Un chèque-service qui augmente de 5 euros ne fait pas fuir les clients
L’organisation de soins i-mens a augmenté de 5 euros le prix d’une heure de service de nettoyage et n’a pas vu beaucoup de ses clients partir. La preuve, selon elle, que les gens sont prêts à payer plus.
Les utilisateurs de chèques-services peuvent payer plus cher pour leur aide-ménagère. C’est la conclusion du prestataire de soin flamand i-mens. Ce dernier a augmenté la contribution des clients de 5 euros début février afin de pouvoir payer davantage les aides-ménagères, offrir un meilleur encadrement et couvrir les coûts.
Ses clients doivent désormais payer leurs chèques 14 euros au lieu de 9. Sur ces 5 euros d’augmentation :
– 1 euro va directement aux aides-ménagères (soit, selon i-mens, une augmentation nette de 100 euros par mois pour ceux travaillant à temps plein)
– 2 euros sont consacrés à la formation et à l’encadrement des aides-ménagères
– 2 euros servent à atteindre de nouveau l’équilibre financier.
On aurait pu croire que cela conduirait à une désertion massive de ses clients, mais il n’en est rien selon De Tijd. Un trimestre plus tard, seuls 623 des 12 000 clients ont résilié leur contrat en raison des chèques plus chers, selon l’entreprise. Et de nouveaux clients sont rapidement venus les remplacer. Pour i-mens : « L’élasticité des prix est prouvée, nos clients veulent payer un prix correct pour leur aide-ménagère. Il est temps que la politique suive. »
Quid en Wallonie et à Bruxelles ?
Notons que l’entreprise est flamande et que le domaine des titres-services est une compétence régionale. Le prix et la déduction fiscale varient d’une région à une autre.
Mais grosso modo les prix sont restés les mêmes depuis 20 ans. En Région wallonne et à Bruxelles, le prix d’un chèque est passé de 9 à 10 euros (il reste à 9 euros en Flandres). Ce n’est pas suffisant.
« Si les montants avaient simplement été indexés depuis la création des titres-services en 2004, la valeur d’échange aurait augmenté de 5,80 euros, justifiait Ann Cattelain, CEO de la Federgon, la fédération patronale qui chapeaute le secteur, fin 2023 dans nos colonnes. Or ni le prix du titre-service ni les subsides régionaux n’ont été indexés, contrairement aux dépenses de personnel. Les entreprises ont compensé en partie en exigeant de leurs clients des frais d’abonnement, une participation aux frais de déplacement, l’achat de produits, etc. Aucune n’avait encore osé toucher au prix de vente, car, dans ce secteur très particulier, ce prix est fixé par les Régions, en échange d’un copieux subside.
Et même si, en Wallonie, l’augmentation de ce 1er janvier 2024 a été assortie de l’interdiction ou de la limitation des frais annexes, le succès de cette hausse significative de 5 euros par chèques pourrait donc bien donner des idées à d’autres.
A l’origine, le concept des titres-services avait été créé sur la base d’un triple objectif social : assurer un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour les utilisateurs, réduire le travail au noir dans le secteur de l’aide au ménage et offrir des opportunités à des profils éloignés de l’emploi. “Cependant, un examen plus approfondi du système révèle sa grande fragilité”, se désole Federgon. Aujourd’hui, “les entreprises titres-services du Top 25 réalisent une marge bénéficiaire d’un demi pourcent (0,55%) à peine. 37,7 % des entreprises titres-services sont même déficitaires”, illustre-t-elle, pointant la nécessité d’agir pour assurer un avenir “durable” au secteur.
Pour rappel, le secteur des chèques-services est le secteur qui est le plus subventionné en Belgique. Il représente 3,5 % des salariés de notre pays, soit environ 150 000 personnes qui nettoient chez 1,2 million de ménages. Or quand vous payez 9 ou 10 euros pour une heure de prestation, la Région en ajoute 27 ou 28. Les titres-services représentent une dépense annuelle de 550 millions pour la Wallonie et de 250 millions pour Bruxelles. Pas un détail quand on sait à quel point les budgets sont tendus.
5 euros en plus, une demande récurrente du secteur Federgon, la fédération des prestataires de services en ressources humaines, suggère elle aussi d’augmenter de 5 euros des titres-services. Une revendication est portée de longue date par les employeurs du secteur. En septembre, ils avaient demandé d’augmenter le montant perçu de cinq euros mais les ministres compétents avaient accueilli froidement cette doléance. La ministre wallonne de l’Emploi, Christie Morreale, rétorquait notamment que la Wallonie ne dépensera pas d’argent public pour financer les dividendes des entreprises de titres-services. Federgon propose également d’élargir les activités autorisées des aides-ménagères afin qu’elles puissent effectuer d’autres tâches socialement utiles en plus ou à la place du nettoyage (comme aller chercher les enfants à l’école ou s’occuper de personnes âgées/malades à domicile). Enfin, la fédération plaide pour réduire la durée minimale du travail des personnes pensionnées souhaitant rester actives dans ce secteur. “Le travail à temps partiel dans le secteur n’est autorisé qu’à partir du seuil minimum de 10 heures par semaine. Les pensionnées qui ne veulent plus travailler autant d’heures sont donc obligées d’arrêter complètement”, déplore-t-elle. “En faisant une exception pour les pensionnés, nous donnons à ceux et celles qui le souhaitent la possibilité de continuer à travailler à temps partiel au rythme de leur choix. Cela leur permet également d’obtenir un complément à leur pension”, ponctue Federgon.
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