Wim Lanclus (Vanbreda Risk & Benefits): “Notre secteur a été surpris par les conséquences considérables de la pandémie”
Le secteur des assurances ne change pas très vite. Aujourd’hui, certains événements, dont la pandémie, obligent les assureurs à réinventer leur activité, explique Wim Lanclus, directeur de Vanbreda Risk & Benefits.
Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le tournoi de Wimbledon a dû être annulé. La pandémie a eu raison de cet incontournable du tennis. Les organisateurs avaient souscrit une assurance offrant une protection contre un tel scénario. Pendant dix-sept ans, ils ont payé une prime substantielle d’environ 1,6 million d’euros par an. Suite à l’annulation du tournoi, la compagnie d’assurance devrait débourser environ 130 millions d’euros.
Peu de dirigeants d’entreprise ont eu la clairvoyance des organisateurs de Wimbledon. En mars 2020, lorsque le gouvernement belge a décidé que toutes les activités non essentielles devaient être arrêtées, de nombreux entrepreneurs ont constaté que ce risque n’était pas couvert par leurs polices d’assurance. Les travailleurs au chômage temporaire ne peuvent pas faire appel à leur assurance revenu garanti. Les indépendants qui ne sont pas malades, mais qui doivent arrêter leur activité sur ordre du gouvernement, ne peuvent pas non plus faire appel à leur assureur.
“Certains indépendants et certaines petites entreprises auront pensé que la fermeture due au confinement était couverte par leur assurance revenu garanti ou perte d’exploitation. Quod non, car il n’y a pas de lien direct entre le dommage matériel au sein de l’entreprise ou la maladie et l’inactivité”, explique Wim Lanclus, directeur de Vanbreda Risk & Benefits. Les personnes touchées par la Covid-19 et qui sont dans l’incapacité de travailler peuvent faire appel à leur assurance revenu garanti. Cette assurance n’intervient que si l’assuré ne peut pas travailler en raison d’une maladie ou d’une affection, et perçoit une indemnité d’incapacité de travail.
Selon le consultant en assurances, les grandes entreprises sont plus conscientes des risques contre lesquels elles sont assurées, tout comme des exclusions. Elles ont été moins déçues par leur assureur, mais ont été tout aussi durement touchées. Wim Lanclus : “Un risque systémique comme cette pandémie n’était pas quelque chose que la plupart des assureurs avaient envisagé.”
La réputation du secteur des assurances a-t-elle été entachée, maintenant que l’illusion selon laquelle les assureurs offrent une protection contre toutes les calamités a été brisée ?
WIM LANCLUS. “Le secteur des assurances a fait preuve d’empathie depuis le début de la crise sanitaire, par exemple en accordant des délais supplémentaires aux entreprises en détresse ou en assurant gratuitement les travailleurs humanitaires bénévoles dans les hôpitaux. Mais il est vrai que notre secteur a été surpris par les conséquences considérables de la pandémie. Des discussions sont en cours, menées par Assuralia, pour établir comment mieux protéger les entreprises contre les effets d’une pandémie. Le secteur dispose d’une excellente infrastructure pour organiser la solidarité financière. Nous devons pouvoir l’utiliser dans cette optique. Le secteur des assurances fait face à un point de basculement.”
Le secteur dispose d’une excellente infrastructure pour organiser la solidarité financière. Nous devons pouvoir nous en servir
La solidarité est-elle encore d’actualité lorsqu’un virus fait des ravages dans le monde entier ?
WIM LANCLUS. “Tout comme les risques nucléaires ou les guerres, les pandémies ne sont souvent pas reprises par les polices classiques, car aucune répartition des risques n’est possible. Il s’agit d’un événement qui touche un grand nombre d’assurés au même moment. Lorsque tous les pays sont placés en confinement par les autorités, il n’est plus uniquement question de risques liés à une pandémie.”
Une pandémie est-elle un risque que le marché des assurances privées devrait couvrir ?
WIM LANCLUS. “Un partenariat public-privé peut permettre au gouvernement et au secteur privé de couvrir ce risque ensemble. Ce sujet est à l’ordre du jour de nombreux pays européens. À l’ère de la mondialisation, les chaînes de production traversent les frontières, et il en va de même pour les risques et les dégâts liés à une pandémie. Ce n’est pas un problème national, mais européen. Toutefois, aucune solution nationale ou européenne ne se dessine à l’horizon.”
La crise aura un impact sur le budget de nombreuses entreprises. Vous attendez-vous à une baisse des ventes d’assurances ?
WIM LANCLUS. “C’est une possibilité, mais personne ne peut prédire l’avenir. Certaines primes d’assurance sont calculées en fonction du chiffre d’affaires ou de la masse salariale. Si le chiffre d’affaires ou les effectifs d’une entreprise diminuent en raison d’une fermeture, le volume des primes chute également pour les assureurs. Le nombre d’assurances voyage diminue, de même que les assurances utilisées par les entreprises pour couvrir les risques de leur parc automobile, car le nombre de kilomètres parcourus est en baisse. Les couvertures supplémentaires, qui sont pratiques, mais pas utiles, seront aussi très touchées.”
De moins en moins d’assureurs sont disposés à proposer des couvertures contre les cyberrisques et des assurances responsabilité professionnelle. Pourquoi ?
WIM LANCLUS. “Dans de plus en plus de branches d’assurance, le revenu des primes est insuffisant pour payer les sinistres et les coûts d’exploitation en constante augmentation tout en conservant une marge. Les risques émergents tels que le changement climatique ou la cybercriminalité font que certaines couvertures existantes ne sont plus envisageables. Auparavant, les assurances traditionnelles contre les incendies ou responsabilité civile étaient presque toujours assorties d’une couverture gratuite et limitée contre les cyberrisques. Suite à une augmentation des incidents, les assureurs ont développé des produits distincts, mais entre-temps, les réclamations pour des risques couverts par des polices antérieures ont créé une situation explosive chez les assureurs.”
Une pandémie n’est pas assurable. Est-ce le cas d’autres risques ?
WIM LANCLUS. “De plus en plus de risques touchant les entreprises ne sont pas assurables. Des enquêtes internationales menées auprès de gestionnaires de risques montrent qu’environ la moitié des dix principaux risques commerciaux sont difficiles ou impossibles à assurer. Il s’agit de risques tels que les pandémies, les nouvelles législations ou les risques climatiques pour lesquels il n’existe pas de couverture classique. Cela engendre un schisme sur le marché. Les courtiers ne travaillent avec la plupart des assureurs que pour des produits plus traditionnels qui n’offrent qu’une protection partielle pour beaucoup de clients, et ne représentent que la moitié de la solution.”
Les risques émergents tels que le changement climatique ou la cybercriminalité font que certaines couvertures existantes ne sont plus envisageables.
Pourquoi les risques liés au climat sont-ils difficilement assurables ? Ces risques diffèrent pourtant selon les régions.
WIM LANCLUS. “Très bonne question, mais nous sommes effectivement confrontés à un changement climatique global. Les risques climatiques tels que les tempêtes, les incendies de forêt et les sécheresses se font de plus en plus nombreux. Les risques sont plus volatils, plus intenses et plus étendus. En outre, ils se produisent de plus en plus dans des zones où ils génèrent davantage de réclamations d’assurance. Les risques climatiques sont assurables via une assurance incendie pour autant qu’il y ait des dommages matériels. De nouveaux risques apparaissent également, tels que les problèmes d’approvisionnement au sein d’entreprises le long du Rhin en Allemagne, en raison du faible niveau des eaux. Ces perturbations entraînent une perte d’activité, une perte de chiffre d’affaires et des coûts opérationnels supplémentaires associés au déchargement des péniches, mais ces risques ne sont pas assurés par les assurances traditionnelles. Il existe désormais un nouveau type d’assurance pour ces cas spécifiques, mais elle est chère, et peu utilisée.
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