Carte blanche
“Le football belge a urgemment besoin d’un régulateur”
« Les récents bouleversements au sein de l’Union Royale Belge des Sociétés de Football-Association (URBSFA ou Union Belge) ont une nouvelle fois mis en lumière la nécessité urgente d’une réforme en profondeur de la gouvernance dans le football belge. Le départ récent de Piet Vandendriessche, ancien CEO de l’Union Belge, est un symptôme supplémentaire des dysfonctionnements qui minent ce sport. Il me semble qu’il est temps d’en tirer les leçons pour pouvoir enfin avancer sur des bases saines.
J’ai été administrateur indépendant et ensuite président de l’Union Belge entre 2021 et 2023. J’ai commencé mon mandat après le début du scandale du « Footbelgate » qui a révélé des pratiques de fraudes, blanchiment d’argent et trucages de matchs. Un peu moins de 60 personnes ont été renvoyées devant les tribunaux pour ces pratiques. Une partie importante de ceux-ci sont des figures incontournables de notre football. Depuis ce scandale, la culture de l’entre-soi et de l’omerta demeure néanmoins. Ce climat, où les acteurs du football semblent évoluer au-dessus des lois me semble intenable. Respecter la loi, ses propres statuts et règlements me semble être le minimum de l’honnêteté intellectuelle.
L’Union Belge ne peut pas privilégier des intérêts particuliers, au mépris de l’intérêt général et des parties intéressées (dont les joueurs professionnels ou amateurs, les supporters, les sponsors, les bénévoles, les employés et j’en passe). Le football belge souffre également d’un manque de vision à long terme, comme l’illustre la situation actuelle de certains clubs, tels que le Standard de Liège, qui naviguent de saison en saison sans stratégie durable. Une véritable gouvernance doit intégrer les notions de durabilité et d’intégrité, deux valeurs trop souvent oubliées dans ce sport.
Dans ce monde de l’entre-soi où souvent « contrôlés » et « contrôleurs » se confondent ou s’entendent, rendant l’autorégulation inefficace, il conviendrait de commencer une réelle réflexion et peut-être de s’inspirer d’initiatives étrangères. En Grande-Bretagne notamment, la création d’un régulateur du football, indépendant et public, est en discussion. Cette structure aurait notamment pour mission de surveiller la solidité financière des clubs et de garantir la résilience du système footballistique. Ce modèle pourrait constituer une solution pour assurer un avenir plus stable et responsable à notre football, tout en protégeant ses racines et son patrimoine, en particulier pour les supporters et les communautés locales. À l’instar de ce qui existe pour le secteur des jeux, avec la Commission des jeux de hasard, la Belgique pourrait également créer un tel régulateur public et indépendant pour le football.
Enfin, une meilleure gouvernance dans le sport passe également par un rappel de ce qui doit se faire dans le monde de l’entreprise. Trop souvent, j’ai entendu « Dans le foot, on ne fait pas comme ça ». Le monde du foot a parfois l’air surpris et pense qu’il n’est pas soumis aux règles de bonnes gouvernances et notamment au droit pénal, fiscal ou européen. Or, c’est tout le contraire. J’ai envie de dire au monde du foot : Respectez au moins la loi, vos statuts et vos règlements. Vous êtes une société ? Agissez comme une société. Vous êtes une association ? Agissez comme une association.
Il existe aussi déjà plusieurs pistes pour améliorer la gouvernance dans le football belge: la constitution de conseils d’administration composés à 50% d’administrateurs indépendants, la mise en place de comités de rémunération et d’audit, etc. Il s’agit de l’application de règles de bons sens qui permettent d’instaurer une culture de responsabilité et de transparence, sans pour autant ignorer les spécificités du secteur sportif. Le football ne peut pas se considérer comme un monde à part. »
Paul Van den Bulck
Ancien Président de l’Union Belge de Football
Avocat, administrateur certifié et médiateur certifié
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