Amid Faljaoui

Allemagne: fin de partie ou nouveau départ?

L’Allemagne est-elle en crise? La réponse est clairement affirmative. Cette crise n’est pas un simple passage à vide, mais un véritable choc qui affecte l’ensemble des piliers de son modèle économique.

Considérez l’analogie d’un tabouret à trois pieds. Le premier représente l’approvisionnement en énergie bon marché, notamment grâce au gaz russe. Le deuxième symbolise le « Made in Germany » qui dominait l’export, particulièrement en Chine. Le troisième incarne la protection militaire assurée par les États-Unis.

Aujourd’hui, ce tabouret s’est effondré, et l’économie allemande vacille.

Un modèle qui s’effondre

D’abord, l’énergie. Pendant des années, l’Allemagne a bénéficié du gaz russe à bas prix, ce qui a permis de développer des usines très compétitives, des coûts maîtrisés et une industrie qui dominait l’Europe. Cependant, avec l’arrêt du gaz russe consécutif à l’invasion de l’Ukraine, une explosion des prix a conduit à la fermeture d’usines et à la mise en difficulté de secteurs entiers, de la chimie à la sidérurgie.

Ensuite, le marché chinois. Autrefois, Pékin achetait des produits haut de gamme tels que des Mercedes, des BMW ou des machines-outils allemandes. Aujourd’hui, la Chine est devenue un concurrent redoutable, offrant des produits de qualité à des prix inférieurs. Notamment sur le marché des véhicules électriques, où les constructeurs chinois surpassent Volkswagen et d’autres marques, l’industrie allemande perd du terrain.

Enfin, le pari risqué des énergies renouvelables. L’Allemagne a souhaité abandonner le nucléaire pour se tourner vers un système 100 % renouvelable. Or, cette transition se révèle coûteuse, instable et dépendante des importations d’énergie, plaçant ainsi Berlin à la merci des fluctuations des marchés et de ses voisins européens.

Le problème majeur demeure la démographie. L’Allemagne fait face à un vieillissement rapide de sa population, avec un taux de natalité de 1,4 enfant par femme, ce qui entraîne un déclin de la population active. Moins de travailleurs, davantage de retraites à financer, un modèle social sous pression. Bien que l’immigration puisse constituer une solution, elle reste politiquement sensible, favorisant ainsi la progression de l’extrême droite lors des élections.

Mais tout n’est pas perdu

L’Allemagne dispose d’un atout de taille : une dette publique maîtrisée. Contrairement à la Belgique, la France ou l’Italie, elle a fait preuve de prudence, affichant une dette équivalente à seulement 60 % du PIB, contre plus de 100 % en France et en Belgique.

En clair, elle possède les moyens d’investir massivement pour moderniser ses infrastructures, soutenir son industrie et rattraper son retard dans les secteurs d’avenir tels que l’intelligence artificielle, les batteries et les semi-conducteurs. Toutefois, il convient d’oser dépenser.

Un espoir nommé Merz?

Un espoir se profile sous le nom de Friedrich Merz. Considéré comme le nouvel homme fort de Berlin, il incarne une approche pragmatique, ferme et libérale.

Ancien banquier et avocat d’affaires, il prône une réduction de la bureaucratie, une compétitivité accrue et une augmentation des investissements. Il ambitionne de lever le carcan budgétaire, de relancer l’industrie et d’accorder une plus grande flexibilité au marché du travail.

Sur la scène internationale, il souhaite repositionner l’Allemagne au cœur des enjeux, en favorisant un rapprochement avec la France, en renforçant le soutien à l’Ukraine et en envisageant la mise en place d’un emprunt européen pour la défense, une véritable révolution pour Berlin.

Alors, fin ou renaissance?

Après les élections de ce dimanche, l’Allemagne se trouve à un tournant décisif. Soit elle demeure figée dans ses dogmes, soit elle amorce un nouveau cycle de croissance. Elle dispose des ressources nécessaires, mais le temps presse.

La capacité de Friedrich Merz à relever ce défi se mesurera dans les mois à venir. Une chose est certaine: Berlin est de retour, bien que la durée de cette résurgence reste incertaine.

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