Carte blanche

De la nécessité d’une Europe unie contre la Chine

L’Asie est sur le sentier de la guerre (« A Dangerous path »). Une fois encore, le Président chinois, Xi Jinping a défié la politique de l’Europe.

Quelques heures à peine après le départ du Président français Macron à la suite de sa visite à Pékin, la Chine a organisé un exercice militaire de grande ampleur autour de Taïwan, démontrant sa puissance militaire par des déploiements d’avions militaires et de navires de guerre autour de l’île et de simulations d’attaques de missiles sur des villes taïwanaises. La question n’est plus de savoir si, mais quand la Chine attaquera Taïwan.

La Chine veut devenir la nouvelle superpuissance mondiale. Elle mène une politique étrangère de plus en plus affirmée et agressive. Des récents propos de l’ambassadeur chinois à Paris l’ont encore démontré. Elle s’arme à grande échelle, utilise son pouvoir économique pour étouffer les contestations dans le monde entier, use la désinformation pour miner nos systèmes démocratiques, va jusqu’à imposer des sanctions à des Eurodéputés lorsqu’ils s’emparent d’un peu trop près de la question ouighoure.

En mer de Chine méridionale, Pékin occupe des territoires insulaires et foule au pied le droit international, notamment en militarisant des récifs dans les Spratleys, pour mieux prendre le contrôle de la région. Depuis des années, la Chine axe ses relations économiques stratégiques autour de l’accès aux matières premières essentielles, aux denrées alimentaires et à l’énergie. Pékin a un comportement de profiteur sur le plan mondial, menant une politique de concurrence agressive, voire hostile, ignorant les règles internationales et poursuivant impitoyablement ses intérêts, que ce soit dans le domaine de l’intelligence artificielle, des technologies de la communication, de la protection du climat ou de l’agriculture. Après la Russie, la Chine est la principale menace, non seulement à l’égard de ses voisins et de l’ordre mondial, mais aussi envers nos intérêts et nos alliés.

Malgré ces nombreux avertissements, les dirigeants européens semblent avoir choisi d’ignorer le danger. D’innombrables visites individuelles de chefs de gouvernement européens ont montré au monde que l’Europe est divisée. Les intérêts nationaux – plutôt que les intérêts européens – ont servi de boussole. Ce manque d’unité affaiblit l’Europe et renforce nos concurrents stratégiques. Les États membres de l’Union européenne prônent l’autonomie stratégique de l’Europe, mais agissent de manière bilatérale et nombriliste lorsque leurs propres intérêts économiques sont en jeu. Cela laisse toute la latitude à Pékin de diviser pour mieux régner, une tactique politique qu’ils maîtrisent parfaitement et qu’ils exercent systématiquement, au détriment de nos intérêts stratégiques.

Oui, il est important de maintenir nos liens avec la Chine. Cependant aller à Pékin seul, sans stratégie européenne, ne nous aide pas à avancer. Sur le plan commercial, l’Europe doit unir ses forces avec des partenaires fiables dans le monde entier. Le renforcement continu de la coopération avec des partenaires partageant nos valeurs et notre vision de l’ordre international par la consolidation de la coopération, à l’exemple du Conseil du commerce et des technologies UE-États-Unis, est la voie à suivre. Plus encore, nous devrions abolir l’unanimité en matière de politique étrangère et nous orienter vers le principe du vote à la majorité afin d’éviter les blocages dans la prise de décision.

Les décisions importantes en matière de politique étrangère européenne doivent toujours aller de pair avec une indispensable politique en matière de matières premières qui nous garantisse un accès aux ressources nécessaires. Nous devons réduire notre dépendance à l’égard des chaînes d’approvisionnement chinoises, par exemple pour les batteries des véhicules électriques. Nous devons défendre le leadership technologique et la force d’innovation de l’Europe en protégeant notre savoir-faire et nos infrastructures critiques, comme les ports maritimes, de l’influence chinoise.

En tant qu’Européens, nous devons aussi agir plus sérieusement en matière de défense. Nous devons enfin construire un pilier de défense européen qui complète l’OTAN. Nous devons oser être ambitieux, en créant, par exemple, une brigade commune de cyberdéfense et un bouclier antimissile commun. Nous devons trouver un moyen pour que l’Europe parle d’une seule voix et soit en pleine capacité de se défendre. Seule une Europe forte peut, à terme, empêcher une nouvelle course mondiale aux armements. Il est temps que l’Union européenne réponde aux attentes légitimes d’une Europe fiable en matière de sécurité et de politique étrangère, tout en ne se voilant pas la face sur ses propres faiblesses. Nous devons agir avec nos alliés américains et faire face à la Chine comme une alliance toujours plus solide tant dans le domaine économique que de celui de la sécurité. Malgré certaines frictions dans le domaine commercial, le partenariat transatlantique avec les États-Unis, stratégique, fondé sur des valeurs communes comme la démocratie, l’État de droit, le respect des libertés individuelles doit rester le fondement de notre politique étrangère et de sécurité et doit être renforcé face aux ambitions hégémoniques de la Chine.

Nous avons besoin d’une Europe forte et confiante qui défende notre modèle européen pétri de liberté, de démocratie, de respect de l’État de droit. Le modèle chinois – une autocratie sans libertés, sans démocratie, sans égalité devant la loi – est incompatible avec nos valeurs européennes. . Les démocrates du monde entier doivent se serrer les coudes et se soutenir mutuellement. Un Occident divisé ne profite qu’aux dictatures de Moscou et de Pékin.

Quand l’Europe agira-t-elle enfin de manière ferme et décisive pour rétablir son unité face à la Chine ? C’est notre avenir qui est en jeu. Ce dont l’Europe a besoin, ce n’est pas de plus de discours, ou d’envoi de délégations et missions économiques bilatérales, mais d’une approche européenne unie et cohérente. Seule une Europe unie et confiante en elle sera prise au sérieux par les dirigeants chinois. Nous avons besoin d’une Europe forte et d’un Occident fort, face à Pékin.

Ce texte a été rédigé par :

Benoît Lutgen (Les Engagés), Député européen, Chef de la délégation belge au Groupe PPE
Tom Vandenkendelaere (CD&V), député européen du groupe PPE

Pascal Arimont (CSP), député européen du groupe PPE
Cindy Franssen (CD&V), députéé européenne du groupe PPE
Manfred Weber (CSU), chef du groupe PPE

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