Anton Van Zantbeek
“Tout le monde veut qu’un autre paie les impôts”
Nous n’arriverons à rien en drainant complètement les quelques oasis fiscales qui restent encore en Belgique, estime Anton Van Zantbeek, professeur à la faculté d’économie et des sciences de l’entreprise de la KU Leuven.
Une fiscalité équitable, un sujet qui reste brûlant en Belgique. La gauche le martèle surtout. Le Sp.a a lancé la campagne ‘Eerlijk is beter!’ (Équitable, c’est mieux !). Groen et Ecolo trouvent aussi que les riches doivent encore contribuer davantage. Ce message atterrit sur la table du gouvernement via le CD&V. De ce fait, la boussole, plutôt que d’indiquer le centre droit, balance vers la gauche.
Pour le dire vulgairement, l’appel à davantage d’équité, c’est aller chercher l’argent où il se trouve : chez les investisseurs et les entrepreneurs. Ils sont dès lors davantage dans le viseur d’année en année. Outre les hausses de TVA et d’accises, il y a la énième augmentation des taxes boursières et la multiplication par 2 à 3 du précompte mobilier. À cette énumération, viennent encore s’ajouter la lutte contre les sociétés de management, les sociétés-villas et la hausse des avantages de toute nature.
Et ce n’est pourtant toujours pas assez. Il faut qu’il y ait encore davantage de redistribution. Ce que l’on omet de dire, c’est qu’en Belgique, nous sommes déjà les champions de la redistribution. Même un rapport d’Oxfam International le confirme. Sur la planète, seule la Suède fait encore plus d’efforts pour diminuer l’écart entre les pauvres et les riches, selon ce rapport. L’OCDE arrive à la même constatation.
Les investisseurs et les entrepreneurs doivent-ils tout de même encore une fois mettre la main à la poche pour combler le énième trou dans le budget ? Les plus pauvres le pensent, bien sûr. Le dramaturge irlandais George Bernard Shaw savait déjà que “a government which robs Peter to pay Paul, can always depend on the support of Paul” (un gouvernement qui vole Pierre pour payer Paul pourra toujours compter sur le soutien de Paul). Chacun veut qu’un autre paye les impôts. Mais la société doit trouver un équilibre. Tout comme les pauvres ne doivent pas être abandonnés à leur sort, les riches ne doivent pas être plumés. Sinon l’aspiration au succès, et donc au progrès, est bafouée pour l’ensemble de la société. Malgré le récent succès de l’extrême gauche en Wallonie, l’implosion du communisme a démontré qu’il y a des limites à la redistribution.
On ne peut donc pas rendre la Belgique beaucoup plus équitable, n’est-ce pas ? Bien sûr que oui ! Il y a par exemple une oasis très inéquitable dans la fiscalité. Ce n’est pas la plus-value exonérée de Marc Coucke, mais bien l’impôt sur les revenus des artistes. Prenons l’exemple de Thomas, qui habite à Gand et est isolé. Il a un revenu brut annuel de 50.000 euros. Si ce revenu est un salaire, il conserve 31.962,27 euros (pression fiscale de 36,08%). Si ce sont des intérêts, il lui reste 35.000 euros (pression fiscale de 30%), et sur un dividende, il lui reste 23.103,5 euros (pression fiscale de 53,79%). S’il s’agit d’une pension alimentaire, il perçoit en net 35.585,06 euros (pression fiscale de 38,83%). Mais en tant qu’artiste, Thomas reçoit 41.982,49 euros, ce qui revient à une pression fiscale d’à peine 16,04%.
Tout le monde veut qu’un autre paie les impôts
Très inéquitable donc ! Selon la logique de gauche, Thomas devrait contribuer davantage, sinon ce n’est pas équitable. Mais ce n’est pas la solution. Nous n’arriverons à rien en drainant complètement les quelques oasis fiscales qui restent encore en Belgique. Au lieu de cela, nous devrions irriguer le désert et le transformer en oasis. Tout le monde s’en porterait mieux. Mais pour cela, du courage politique est nécessaire. À partir de choix politiques clairs, enregistrer des excédents budgétaires et les utiliser pour diminuer les impôts, rembourser les dettes ou constituer une épargne pour les pensions.
Mais une telle politique visionnaire semble impossible en Belgique. Les gouvernements successifs excellent dans l’art d’amortir les trous budgétaires avec des hausses d’impôt inefficaces et des diminutions de coûts linéaires et idiotes. L’économiste américain Milton Friedman avait-il raison lorsqu’il déclarait: “If you put the federal government in charge of the Sahara Desert, in 5 years there’d be a shortage of sand.” (Si vous chargiez le gouvernement fédéral du désert du Sahara, en cinq ans il y aurait un déficit de sable).
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici