Ivan Vandermeersch

Les enfants ne sont pas des pions

Ivan Vandermeersch Ivan Vandermeersch est Secrétaire général de la BAM (Belgian Association of Marketing)

En tant qu’être humain, père et grand-père, j’ai été profondément touché et consterné par certaines réactions qui ont suivi la publication d’Eva De Bleeker sur le sort des enfants ukrainiens arrachés de force à leur foyer et emmenés en Russie. [1] Ce qu’elle dénonce à juste titre comme une attaque brutale contre l’innocence et l’identité est accueilli par certains avec cynisme, relativisme ou suspicion. Cela en dit long sur le sujet, mais aussi sur nous.

Il est important d’être précis. Ce dont il est question ici répond aux définitions du « transfert forcé d’enfants en temps de guerre », telles que décrites dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (article 8) et dans la quatrième Convention de Genève. Depuis 2015, des milliers d’enfants ukrainiens ont été transférés des territoires occupés vers la Russie, soumis à une « rééducation », adoptés par des familles russes, coupés de leur langue, de leur culture et de leurs origines. Ce n’est pas un accident de guerre – c’est la guerre, menée contre l’identité même.

Minimiser cela, c’est normaliser le mal. Les enfants ne sont pas des pions idéologiques. Ils ne sont pas des instruments de stratégies de pouvoir. Et pourtant, c’est exactement ainsi qu’ils sont traités par un régime autoritaire. Chaque enfant arraché à son pays natal, chaque souvenir effacé, est un coup porté à l’humanité. Et cela vaut partout : de l’Ukraine à Gaza, de la Syrie au Yémen, partout où des enfants souffrent de la guerre, de l’occupation et de la violence, nous devons nous exprimer. Le droit des enfants à la protection n’a pas de drapeau.

Je comprends que les gens se sentent impuissants. Tous ceux qui se taisent ou doutent ne sont pas des populistes. Certains sont saturés de mauvaises nouvelles, d’autres se sentent perdus dans un monde qui semble chaque jour plus complexe. Mais ceux qui ne sentent plus leur boussole morale vibrer face au sort des enfants ont besoin de se ressourcer.

Les voix populistes tentent de neutraliser cette injustice morale. Non pas en s’y opposant, mais en la relativisant, en semant le doute, en détournant l’attention. Ils jouent le jeu de la banalité du mal : ils n’applaudissent pas bruyamment la tyrannie, mais la tolèrent en silence. Ainsi, la critique se transforme en cynisme et le cri du peuple en écran de fumée.

La liberté n’est pas un concept sans engagement. Elle exige des responsabilités. Et en temps de guerre et de violations des droits de l’homme, cela signifie : clarté morale, solidarité avec les plus faibles et courage de ne pas détourner le regard. Dans mon ouvrage Plaidoyer Pour Une Liberté Moderne : Un Individualisme Responsable Dans Une Société Inclusive, je plaide en faveur d’un libéralisme qui se réancre dans ses valeurs fondamentales : l’autonomie personnelle, mais aussi le devoir de désobéissance aux dictatures et de lutte active contre l’injustice.

Cette vision n’est pas un idéal abstrait, mais un guide concret. Elle exige que nous ne nous contentions pas de chérir nos propres droits, mais que nous défendions également ceux qui sont réduits au silence. Elle s’oppose à la banalisation de l’obéissance, à la soumission aveugle à l’autorité – comme nous le voyons aujourd’hui avec l’acceptation tacite du transfert forcé d’enfants.

Le populiste vend des réponses simples à des problèmes complexes. Mais que faire de quelqu’un qui relativise ce type de crimes parce qu’ils sont « loin de chez nous » ? Ou pire encore : parce qu’ils s’inscrivent dans son discours anti-establishment ? Il ne reste alors qu’une seule réponse : la résistance morale.

C’est pourquoi les libéraux ne doivent pas se laisser influencer, mais résister. Ne pas couvrir les cris, mais survivre avec clarté et courage. Le retour de tous les enfants ukrainiens déplacés doit être un élément non négociable du processus de paix. Ceux qui ne le comprennent pas se sont déjà réconciliés avec la logique de l’oppression.

La liberté pour laquelle nous nous battons n’est pas l’écho du pouvoir, mais une voix pour la justice. Et dans cette liberté, il n’y a pas de place pour la lâcheté, ni pour le cynisme.

#ChildrenAreNonNegotiable

Ivan Vandermeersch

L’auteur est le secrétaire général honoraire de BAM. Il est l’auteur du texte Plaidoyer Pour Une Liberté Moderne : Un Individualisme Responsable Dans Une Société Inclusive  (2024)

[1] https://www.facebook.com/Eva.Debleeker1/posts/pfbid02117Ed12CdtKYdhTuKSfqeHpWJUTM3LDsetqArzkfwFM6RvsRoRZdyfAsr3QJEBRol

Lire plus de:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content