Carte blanche

Le retour de la reconnaissance de la bonne foi: on aimerait y croire!

Vous savez mon attachement viscéral à la cause des indépendants de ce pays. Ces femmes et ces hommes passionnés par un projet qui s’investissent corps et âmes dans leur activité professionnelle.

Ce sont les seuls à ne jamais se plaindre, alors que leur statut est de très loin le plus précaire (faut-il rappeler que la pension moyenne d’un indépendant dépasse rarement les 1200 €). À titre personnel, je n’ai jamais compris cette inversion de valeurs en Belgique qui les place toujours au dernier rang et ne leur confère strictement aucun droit ni privilège. Dans d’autres pays, les entrepreneurs sont choyés et les mots “capital” ou “dividendes” ne sont pas des gros mots.

Ils sont par ailleurs la cible privilégiée des contrôles fiscaux depuis toujours, phénomène accentué par la digitalisation qui offre le droit aux contrôleurs d’échapper au dialogue et de parler au contribuable.

Mais voici que, dans le projet de loi-programme, surgit la notion de bonne foi ! Pour une erreur, ou une première infraction, il est prévu, la possibilité de renoncer aux accroissements d’impôt de 10 %, et la bonne foi doit être présumée. Espoir ?

L’exposé des motifs nous donne cet exemple (à mon sens ridicule) d’un contribuable qui affecterait 30 % de sa maison comme bureau à domicile, alors que l’administration fiscale considère que seuls 20 % peut-être accepté, en revanche si 80 % de déduction est revendiquée le contrôleur ne pourra renoncer aux accroissements d’impôt.

Le projet de loi prévoit en outre cette incongruité que si une première infraction commise de bonne foi exclut tout accroissement de 10 %, la deuxième infraction même commise de bonne foi donnera lieu à un accroissement de 20 %. Pas très positif comme message.

L’expérience de tant d’années de contrôles me fait profondément douter de la possibilité actuelle que soit reconnue cette notion de bonne foi, notamment parce qu’il est beaucoup plus facile pour le fisc de percevoir immédiatement des recettes budgétaires pour la moindre infraction commise même involontairement que de s’atteler au détricotage de montages fiscaux complexes.

Or, si l’on excepte les purs fraudeurs qui méritent bien sûr opprobre et sanctions, nombreuses sont les situations où, avec un peu de bienveillance, il serait possible de corriger la situation fiscale d’un contribuable, ou d’avoir un accord, sans le moindre accroissement.

En toute honnêteté, je ne crois personnellement pas du tout à la mise en œuvre de ce projet de loi, étant donné l’état d’esprit qui règne au sein de la plupart des directions régionales.

Véritables baronnies opérant en toute indépendance, ces directions régionales n’écoutent guère les instructions procédurales émanant de leur ministre ou les textes de loi sur la bonne foi, car ce qui importe est l’ « efficience fiscale » qui vise à taxer par principe et appliquer les accroissements d’impôt.

Mais je veux rester optimiste, et comme Saint Thomas, je ne croirai à la réalité de ces belles paroles ministérielles et législatives que si ce texte de loi est coulé dans une circulaire administrative qui s’impose à tous les services.

Car, entre les formulations générales exprimées dans une loi et les pratiques et les mentalités actuelles du fisc, il y a un monde de différence.

Ma proposition est donc que le texte de loi soit accompagné très rapidement d’une instruction interne, avec pour l’administration centrale l’obligation de vérifier la correcte application de ce nouveau projet de loi , ce qui  apporterait  quelque espoir aux indépendants et dirigeants de ce pays.

On peut toujours rêver.

Pierre-François Coppens, fiscaliste

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