Carte blanche

Ce monde qui régresse a besoin de coopératives qui avancent !

Notre monde ne va pas bien : les crises s’enchaînent et s’intensifient. On voit des conflits armés apparaître ou s’envenimer, entraînant des centaines de milliers de victimes et laissant des peuples meurtris bien au-delà des zones de conflit. Les violences s’intensifient et sont banalisées. Le dérèglement climatique frappe plus fort, plus souvent. Les incendies gigantesques de cet été en Espagne nous l’ont rappelé avec force, alors même que l’Union européenne réduit ses ambitions climatiques, révisant ou reportant plusieurs textes climatiques ambitieux sous prétexte d’un assouplissement réglementaire.

Un capitalisme débridé s’affranchit des règles, ignore les conséquences sociales et écologiques de ses actes, et privilégie l’intérêt de certains au détriment du bien commun. Partout, des régimes autoritaires et illibéraux s’imposent, attaquant les droits sociaux, les libertés individuelles, et fragilisant la cohésion entre les citoyens.

Dans notre pays aussi, on découvre, stupéfaits, abasourdis, des agissements et des prises de position dites décomplexées qui s’en prennent à des fondamentaux que nous pensions intouchables, dans un pays pourtant mondialement reconnu pour sa tolérance, sa pensée progressiste et sa culture du respect. Face à ces régressions multiples, une majorité aspire à autre chose : une société fondée sur la solidarité, l’épanouissement et l’engagement. Beaucoup ne veulent pas d’un monde qui se racrapote, ils ne veulent pas du chacun pour soi, ils abhorrent la violence, même celle qui se limite aux mots, ils détestent l’exclusion et la division.

Nous ne sommes pas impuissants. Alors que la recherche effrénée du profit et l’intérêt personnel poussent le monde vers l’abîme, le modèle coopératif peut être une force motrice dans la direction opposée. Il contribue à l’intérêt général tout répondant à des aspirations personnelles. Acteur économique solide et pérenne, il incarne une autre manière d’entreprendre : plus humaine, plus durable, plus démocratique.

Une coopérative, c’est une entreprise qui a intégré la solidarité dans sa gouvernance. Ce sont des entreprises citoyennes qui apportent des solutions concrètes à des besoins économiques, sociaux ou environnementaux. Elles offrent des emplois durables, respectent leurs travailleurs, impliquent les citoyens et garantissent une juste rémunération des producteurs. Elles génèrent des bénéfices qu’elles réinvestissent pour assurer leur pérennité et leur développement. Elles sont présentes dans tous les secteurs : services, industrie, agriculture, innovation et connaissance.

Contrairement à ce que certains pensent, ce modèle n’est pas marginal. En Europe, on compte plus de 268 000 coopératives, représentant 3,3 millions d’emplois. En Belgique, les coopératives agréées emploient plus de 67 000 personnes et génèrent près de 85 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ce sont des chiffres qui parlent. Ce sont des forces économiques et sociales qu’il faut reconnaître, soutenir et surtout amplifier.

Alors, que nous faut-il pour réussir une véritable transition coopérative ?

Tout commence par des projets de coopératives qui soient mobilisateurs, portés par des collectifs engagés et des réussites inspirantes. Il faut développer des projets ambitieux qui, dès le départ, visent des résultats économiques, sociaux et environnementaux élevés. Il faut mettre en oeuvre des projets coopératifs qui tiennent la route financièrement. Il est indispensable que la coopérative dispose, dès le départ et tout au long de son existence, des moyens financiers adéquats pour y parvenir. L’avenir passe par des coopératives robustes.

Il nous faut aussi de vrais entrepreneurs coopératifs, femmes et hommes, qui incarnent ces valeurs, les partagent publiquement et les traduisent dans leur gouvernance et leur quotidien. Surtout, il est impératif d’élargir le champ d’action des coopératives, de les faire entrer dans des secteurs stratégiques, là où se joue l’avenir économique et social de notre pays.

Les outils sont là : le cadre légal existe, les financements publics et privés sont disponibles, les structures d’accompagnement sont en place. Ce qui nous manque encore aujourd’hui, c’est l’élan collectif, la volonté politique, et la reconnaissance du modèle coopératif comme levier de transformation. Regardons nos voisins, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas qui forment le trio de tête des coopératives en Europe. Nous pouvons d’ailleurs nous targuer d’être le premier continent en termes de nombre de coopératives, de chiffre d’affaires et d’emplois dans le Top 100 mondial.

Et si le modèle coopératif devenait la norme ? Ce n’est pas une utopie, c’est une nécessité. Il est temps de faire de la coopération une ambition nationale, le temps du réveil et du sursaut collectif est venu ! C’est une ambition que nous devons porter ensemble.

Hilde Vernaillen, CEO de P&V Group et Présidente de FEBECOO

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