D’ici juin 2026 au plus tard, la nouvelle loi sur la transparence salariale entrera en vigueur. Elle obligera les employeurs à rendre leur politique de rémunération plus transparente et équitable. Selon une étude du prestataire de services RH Securex, cela pourrait avoir des conséquences importantes.
À la suite d’une directive européenne, la transparence des salaires deviendra obligatoire en Belgique à partir de juin de l’an prochain. Cette nouvelle législation impose aux employeurs de justifier leur politique salariale de manière transparente et basée sur des critères objectifs. Ils devront être capables d’expliquer pourquoi des écarts de rémunération existent au sein de leur entreprise.
« Il ne s’agit pas seulement de salaires égaux pour des postes identiques », explique Nele Van Hoecke, consultante RH chez Securex, « mais aussi pour des postes équivalents. Et cela représente un défi bien plus vaste. »
Le travail équivalent fait référence à des fonctions qui ont peut-être un titre ou un contenu différent, mais dont les responsabilités, les efforts requis, les compétences nécessaires et les conditions de travail sont comparables. Par exemple, un analyste IT et un analyste financier n’exercent pas le même métier, mais si la charge, l’impact, les compétences et les conditions sont similaires, leurs salaires doivent l’être aussi. « L’employeur devra pouvoir justifier objectivement de grandes différences de rémunération entre ces types de postes », insiste Van Hoecke.
Une loi contre la discrimination
Cette législation européenne vise à lutter contre les discriminations et à favoriser une plus grande justice salariale. Les employeurs devront clarifier leur classification des fonctions et leur politique salariale afin que les écarts pour des postes équivalents soient compréhensibles et justifiables.
« C’est extrêmement frustrant de voir un nouveau collègue mieux payé dès son arrivée, alors qu’on fait bien son travail depuis des années » – Nele Van Hoecke, Securex
La loi établit quatre critères fixes pouvant justifier une différence de salaire : les compétences, les responsabilités, les efforts fournis et les conditions de travail. D’autres facteurs comme la rareté sur le marché du travail peuvent être pris en compte, mais uniquement après concertation avec les représentants des travailleurs.
Les entreprises qui ne se conforment pas à la loi risquent des sanctions. D’un côté, les salariés lésés pourront obtenir des indemnisations sous forme de salaires perdus, de primes non perçues ou de compensations pour des opportunités manquées.
« Ce qui est important aussi, c’est que même si le salarié a tort, les frais de justice seront à la charge de l’employeur », précise Van Hoecke. Par ailleurs, des amendes pourront être infligées selon le chiffre d’affaires ou la taille de l’entreprise.
Les PME devront rattraper leur retard
Les grandes entreprises sont déjà soumises à des obligations de reporting limitées, mais ce sont surtout les petites structures qui devront faire un effort.
« Beaucoup de PME ont connu une croissance rapide sans mettre en place de vraie politique salariale », souligne Van Hoecke. « Il arrivait qu’on improvise : une voiture de société pour l’un, une prime pour l’autre, juste pour embaucher ou retenir un talent. Ce genre de pratique ne sera bientôt plus acceptable. »
Dès l’entretien d’embauche, les employeurs devront annoncer clairement le salaire ou la fourchette salariale du poste à pourvoir, de préférence dès le premier contact.
Les salariés auront le droit de demander des informations sur les salaires. La manière dont ces données devront être partagées (rapports, plateforme numérique ou sur demande) n’est pas encore totalement définie. Mais ce droit d’accès à l’information sera fondamental et garanti.
Quelques conseils pratiques
Van Hoecke recommande aux employeurs de bien se préparer. Tout commence par une évaluation approfondie de la politique de rémunération.
« Il ne faut pas se limiter au salaire de base : il faut aussi prendre en compte les primes, les avantages extralégaux comme les voitures de société ou les chèques-repas, ainsi que les différents niveaux de fonctions et de carrière. C’est l’ensemble du package salarial qui compte. »
Elle insiste également sur l’importance d’une bonne gestion administrative : chaque décision relative aux salaires devra pouvoir être expliquée et justifiée objectivement. Cela signifie : tout documenter, des augmentations aux accords individuels, en passant par l’historique salarial.
Les documents juridiques comme les contrats de travail ou les règlements internes devront également être revus. « Il faudra adapter les contrats à la nouvelle obligation d’information. Et supprimer les clauses de confidentialité qui interdisent aux employés de parler de leur salaire », ajoute-t-elle.
Les travailleurs devront pouvoir utiliser ces informations en cas de suspicion d’inégalité. « C’est un droit fondamental que consacre la nouvelle législation. »
Selon Van Hoecke, une bonne préparation n’est pas un luxe mais une nécessité. « Cette directive place la barre plus haut. Ceux qui anticipent éviteront les problèmes. La transparence ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme une opportunité de renforcer la confiance et l’équité au sein de l’organisation. »
Des conséquences sur la fidélité des employés
Cette transparence salariale pourrait avoir des effets concrets sur la mobilité du personnel. Plus d’un employé sur cinq (20,3 %) envisage sérieusement de quitter son emploi s’il découvre qu’un nouveau collègue occupant un poste similaire est mieux payé. C’est presque deux fois plus que parmi ceux qui ne constatent pas d’écart de salaire (10,8 %). Sur le long terme, cette proportion grimpe même à près d’un sur trois (28,5 %), contre 17,1 % chez les autres. Van Hoecke y voit une réaction logique.
« Il est difficilement acceptable qu’un nouveau venu gagne plus qu’un collaborateur expérimenté. Pour attirer des talents, certaines entreprises misent sur des packages attractifs, mais cela peut démotiver ou faire fuir les autres. » Selon elle, ces disparités naissent souvent de décisions prises dans l’urgence.
« Les employeurs veulent à tout prix recruter les meilleurs, quitte à offrir des salaires trop élevés. Mais c’est une solution à court terme qui peut coûter cher sur le long terme.»
Les jeunes comparent davantage
L’étude révèle qu’un salarié belge sur quatre (25,7 %) a déjà comparé son salaire avec celui de collègues occupant une fonction similaire. Cette pratique est plus fréquente dans les grandes entreprises (28,8 %) que dans les petites (22,2 %).Les jeunes salariés sont les plus actifs dans ce domaine : 16,9 % des moins de 25 ans comparent même leur rémunération à celle de collègues occupant d’autres fonctions. Chez les plus de 25 ans, ils ne sont que 5,2 %. Pour les jeunes, il ne s’agit pas seulement de salaire équitable, mais aussi de perspectives d’évolution dans l’entreprise.
En revanche, près de la moitié des salariés (45,1 %) ne ressentent pas le besoin de comparer leur salaire. Certains se disent satisfaits, d’autres estiment que cette information relève de la vie privée, ou craignent que cela ne provoque des tensions.