Bruno Colmant
Après le discours de James Vance: l’Europe et l’euro en danger?
Je reviens sur les propos tenus par James Vance, vice-président des États-Unis, lors de son intervention à Munich.
Le message de cet homme est extrêmement important. Ainsi, lorsqu’il évoque « l’ennemi européen de l’intérieur », il fait référence à la liberté d’expression populaire (ce qui est singulier quand on réfléchit à la tentative de coup d’État du Capitole, il y a quatre ans), au rejet des cordons sanitaires, et donc à l’émergence des partis nationalistes, souverainistes et souvent xénophobes, qui contribuent à affaiblir la construction européenne — une construction pourtant bâtie sur les cendres de deux guerres mondiales, certes lointaines dans le temps, mais dont de nombreux survivants sont encore en vie. Ce n’est pas un hasard si James Vance a prononcé ces paroles à Munich, après un terrible attentat xénophobe. Ce n’est pas un hasard non plus si Elon Musk s’est récemment adressé à l’AfD (Alternative für Deutschland), ce parti qui prône la sortie de l’Allemagne de l’Union européenne et de l’euro.
Derrière les propos de James Vance, il y a une réalité : l’Union européenne et la zone euro (dont on oublie qu’elle n’a que 25 ans) sont dépendantes d’une homogénéité politique et économique. Le modèle doit être centripète et non centrifuge pour subsister. Et l’on constate que certaines forces veulent écarteler cette construction. S’ils y réussissent — mais après tout, ce serait aussi l’expression de la démocratie — l’Europe basculera vers un modèle confédéral, qui est peut-être plus adapté à l’hétérogénéité des réalités nationales. Mais alors, je ne sais pas comment l’euro pourrait subsister.
L’euro repose sur des équilibres précaires, sans véritable fédéralisme budgétaire, et avec des États, dont les intérêts divergent de plus en plus. Un affaiblissement des institutions européennes ou une montée en puissance des tendances nationalistes fragiliserait directement la monnaie unique. On l’a vu lors des crises passées : crise de la dette souveraine de 2010-2012, tensions sur la zone euro après le Brexit, secousses autour des budgets italiens et grecs. L’euro a survécu grâce à l’intervention de la Banque centrale européenne (BCE), mais peut-elle éternellement racheter les dettes des États, apaiser les tensions financières et maintenir artificiellement une cohésion monétaire qui repose sur un équilibre de plus en plus fragile ?
Si demain, de manière totalement hypothétique, des États majeurs comme l’Allemagne ou l’Italie exprimaient une volonté de distanciation par rapport à l’euro, l’ensemble du système pourrait vaciller. Une zone euro qui imploserait signifierait la fin du marché unique tel que nous le connaissons, un retour à des monnaies nationales plus faibles pour certains pays, et surtout une fragmentation économique profonde qui ouvrirait la porte à des crises financières majeures.
Nous n’en sommes évidemment pas là. Mais le danger de l’hétérogénéité politique est présent et se renforcera, car l’Europe n’est plus protégée par les États-Unis et fait face à une guerre qu’elle est incapable de gérer seule.
Il y a donc une question existentielle qui porte sur l’expression des nationalismes. Il faut se souvenir des mémorables paroles de François Mitterrand (1916-1996), alors très malade et en fin de mandat, prononcées devant le Parlement européen au début de l’année 1995. Il avait déclaré : « Le nationalisme, c’est la guerre. » Et d’ajouter : « La guerre, ce n’est pas seulement notre passé, cela peut devenir notre avenir. »
Tout cela, il faut le regarder à hauteur d’homme, mais aussi à l’aune de l’histoire, car nous sommes tous des vigies. Nous devons transmettre, comme un cri mille fois répété, le message de nos aïeux. L’Union européenne et l’euro ne sont pas des abstractions technocratiques : ils sont des remparts contre le retour des déchirements d’antan.
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