Depuis 2018, les prescriptions médicales doivent être, dans la majorité des cas, électroniques. L’INAMI et les mutuelles ont, à cette fin, mis à la disposition des praticiens de l’art de guérir, une plateforme numérique appelée PARIS. Sur base de l’identification du praticien et du numéro de registre national du patient sur ce site web, la prescription peut être réalisée puis enregistrée dans une base de données spécifique, dans laquelle le pharmacien choisi par le patient pourra retrouver, grâce à la carte d’identité de ce dernier, la prescription en question afin de lui délivrer le ou les médicaments prescrits.
Au 1er septembre 2025, il sera obligatoire pour ces mêmes praticiens de l’art de guérir, de réaliser leurs attestations de soins donnés par voie électronique. Nous pourrions nous attendre à ce que, de la même manière, les attestations puissent être réalisées sur une plateforme web ad hoc, puis enregistrées dans une base de données spécifique, accessibles aux mutuelles qui pourraient ensuite rembourser le patient (en cas de paiement des honoraires au praticien) ou payer le praticien (en cas d’utilisation du “tiers payant”). Cela préserverait ainsi le secret médical, une obligation légale pour les praticiens de l’art de guérir, rappelons-le, pour respecter le droit à la vie privée du patient.
Et bien ce n’est pas comme cela que les choses se passent.
De nombreux “logiciels de gestion”
Depuis l’avènement de l’informatique, de nombreux “logiciels de gestion” médicaux ou dentaires se sont présentés sur le marché. Ces logiciels sont bien sûr exploités par des sociétés commerciales. Certaines de ces applications, créées au départ par de petites sociétés familiales, ont été rachetées par de grosses sociétés qui ont fusionné l’un ou l’autre logiciel en un seul, en le rebaptisant. Ces logiciels étaient au départ vendus pour une somme modique, avec des frais annuels de mise à jour relativement raisonnables. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas : seule l’utilisation de ces logiciels est payante, et ces frais d’utilisation, devenus considérables, permettent à ces sociétés d’engranger de plantureux bénéfices. Des sociétés qui tiendront bientôt les praticiens pieds et poings liés.
En effet, l’INAMI et les mutuelles veulent à présent obliger les médecins et les dentistes, pour se soumettre à l’obligation d’attester électroniquement, à utiliser l’un de ces logiciels de gestion médicale ou dentaire. Mais pas n’importe lequel : un logiciel “agréé”, c’est à dire qui a la capacité exclusive de se connecter aux plateformes e-Attest et e-Fact (en cas d’utilisation du “tiers payant”), que l’INAMI et les mutuelles auraient pu parfaitement rendre directement accessibles aux praticiens, via une plateforme pour les attestations, semblable à PARIS pour les prescriptions.
Mais ce n’est pas ce qui est fait.
Contraintes inadmissibles imposées aux praticiens
Et on peut se demander, compte tenu des enjeux économiques, s’il n’y a pas de la corruption au niveau politique derrière ces contraintes inadmissibles imposées aux praticiens, avec la complicité des organisations professionnelles qui ne contestent en rien cet état de fait, et s’en rendent par conséquent complices. On peut déduire en tous cas sans problèmes à qui cela profite : d’abord aux mutuelles, grâce aux économies considérables que cette obligation engendre pour elles, puisqu’elles peuvent à présent licencier une grosse partie du personnel qui autrefois gérait les attestations en papier ; mais ensuite, à ces sociétés informatiques, qui peuvent ainsi encaisser chaque année des millions d’euros, juste pour mettre à jour leur logiciel une fois par an, afin de l’adapter aux changements de nomenclature et de tarif.
Et sur le compte de qui ? Des praticiens évidemment : le ministre socialiste actuel, après être parvenu à “conventionner” de force les médecins et dentistes pour les soins donnés aux patients “BIM”, cherche à présent à encadrer sévèrement leurs honoraires, alors que par contre, rien n’est prévu pour encadrer les montants exorbitants que ces sociétés privées pourront réclamer aux praticiens, en raison du monopole qu’il leur aura ainsi indirectement attribué. On se demande d’ailleurs comment ce ministre accueillerait une telle réduction drastique de ses revenus ? Quant aux mutuelles : que feront-elles de ces économies de personnel réalisées sur le dos des praticiens ?
Disparition programmée du secret médical
Quant aux conséquences catastrophiques pour le patient, c’est la disparition programmée du secret médical qui l’attend, l’un des piliers de la médecine libérale. Car, tant que le praticien pouvait garder ses données médicales dans un logiciel de gestion placé sur un ordinateur non connecté, tout en prescrivant sur un autre ordinateur connecté, le secret médical était ainsi préservé.
Mais maintenant que l’INAMI et les mutuelles veulent obliger les praticiens à produire leurs attestations VIA un logiciel de gestion médical ou dentaire, toutes les données médicales du praticien sont à la merci des hackers et de leurs puissants moyens d’intrusion, utilisés pour des tentatives d’extorsion de fonds sous la menace de divulgation de données. Plusieurs cabinets, ainsi que des hôpitaux en ont déjà fait les frais. La cyberattaque majeure du SPW du 17 avril 2025 est un bel exemple de cette vulnérabilité des systèmes informatiques, qui n’épargne pas non plus les institutions publiques.
Mais il y a encore plus grave : c’est que nos propres données médicales pourront bientôt être visibles par tous et toutes, grâce à l’évolution de la technologie elle-même, avec l’avènement prochain des ordinateurs quantiques. En effet, comme nous l’assure le cryptographe canadien Gilles Brassard, une pointure mondiale dans son domaine, les systèmes censés protéger la grande majorité des communications sur Internet sont désormais très vulnérables, en raison du fait que l’avènement de l’ordinateur quantique réduira bientôt la cybersécurité à néant. En effet, ce dernier sera capable de déchiffrer l’ensemble des informations ayant circulé depuis la création d’internet.
Marche forcée vers cette numérisation
Voilà la raison pour laquelle des médecins et des dentistes se lèvent, pour alerter la population et contester cette marche forcée vers cette numérisation, cette digitalisation irréfléchie des données médicales, imposée par le politique, via l’INAMI et les mutuelles. Ces praticiens ne contestent pas la facturation électronique en elle-même, la transmission de numéros de code aux mutuelles, mais contestent le fait que cette facturation ne puisse se faire autrement qu’en mettant en danger le secret médical, en exposant à des forces possiblement malveillantes, des données strictement confidentielles. Car de cette manière, c’est notre médecine libérale qui appelée à disparaître.
Ces praticiens veulent pouvoir attester électroniquement, comme ils le font pour les prescriptions, sans avoir à passer par un logiciel de gestion médical ou dentaire pour ce faire, et donc, sans avoir à placer ce dernier sur un ordinateur connecté. En attendant que l’INAMI et les mutuelles prennent leurs responsabilités pour mettre à leur disposition cette plateforme, ils veulent continuer à utiliser leurs bonnes vieilles attestations en papier, seul recours d’ailleurs en cas de blocage informatique. Et si nécessaire, ils feront appel au pouvoir judiciaire dans le but de pouvoir maintenir dans notre pays cette médecine libérale, loin de la vision communiste de l’instauration d’une médecine d’Etat, but du ministre actuel de la santé.
Pierre-Yves Marié,
Dentiste généraliste