Amid Faljaoui
800 milliards d’euros par an, sinon c’est l’agonie assurée pour l’Europe
Hier, l’Europe a entendu un cri d’alarme, un cri du cœur. Et pas de n’importe qui puisqu’il vient de Mario Draghi.
Il avertit que si l’Europe ne réagit pas rapidement, elle sera définitivement dépassée par les États-Unis et la Chine. Sans un sursaut pour améliorer notre compétitivité, l’Europe va entrer, je le cite, « dans une lente agonie ». Et entre l’agonie et la mort, il n’y a souvent qu’un pas. Mario Draghi sait de quoi il parle. Cet ancien Premier ministre italien a été l’un des plus brillants présidents de la Banque centrale européenne. C’est lui qui a sauvé l’euro pendant la crise de la dette publique provoquée par la faillite de la Grèce.
Il y a un an, Ursula von der Leyen lui a confié la mission de rédiger un rapport sur la compétitivité de l’Europe. Ce rapport de 400 pages a été dévoilé lundi à Bruxelles. Le constat de Mario Draghi est loin d’être réjouissant. Je vous cite quelques exemples du déclin européen que lui et son équipe d’experts ont mis en lumière. Si l’on part du principe que les start-ups sont un indicateur de notre avenir, Mario Draghi souligne que les meilleures start-ups européennes, appelées Licornes (celles valorisées à plus d’un milliard de dollars), ne restent pas chez nous. En effet, 30 % d’entre elles partent pour les États-Unis. Ce qui n’est rien d’autre qu’un échec. L’Europe ne parvient pas à garder ses talents, mais elle n’innove pas suffisamment non plus.
Le rapport de Mario Draghi est même encore plus critique à ce sujet. Parmi les entreprises cotées en Bourse et valorisées à plus de 100 milliards d’euros, aucune n’a été créée à partir de rien en Europe au cours des 50 dernières années. Pendant ce temps, aux États-Unis, six entreprises valorisées à plus de 1000 milliards ont moins de 50 ans. Et même dans les secteurs où l’Europe est traditionnellement forte, comme l’industrie automobile, le rapport est accablant. Entre 2000 et 2022, la part de marché de l’automobile européenne a été divisée par deux, alors que le marché mondial a, lui, progressé de 45 %. Cherchez l’erreur.
L’une des nombreuses faiblesses de l’Europe, selon Mario Draghi, est la bureaucratie. Il dénonce l’empilement de réglementations incohérentes et restrictives au sein de l’Union européenne. Parmi les 170 propositions qu’il formule pour éviter le naufrage, une priorité ressort clairement : débureaucratiser. La question est de savoir si ce rapport de 400 pages sera lu et, surtout, appliqué, ou s’il finira dans une bibliothèque du Parlement européen. Je n’en sais rien, je ne suis pas devin. Ce que je constate par contre c’est que les deux moteurs principaux de l’Europe sont en panne. En Allemagne, le gouvernement d’Olaf Scholz est politiquement fragilisé. Et en France, Macron n’est plus ni crédible ni audible auprès de ses partenaires pour porter une relance budgétaire.
Et si j’évoque la relance budgétaire, c’est parce que Mario Draghi préconise d’investir 800 milliards d’euros par an pour relancer l’Europe. Quand j’entends ce chiffre, je ne peux m’empêcher de penser à la phrase ironique du général de Gaulle sur le Brésil : il disait « Le Brésil est un pays d’avenir, et il le restera. » J’espère que sa phrase ne sera pas valable pour l’Europe.
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