Carte blanche

Faut-il investir dans les éoliennes et les panneaux photovoltaïques? La réponse des critères ESG Investing

Avec le REPowerEU Plan,  le Conseil Européen a entériné en décembre 2022 un règlement qui permet aux états membres de simplifier les règles d’acceptation afin d’accélérer l’implantation de sources d’énergies renouvelables.

Le double objectif déclaré d’intérêt public est de décarboner l’électricité et de se libérer de l’utilisation du gaz naturel venant de Russie. Parmi ces sources, l’éolien et le photovoltaïque, de caractère intermittent, ont vu leur importance renforcée après le début de la guerre en Ukraine en février 2022. Deux exemples :

  • La vente de panneaux photovoltaïques s’est envolée en 2022 et 2023 [2],
  • Neuf pays d’Europe en sommet en avril 2023 veulent ‘faire de la mer du Nord la plus grosse centrale électrique verte du monde’, avec l’installation de 300 GW d’éoliennes off-shore qui devraient coûter à terme vers 2050 800 milliards d’EURO [3].

La présente note propose une analyse de la pertinence d’investissements massifs dans ces deux technologies. Les critères bancaires ESG Investing (Environnemental, Social, Governance) [4] servent ici à juger de la durabilité des investissements dans les sources intermittentes selon les trois dimensions de l’environnement (E), du social (S) et de la bonne gouvernance (G). 

Le principe ‘Do No Significant Harm’ [5] est utilisé par la taxonomie verte du Green deal pour justifier le choix de technologies dites ‘vertes’ pour décarboner. Il signifie ‘Ne pas commettre de dégâts significatifs’, sous-entendu :  ni à l’environnement ni à la société, en restant dans les principes d’une bonne gouvernance du système énergétique. Pour le rendre opérationnel, les critères ESG Investing sont adaptés comme suit aux éoliennes et aux panneaux photovoltaïques :

Environnemental (E) : Minimisation de l’impact sur le milieu naturel, y compris la biodiversité, et minimisation de la pollution et des déchets ultimes après exploitation et recyclage, préservation des ressources naturelles,  

Social (S) : Possibilité pour tous les citoyens de profiter de ces technologies à prix maîtrisés, sans barrières sociales, et sans atteintes au bien-être, 

Governance (G) : Viabilité économique sans supports financiers permanents, sans collusions d’intérêts entre producteurs et décideurs politiques, avec préservation de la sécurité d’approvisionnement et financement adéquat des étapes post-opérationnelles.

Selon ces définitions des critères, douze aspects mettent à mal la durabilité des intermittents, voir les références non exhaustives [2], [6], [7] :

  1. Durée de vie courte (G) : besoin de remplacement récurrent des sources intermittentes, au moins tous les vingt ans, 
  2. Occupation importante de l’espace naturel (E,S) : caractère distribué et nécessité de nombreuses interconnexions et de renforcements des réseaux aggravant les impacts maritimes et territoriaux ,
  3. Menaces (E,S,G) : sur la biodiversité, le bien-être des riverains, la valeur de propriété,
  4. Utilisation de matières premières (E,G) : très importante, dont une grande partie est non domestique,
  5. Génération de déchets (E,G) : très importante, souvent non recyclables, leur traitement n’est pas suffisamment couvert par des mécanismes financiers prévus dans les coûts d’investissement,
  6. Périodes de production insuffisante (E,S,G) : très nombreuses, impliquant de maintenir en activité des doublures thermiques au gaz ou charbon, fortes émettrices de CO2,
  7. Consommation de ressources (E,S,G) : excessive et gaspillages amplifiés en cas de stockage par batterie, ou par production d’hydrogène, deux approches non rentables et non opérationnelles à grande échelle,
  8. Apport économique des intermittents (S,G) : faible car ils ne sont pas en mesure de faire coïncider l’offre et la demande. Ceci fait que leur prix sur le marché de l’électricité est quasi nul, ou même négatif en cas d’excédents,
  9. Stimulants financiers (S,G) : indispensables pour assurer aux investisseurs une rentabilité autrement absente, voir l’aspect précédent,
  10. Mise en péril de la stabilité des réseaux (S,G) :
  11. Pas assez de production ni de capacités pilotables d’appoint, de possibilité d’effacement de la demande, ou d’importations,
  12. Trop de production et impossibilité d’augmentation de la demande ou d’exportations vers les réseaux voisins,
  13. Émissions et pollutions (E,S,G) : les sources thermiques d’appoint fonctionnent en dehors de leurs conditions optimales en consommant plus de combustible, en résultent des émissions accrues de CO2 et de NOx,
  14. Soutiens financiers aux sources thermiques d’appoint (S,G): le mécanisme de rémunération de capacité (MRC/CRM) doit restaurer leur rentabilité.

Recommandations aux investisseurs privés :

On constate que les technologies éoliennes et photovoltaïques, bien que décarbonées, respectent mal à très mal les critères ESG Investing. Elles ne devraient pas être éligibles pour des supports d’argent public. Elles deviendraient des investissements à haut risque, si les supports existants devaient être remis en question vu leur impact important sur le prix de l’électricité. L’inclusion dans les portefeuilles d’investissements privés est à donc déconseiller, si on considère ces impacts négatifs peu ou pas compensés par des avantages qui resteront toujours marginaux.

En ce qui concerne l’installation par les consommateurs de panneaux photovoltaïques, ils devraient être réservés, pour réduire ces impacts, à la seule autoconsommation – pas d’injections sur le réseau, sans, ou avec batteries autofinancées,

Les éoliennes devraient être réservées à des marchés de niche pour des applications industrielles hors réseaux électriques et hors supports financiers, par exemple la production d’hydrogène offshore pour la métallurgie.

Par Pierre Kunsch Dr. en Sciences, Professeur honoraire de l’ULB

Références :

[2] Le Vif, Mon Argent, Quand trop de panneaux tuent le panneau, 13 avril 2023, pp. 29-30

[3] Neuf pays d’Europe en sommet pour décupler l’éolien en mer du Nord, LLB du 24 avril 2023

[4] What Is Environmental, Social, and Governance (ESG) Investing?

[5] Principe ‘Do No Significant Harm’

[6] Transition & Énergies, n°16, Printemps 2013 :

  • Gilles Pouzin Nous sommes face à un véritable mur d’investissements, pp. 31-34
  • Éric Leser, Les dix minéraux stratégiques indispensables à la transition, pp. 35-38
  • Léon Thau, Renouvelables intermittents, ils produisent trop ou trop peu d’électricité, pp. 39-40
  • Dossier : Les mythes de la politique énergétique allemande, pp.47-48

[7] Autres références

https://www.sauvonsleclimat.org/fr/base-documentaire/un-vent-de-folie-un-livre-de-bernard-durand
https://nsjonline.com/article/2019/08/duke-energy-application-points-finger-at-solar-for-increased-pollution/
https://economie.fgov.be/fr/themes/energie/securite-dapprovisionnement/electricite/mecanismes-de-capacite/mecanisme-de-remuneration-de

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