Amid Faljaoui

À qui les banques vont-elles faire payer la baisse des taux?

Lorsque les taux baissent, tout le monde en général est content, sauf les banques.

Au secours les taux d’intérêt baissent ! Présenté comme cela, une telle phrase paraît bizarre. A priori, quand les taux d’intérêt baissent, presque tout le monde est content : les jeunes qui doivent s’endetter pour acheter leur premier bien immobilier, les entrepreneurs qui souhaitent investir dans de nouveaux projets, l’État qui voit la charge de sa dette publique diminuer. Alors je sais bien qu’il y a dans ces exemples des taux d’intérêt à court terme et à long terme, mais dans les grandes lignes : lorsque les taux baissent, tout le monde en général est content, sauf les banques.

C’est vrai que pour lutter contre l’inflation de ces deux dernières années, la banque centrale européenne n’a pas hésité à augmenter très fortement les taux d’intérêt, pour casser la fièvre inflationniste. C’est durant cette période de remontée des taux d’intérêt que nos banques européennes ont réalisé des profits souvent historiques. En Belgique, pour ne citer que notre pays, les 4 banques belges ont affiché un profit cumulé de 8,5 milliards pour l’année 2023. Ce sont des niveaux de profits historiques dans le sens où aucune de ces 4 grandes banques n’avait réalisé de tels profits. Ce n’est pas en soi une critique, car soit l’actionnaire de ces banques est privé, et dans ce cas, c’est le particulier qui détient des actions bancaires qui s’en félicite.  Soit l’actionnaire de la banque est l’Etat et c’est le contribuable qui s’en félicite.

Cette période faste risque de l’être un peu moins en 2025. La faute à qui ? Mais à la BCE ! La même institution qui a réussi à maîtriser l’inflation en zone euro est en train de baisser ses taux plus vite que prévu. Depuis juin dernier, la BCE a déjà entamé 3 baisses de taux et comme l’inflation en zone euro est tombée sous la barre des 2% – 1,7% pour être précis – les taux d’intérêt vont continuer à baisser. Mais cette baisse, saluée par tout le monde, ne fait pas les affaires des banques. Elle pourrait coûter 600 millions d’euros de perte de revenus au secteur bancaire en 2025 d’après certains calculs. Quant au cabinet-conseil McKinsey, il estime que les banques européennes devront accélérer la baisse de leurs coûts si elles veulent garder leurs marges. Le rythme de baisse devrait être 2,5 plus rapide que le rythme de la baisse des taux d’intérêt selon les calculs de McKinsey.

Derrière ces chiffres, il y a un raisonnement simple dans son principe : les banques gagnent leur vie grâce aux marges qu’elles font entre les intérêts qu’elles perçoivent sur les crédits des clients et les dépôts auprès de la BCE et entre les intérêts versés sur les dépôts des clients. Mais voilà, avec la baisse des taux d’intérêt, cette marge est sous pression… Les banques, rassurez-vous, ne sont pas menacées et sont habituées à gérer ces modifications. Mais la question que posaient mes confrères du quotidien économique flamand De Tijd reste d’actualité : qui va payer la baisse de la marge des banques? Le client, via des frais augmentés sur les services  ou encore via les commissions prises sur ses investissements en action par exemple? Est-ce aussi le client, via la suppression encore plus accélérée des agences bancaires? Ou est-ce l’actionnaire qui devra s’habituer à ne pas recevoir des dividendes aussi plantureux qu’en 2023?

Je n’ai pas la réponse, et j’aurai voulu que les banquiers nous répondent comme Mark Twain : « Je n’aime pas l’idée à choisir entre le Ciel et l’Enfer, j’ai des amis dans les deux. » Mais hélas ma mémoire sur le plan bancaire m’indique que jusqu’à présent, c’était plutôt le client qui a dû céder le pas à l’actionnaire.

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