Des milliers de Belges expatriés ne peuvent ouvrir un compte en banque en Belgique
Les investissements à l’étranger, les échanges avec le reste du monde sont encouragés, mais dans le même temps, des bâtons sont mis dans les roues de ceux qui s’y risquent. Des milliers de Belges expatriés sont aujourd’hui dans l’impossibilité d’ouvrir un compte en banque en Belgique, et ce sans raison valable. Le « de-risking » est une aberration qui doit cesser.
En tant que citoyens belges, nous bénéficions de nombreux droits qui nous semblent acquis. Certains se sont battus pour les obtenir dans le passé. Ils ont gagné leur combat, et nous en profitons maintenant sans vraiment le réaliser. Posséder un compte bancaire est l’un de ces droits basiques. Et pourtant, des milliers de Belges expatriés sont aujourd’hui dans l’impossibilité d’ouvrir un compte en banque en Belgique, et ce sans raison valable. Une aberration qu’il me tient à cœur de faire cesser.
Des milliers de Belges expatriés ne peuvent ouvrir un compte en banque en Belgique. Une aberration.
En mission parlementaire en République démocratique du Congo, de nombreux expatriés belges m’ont fait part des problèmes qu’ils rencontrent avec les banques belges. Résidants au Congo ou dirigeants d’entreprises, nos compatriotes se voient dans l’impossibilité de posséder un compte bancaire dans leur pays ! Une situation de toute évidence intenable si l’on considère le nombre d’activités qui requièrent de nos jours un compte en banque pour être effectuées.
L’origine de ce problème ? Les règles européennes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (BC/FT). Des règles louables et primordiales, mais interprétées de manière trop restrictives par les banques, qui pratiquent de plus en plus souvent le « de-risking », qui consiste à éviter, plutôt que gérer, les risques. Ainsi les institutions financières refusent-elles de manière de plus en plus systématique, purement et simplement l’accès à un compte en banque à tout particulier ou entreprise basée dans certains pays d’Afrique ou d’Amérique latine, sous prétexte que les risques de BC/FT y sont plus élevés qu’ailleurs. Sans aucune justification liée aux activités réelles de leurs comptes, des Belges les voient donc fermés ou essuient des refus venant des banques belges quand ils tentent d’en ouvrir. Les explications données par les banques pour ces fermeture unilatérales sont pour le moins vagues, avec des messages tels que : « vos comptes ne sont pas très clairs. »
Cette situation n’est pas nouvelle. Elle est connue de nombreux acteurs Européens et Belges depuis quelques années. Malgré des appels au secours, des circulaires de la Banque nationale Belge, et des rapports au niveau européen, aucune solution n’a encore été apportée, et les conséquences négatives de la situation sont évidemment nombreuses.
Privés de compte en banque, les particuliers et les entreprises ne parviennent plus à effectuer leurs paiements. Loyer, téléphone, écoles, etc., autant de transactions indispensables qui, si elles ne peuvent être réglées, entrainent des conséquences non négligeables pour les expatriés Belges.
Les exemples de fermetures de comptes abusives ne manquent pas. Les témoignages que j’ai reçu à l’occasion de ma mission illustrent particulièrement bien l’absurdité de la situation. Il y a, notamment, le cas d’un enfant de 12 ans, dont le compte d’épargne a été fermé sans aucune justification. Ou encore l’exemple d’une école belge au Congo, qui ne parvient plus à embaucher des enseignants, ceux-ci craignant pour leur situation bancaire.
L’impact du de-risking va cependant au-delà des conséquences personnelles pour les expatriés. Cette situation a également des conséquences financières et opérationnelles considérables. Ces acteurs clés contribuent, en effet, activement au développement économique, culturel et social de leur pays d’accueil, tout en renforçant leurs liens avec la Belgique. Ils jouent un rôle essentiel. Leur présence et leur expertise contribuent à la prospérité économique des pays hôtes, favorisent les échanges culturels et sociaux, et facilitent les transferts de connaissances et de compétences. Ils représentent également des ambassadeurs informels de la Belgique, renforçant ainsi sa visibilité et son influence partout dans le monde.
De même, les entreprises belges basées à l’étranger sont des acteurs économiques de premier plan. Elles investissent dans divers secteurs tels que l’énergie, les infrastructures, l’agriculture, les télécommunications et la finance, créant des emplois et stimulant la croissance économique. Elles contribuent ainsi à la diversification des économies locales, favorisent les transferts de technologie et renforcent les partenariats commerciaux entre la Belgique et le reste du monde.
La fermeture de ces comptes constitue un obstacle majeur, entraînant des perturbations importantes pour les entreprises concernées : retards de paiement, difficultés pour gérer les transactions commerciales, perte de confiance de la part des partenaires commerciaux et des investisseurs potentiels. Georges Forrest, acteur belge clé en République Démocratique du Congo s’en était d’ailleurs insurgé : « Comment convaincre d’investir en RDC si les banques ferment vos comptes ? », avait-il relevé l’an dernier dans la presse. Le paradoxe est bien là : les investissements à l’étranger, les échanges avec le reste du monde sont encouragés, mais dans le même temps, des bâtons sont mis dans les roues de ceux qui s’y risquent. En mars 2022, lors d’une mission économique belge en RDC, le Ministre-Président bruxellois appelait à un rapprochement de nos opportunités économiques mutuelles sur le long terme et à des partenariats durables entre acteurs belges et congolais.
Il est essentiel, pour cela, de reconnaître l’importance de maintenir des relations bancaires solides et durables avec les expatriés belges et les entreprises belges opérant à l’étranger. Ces acteurs représentent un atout majeur pour la Belgique et contribuent à la promotion de ses intérêts économiques et diplomatiques. De plus, le de-risking est aussi la source d’un paradoxe consternant. En refusant de manière systématique l’accès à un compte bancaire à des pans entiers de population, les banques forcent les clients concernés à recourir à des moyens moins directs pour effectuer leurs transactions. Un nombre grandissant d’échanges a donc lieu sans laisser de traces et le risque de corruption est se retrouve donc, en réalité, accru ! En n’appliquant pas efficacement les lois luttant contre le BC/FT, les banques compliquent ainsi d’avantage la lutte contre la corruption.
Que faire alors pour permettre à nos ressortissants d’accéder à un compte en banque ?
On l’a vu, la source de ce problème est la réglementation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Bien sûr, il n’est pas question de revenir là-dessus. Pas plus que d’obliger les banques à contracter contre leur volonté. Néanmoins, il faut sensibiliser les banques aux conséquences de leurs décisions. Fermer systématiquement des comptes, sans analyse réelle et complète des risques, c’est aller trop loin.
La France l’a compris. L’an dernier, la législation a été adaptée pour imposer aux banques de motiver leur décision en cas de refus d’ouvrir ou de conserver un compte. Ce qui les oblige à analyser chaque situation individuellement.
Chez nous, un Arrêté Royal a été pris il y a quelques mois pour protéger les entreprises de tels cas de figure, à la condition qu’elles soient établies en Belgique. Rien donc concernant les citoyens belges expatriés ou les entreprises qu’ils ouvrent à l’étranger.
C’est cette lacune que je tiens à combler. J’ai interpellé les Ministres des Finances et de l’Économie en ce sens, et j’ai déposé une proposition de résolution à la Chambre qui sera prochainement débattue. L’objectif : mettre la pression sur le gouvernement pour qu’il agisse en faveur de nos ressortissants à l’étranger.
Les soutenir, en leur garantissant l’accès aux services de base nécessaires à la vie dans notre société, est d’une importance primordiale. Je défendrai donc ce projet avec conviction, dans l’espoir de leur venir en aide, à eux et aux entreprises dans lesquelles ils s’investissent au quotidien, tout en renforçant les liens si précieux entre la Belgique et les pays concernés.
Michel De Maegd, Député MR de la Chambre des représentants de Belgique
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