Carte blanche

“Un changement de paradigme s’impose pour maîtriser la crise imminente du logement”

Des experts de tout le pays, issus des secteurs de la construction et de l’immobilier, ainsi que du logement social et du marché locatif privé, s’unissent pour tirer la sonnette d’alarme dans une lettre ouverte.

« Le constat est sans appel : nous nous dirigeons vers une crise du logement sans précédent. Mais nos représentants politiques semblent faire la sourde oreille et l’homme de la rue semble impuissant. Mais si nous ne faisons rien, le droit au logement (abordable) va s’enliser. Ce cri d’alarme lancé par une dizaine d’experts du secteur immobilier et de la construction, du secteur des logements sociaux et du marché locatif privé résonne dans les trois régions. Lorsque la question du logement est abordée, les débats restent, selon eux, superficiels, voire insignifiants, et dépassent rarement les questions de primes et de subventions. Pour trouver des solutions, les experts demandent la refonte des anciennes règles et l’instauration d’une approche repoussant les limites. Une révolution, un changement de paradigme, s’impose, et vite, selon des experts tels que Véronique De Mesmaeker, coordinatrice UWAIS, Charlotte De Thaye, directrice générale de Federia, Jean-Christophe Vanderhaegen, directeur général chez Embuild.Brussels, ainsi que Pascal De Decker, sociologue et planificateur spatial (KU Leuven) et Olivier Carrette de l’UPSI-BVS. 

« Qu’il s’agisse du secteur du logement social ou privé, du marché locatif ou acquisitif, de la Région de Bruxelles-Capitale, de la Flandre ou de la Wallonie, la cause est commune. Ce qui veut tout dire ! Généralement, nous avons chacun nos propres solutions. Nous avons parfois, en tant qu’experts, des points de vue similaires et des idées qui se recoupent, mais il arrive aussi que nos visions divergent complètement. Ce qui frappe aujourd’hui, c’est que toutes nos analyses débouchent sur la même conclusion : nous partons à la dérive ! Nous nous en sortons mieux que d’autres pays sur le marché des propriétaires, mais la comparaison s’arrête là. Aux Pays-Bas, la situation est encore plus désespérée, la crise du logement étant totale. Certaines personnes vivent effectivement dans des conteneurs. Avons-nous vraiment envie d’en arriver là ? 

Alors, ouvrons les yeux ! Il est grand temps de mener les débats, et la politique, différemment ! Notre pays compte aujourd’hui 75 % de propriétaires, 20 % de locataires privés et 5 % de locataires sociaux. Mais le marché des propriétaires se tasse, lentement mais sûrement. Les locataires privés font face à de plus en plus de problèmes d’accessibilité et de qualité, tandis que les locataires sociaux se heurtent à des listes d’attente interminables. Le problème : plus aucune vision holistique n’existe. La politique du logement est trop souvent réduite aux primes et droits d’enregistrement. À peine va-t-elle au-delà ! Or le logement concerne de nombreux aspects, comme l’aménagement du territoire, la mobilité, le coût de la construction, les frais d’égouttage, la biodiversité, l’accessibilité, les espaces agricoles, la lutte contre la pauvreté, le vieillissement, etc.

Le marché locatif privé, le marché acquisitif et le marché des logements sociaux souffrent de la lenteur des procédures, du déclin de l’offre, de l’inadéquation des règles par rapport au contexte actuel, etc. Nos villes, longtemps sources d’innovation, se retrouvent peu à peu dans des conceptions étriquées, les poussant à adopter une mentalité de village. La densification du logement ? Oui, mais pas chez nous. Des gratte-ciel ? Oui, mais pas chez nous. 

Aujourd’hui, le débat sur le logement est dans une impasse aussi bien en Flandre, en Wallonie qu’à Bruxelles, et nous ne parvenons pas à en sortir. Même si d’aucuns disent qu’il faut augmenter l’offre, tant dans le secteur du logement privé que des logements sociaux, la problématique de la migration et la peur de l’urbanisation sont systématiquement pointées du doigt. Cela n’aide en rien ni personne. Au contraire, la politique du logement se retrouve coincée idéologiquement. Pourtant, la dynamique actuelle est favorable puisque l’année 2024 est une année électorale. Profitons-en dès lors pour nous asseoir ensemble autour de la table ! Que ce soit au sein d’un groupe de travail ou autrement, il est grand temps de donner forme à une politique du logement plus ambitieuse. À défaut, les dindons de la farce seront nombreux : jeunes, célibataires, personnes âgées et surtout ceux qui se trouvent déjà en bas de l’échelle du logement.

Le monde politique doit oser tenter de nouvelles expériences en matière de logement. Comme ce fut le cas au moment de la création de Louvain-La-Neuve : créer une ville à partir de rien. Ou mieux encore, comme aux États-Unis, créer en un rien de temps, au sein de deux quartiers urbains, des milliers d’appartements, des centaines d’habitations, des logements sociaux, des bureaux, des hôtels, etc. Instaurer un cadre réglementaire assoupli pour lancer différents projets pilotes et en tirer les enseignements, qu’ils soient positifs ou négatifs. Ce n’est pas impossible… ou plutôt, ce doit être possible ! Osons prendre des mesures drastiques ! Osons construire plus haut et plus compact, en choisissant évidemment le lieu opportun et en optant pour un domaine public et des espaces verts de qualité ! Osons construire des logements sociaux d’un point de vue réellement social et non uniquement financier ! Osons créer de l’oxygène au travers de la fiscalité. ​ 

Au lieu de nous en tenir aux bonnes vieilles règles, optons juste une fois non pas pour l’évolution, mais pour la révolution du logement afin de continuer à garantir à chaque Belge l’un des principaux besoins vitaux et fondamentaux : avoir un toit décent. Soyez-en sûrs, cette préoccupation est dans la tête de tous les Belges ! »

Signé par :

Olivier Carrette, Administrateur Délégué de l’UPSI-BVS
Pascal De Decker, sociologue à la KU Leuven
Véronique De Mesmaeker, Coordinatrice UWAIS
Charlotte De Thaye, Federia 
Katelijne d’Hauwers, directrice Verenigde Eigenaars
Niko Demeester, CEO Embuild
Marc Dillen, Directeur Général Embuild Flandre
Hugues Kempeneers, Directeur Général Embuild Wallonie
Steven Lannoo, Directeur NAV
Björn Mallants, Directeur Général de la société de logement Woontrots
Lorenzo Van Tornhaut, promoteur ​ immobilier et professeur ​ invité à la KU Leuven
Jean-Christophe Vanderhaegen, Directeur Général Embuild Brussels
Joy Verstichele, Coordinatrice Vlaams Huurdersplatform
Hugo Beersman, porte-parole de Woonzaak et Administrateur général honoraire de Wonen-Vlaanderen
 

www.arretonslacrisedulogement.be

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