Got mit uns” et les chevaleries teutonnes se lançaient en terres baltiques et scandinaves. Au même slogan sur ceinturon s’élançaient les troupes germaniques de la Première Boucherie mondiale. En son nom encore, la controverse de Valladolid pour savoir si les Indiens des Andes avaient âme humaine. En son nom toujours, on alluma les bûchers de l’Inquisition. On brûla Giordano Bruno et menaça Galilée.
“Deus lo vult” des Templiers, “Allahou Akbar” des islamistes, “Dieu bénisse nos troupes” : partout la même onction divine revendiquée pour galvaniser, fanatiser et justifier ex ante les atrocités pour “la bonne cause de et avec dieu”. On ne reviendra pas ici sur le nombre d’excuses à présenter par ceux qui, prêchant l’amour, allumaient les braises. On se contentera d’en mesurer toute l’actualité crédule entre patriarcats orthodoxes d’obédience russe ou ukrainienne.
Le Parlement ukrainien a adopté une loi qui interdit aux organisations religieuses toute relation avec la Russie. Un délai de neuf mois est accordé pour supprimer tout lien éventuel avec Moscou, faute de quoi elles encourent une interdiction. La loi vise surtout l’Eglise orthodoxe ukrainienne, officiellement indépendante depuis 2022 mais jugée encore proche de Moscou – et qui ne doit pas être confondue avec l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, autocéphale. Rien n’est simple.
“On pourrait se dire – à l’ancienne – ‘Dieu reconnaîtra les siens’. Mais où se cache alors la véritable spiritualité ?”
D’une part, dans Glavkom, portail informatique ukrainien, le journaliste et député Mykola Kniajyzkyi explique : “Nous n’interdisons pas la religion. Les accusations selon lesquelles le projet de loi attenterait à la liberté de croyance en Ukraine ont pour seul but de semer la division. Chacun peut croire en ce qu’il veut. Nous interdisons une organisation, l’Eglise orthodoxe russe, qui, en dépit de son nom, n’a rien à voir avec l’Eglise ou la religion. Il s’agit d’une antenne du FSB qui travaille contre l’Etat ukrainien et menace la sécurité nationale”. C’est grave.
A l’inverse, sur le portail Lvivska Manufaktura Novyn, le blogueur ukrainien Wassyl Kouriy ne partage pas cette vision et craint qu’elle ne convainque pas le peuple croyant et adhérent de cette église. “Les interdictions décrétées par les instances étatiques n’ont jamais été efficaces. Nous aurons désormais des communautés entières de ‘martyrs’ dans la clandestinité, car de nombreuses personnes restent fidèles à cette Eglise meurtrière.” Le quotidien chrétien danois Kristeligt Dagblad, lui, met en garde : “On ne peut exiger des Ukrainiens de renoncer au legs culturel russe, qui les a façonnés. Mais il est légitime que l’Ukraine démantèle les réseaux qui transportent des armes ou d’autres ressources au profit de la Russie – même s’il s’agit dans ce cas de monastères ou d’églises. Mais cette loi se fourvoie si elle juge que des liens historiques avec la Russie sont en soi compromettants.”
Et la critique s’étend – même en Pologne – au pape François qui a soutenu l’Eglise orthodoxe russe. Sur le plus grand portail internet polonais appartenant au groupe allemand Axel Springer on peut lire : “[Le pape] est heureusement le seul à le faire : l’Eglise orthodoxe russe, en tant que composante majeure de la machine de guerre du Kremlin, est dans le viseur des autorités, notamment en Estonie et en Tchéquie.”
On pourrait se dire – à l’ancienne – “Dieu reconnaîtra les siens”. Mais où se cache alors la véritable spiritualité ? Et si la foi omettait la politique ? Ailleurs comme ici ?
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