Il y a peu, 25 États signaient une déclaration solennelle pour appeler à la fin de la guerre à Gaza. France, Espagne, Royaume-Uni, Canada, Australie, Japon… Une belle brochette de démocraties convaincues que quelques mots bien sentis suffisaient à enrayer la violence. Les capitales vibrant de justesse morale. Et de vacuité stratégique. Car qu’y évoque-t-on ? Une condamnation de “l’aide au compte-gouttes” et des “morts inhumaines”, une injonction à Israël d’ “honorer ses obligations” en droit humanitaire, et l’espoir, lointain et flou, que cette prise de position accouchera d’un effet concret. Une symphonie de bonnes intentions – tonitruante sur la forme, flasque sur le fond. C’est comme pour appeler conjointement à la libération des otages et à la condamnation de leurs bourreaux. Ou pour rappeler le caractère terroriste et non victimaire du Hamas qui terrorise sa propre population, laquelle commence à le dénoncer.
Pour autant, Netanyahou tremble-t-il ? Rien n’est moins sûr. Comme le note le quotidien El País, le Premier ministre israélien continue de dérouler sa stratégie de guerre totale avec l’arrogance de celui qui se sent intouchable. Et pour cause : ses “alliés les plus développés”, comprenez les États-Unis et l’Allemagne, ne figurent pas parmi les signataires. L’un par fidélité stratégique à peine dissimulée ; l’autre par prudence politique, même si le chancelier Merz a reconnu du bout des lèvres des exactions contraires au droit international. À défaut d’engagement, Berlin s’offre une posture.
Ce concert d’indignation modérée est-il seulement audible à Gaza ? Un territoire en ruine, aux civils pris au piège entre les bombes, la faim et l’absence totale d’accès médiatique indépendant. Les 25 États peuvent bien condamner l’inacceptable, leur pouvoir d’action reste théorique. Comme le rappelle le Corriere della Sera, il ne suffit plus de compatir, encore faut-il assumer la responsabilité politique que l’on a dans le désordre. Et sur ce point, les Occidentaux brillent davantage par leur incohérence que par leur courage.
Entre naïveté diplomatique et cynisme stratégique, le monde penche pour l’équilibrisme.
L’Union européenne, elle, esquisse un frémissement d’action : une hypothétique mission humanitaire, la transformation de la mission de l’Union européenne d’assistance au poste frontière de Rafah en plateforme d’intervention, le déploiement de policiers européens et jordaniens. Des idées intéressantes, mais toujours “proposables”, jamais concrétisées. Bruxelles maîtrise l’art du conditionnel comme personne. Ce sont des projets en apnée, suspendus au bon vouloir de diplomaties paralysées par leurs divisions internes. La contradiction morale est éclatante : on dénonce un massacre, mais on n’ose pas désigner les auteurs, ni surtout s’y opposer concrètement. Les États réunis se veulent juges, mais pas intervenants.
Alors, à quoi servent ces appels ? À rassurer les consciences. À montrer qu’on “fait quelque chose”, même si ce “quelque chose” se réduit à une déclaration diplomatique sans suite concrète. À meubler le silence d’une indignation trop tardive et trop tiède. La guerre à Gaza ne s’arrêtera pas à coups de plumes trempées dans le formol diplomatique. Il faudra plus que des mots : des ruptures de livraisons d’armes, des sanctions ciblées, un soutien massif à l’aide humanitaire, et un courage politique que peu d’États semblent encore capables d’assumer. Mais entre naïveté diplomatique et cynisme stratégique, le monde penche pour l’équilibrisme. Gaza attend toujours que les phrases deviennent actes. Pour que la faim justifie les moyens !