Carte blanche
“The future is circular, stupid!”
“Dix ans exactement après le premier Repair Café, nous, réparateurs bénévoles, appelons les gouvernements européen, fédéral et flamand à ne pas rester à l’écart de ce que les citoyens mettent en place, mais à investir dans un modèle économique circulaire durable, en tenant compte des réparateurs professionnels et bénévoles.” C’est ce qu’affirme Tom Van Breussegem, réparateur bénévole et cofondateur de Maakbaar Leuven.
Pendant longtemps, on a pensé qu’il fallait simplement laisser l’économie faire son travail. It’s the economy, stupid! (C’est l’économie, idiot ! NDLT) Et c’est ce que nous avons fait au cours des siècles derniers. Cela a entraîné une grave crise des matières premières, dont les prix montent en flèche et les réserves s’épuisent.
Pendant longtemps, on a cru que le traditionnel modèle linéaire de production, de consommation et d’élimination était tenable. Que nenni. La stratégie de Lisbonne définie par l’Union européenne a heureusement marqué un tournant en 2000. C’est alors qu’il est devenu évident qu’une telle approche n’était pas viable. Notre système économique, qui implique l’extraction constante de matières précieuses et leur dégradation en produits résiduels de qualité inférieure, n’est pas tenable et un nouveau modèle s’impose.
L’économie circulaire est un modèle solide et relativement nouveau, dont la démarche consiste à “évaluer les matières premières et les maintenir à leur valeur la plus élevée possible”. “Personne ne cessera de consommer ou d’innover”, affirme Wayne Visser, expert en durabilité à l’université de Cambridge. Cela signifie que l’économie circulaire est actuellement la seule solution à la pénurie de matières premières.
Les techniques circulaires sont appliquées dans les entreprises depuis une dizaine d’années. Or tout cela ne se fait pas en un jour : la conversion des processus de production et des modèles économiques prend du temps et rencontre de multiples obstacles. Mais de grands pas ont été faits. Dans l’économie circulaire, il existe plusieurs filières bien connues, comme le recyclage, mais aussi d’autres moins répandues, comme le remanufacturing (reconditionnement) et le refurbishment (remise en état). Celles-ci revalorisent ou réutilisent les appareils et les matières premières usagés, et bouclent ainsi la boucle du modèle circulaire. C’est ce que montre clairement le Butterfly Diagram de la Ellen MacArthur Foundation. L’un des principes de base de ce modèle implique que les matières premières soient utilisées plusieurs fois et circulent en cycles. Plus la boucle du cycle est courte, plus la valeur résiduelle des matières premières et des produits est élevée.
La boucle la plus courte dans le modèle circulaire est la boucle de réparation, en tant que technique ultime pour prolonger la durée de vie des produits et des biens de consommation. Le 19 octobre, cette idée a été au centre des actions mondiales menées l’Open Repair Alliance, relayées au niveau européen par Restart (Grande-Bretagne), Netwerk Bewust Verbruiken (Belgique), iFixit et beaucoup d’autres. Cette année, l’accent a été mis sur la protection du climat et l’avenir de la planète.
Cependant, les gouvernements gèrent très mal la réparation des appareils et c’est incompréhensible. Si les coûts salariaux – les plus conséquents dans le processus de réparation – sont élevés, les charges sur les matières premières sont maintenues à un bas niveau, souvent artificiellement. Cela rend la réparation professionnelle difficile et très coûteuse par rapport à la mise au rebut des anciens appareils et à l’achat de nouveaux.
En outre, la majorité des fabricants s’appuient encore sur des modèles d’entreprise qui reposent sur la consommation de masse et la multiplication des déchets. Notre gouvernement continue de favoriser cette approche. En outre, la législation sur la réparabilité et les périodes de garantie reste vague. Dans ce cadre, des avancées limitées ont été réalisées cette année au niveau européen dans la législation des spare-parts (ce qu’on appelle les mesures d’écoconception). Mais cette législation se limite aux réparateurs professionnels et laisse à nouveau les bénévoles sur la touche.
Pour contrer cette logique, un groupe de citoyens s’est levé : Repair Café aux Pays-Bas, Restart en Grande-Bretagne, Netwerk Bewust Verbruiken en Flandre et des initiatives locales telles que Maakbaar Leuven. Ces collectifs prennent les choses en main. En l’absence des leviers nécessaires (réduction des coûts de la main-d’oeuvre, législation détaillée sur la réparabilité), ils travaillent bénévolement.
Après dix ans, notre mouvement a donné naissance à des centaines de Repair Cafés en Flandre et plus de mille dans toute l’Europe. Maintenant, c’est à nos gouvernements de jouer. Ils portent la lourde responsabilité de donner aux réparateurs professionnels et aux bénévoles les armes appropriées. Par une réglementation européenne qui oblige les fabricants à concevoir des appareils facilement réparables. Par une prolongation de la période de garantie légale à cinq ans et par des mesures visant à réduire les charges sur les réparations professionnelles. Cet objectif peut être atteint facilement au moyen d’une réduction supplémentaire de la TVA sur le prix du matériel lié aux réparations.
Traduction : virginie·dupont·sprl
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