Ne compliquez pas inutilement la vie de vos héritiers

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Nul n’est immortel. En plus du chagrin qu’il provoque, le décès d’un être cher oblige à prendre de très nombreuses dispositions. Une bonne préparation permettra à vos héritiers d’être déjà à la moitié du chemin. Voici les sept points auxquels accorder de l’importance.

Tout décès doit être officiellement constaté. Une fois le certificat établi par le médecin de famille ou de l’hôpital, les proches peuvent aller déclarer le décès au bureau de l’état civil de la commune où il est survenu. En plus du certificat, ils se muniront de la carte d’identité du défunt, ainsi que de son permis de conduire, de son livret de mariage et de ses dernières volontés, si ces documents existent.

L’officier d’état civil établira un acte de décès, qui sera envoyé à la commune de résidence du défunt. Avec l’extrait ou la copie de l’acte qui leur sera remis, les déclarants pourront avertir une série d’organismes, comme les banques et les compagnies d’assurances, mais aussi les fournisseurs d’énergie et d’eau, l’office des pensions, la mutuelle, l’administration fiscale, etc.

1. Par quoi commencer?

Sur la feuille de route du site du gouvernement fédéral, la banque vient avant tout le reste. Encore faut-il savoir de quelle banque le défunt était client. Si les héritiers l’ignorent, le notaire pourra leur être d’un grand secours. Du reste, aller immédiatement voir un notaire est toujours une bonne chose.

Helena Verwimp, porte-parole de Notaire.be
Helena Verwimp, porte-parole de Notaire.be © pg

“Lors du premier entretien, le notaire remettra la liste des pièces, des documents, actes et factures à réunir”, explique Me Helena Verwimp, notaire et porte-parole de Notaire.be. Il demandera au Point de contact central la liste des banques et des compagnies d’assurances belges où le défunt était client, ainsi que celle des contrats financiers, comme les prêts hypothécaires, qu’il avait souscrits.

“Nous demandons d’emblée aux héritiers s’ils savent si une assurance vie a été contractée et, dans l’affirmative, auprès de quelle compagnie. S’ils ne sont pas certains de la réponse, nous écrivons aux différents assureurs, poursuit Helena Verwimp. Parfois, les héritiers nous disent: vous n’avez qu’à chercher.”

Le notaire peut s’enquérir de l’existence d’actifs immobiliers au cadastre, de crédits à la consommation et de crédits hypothécaires auprès de la Centrale des crédits aux particuliers, d’un testament au Registre central des testaments et d’un contrat de mariage au Registre central des contrats de mariage.

“Si le défunt était âgé de 80 ans ou plus, il n’est pas rare qu’un des enfants ait déjà une procuration.”

“Mais cela n’est pas souvent nécessaire: le partenaire survivant sait généralement quels comptes il y a, et comment tout est organisé, poursuit notre experte. Si la personne était âgée de 80 ans ou plus au moment du décès, il n’est pas rare qu’un des enfants ait déjà une procuration sur les comptes et s’occupe des paiements.”

Selon Helena Verwimp, il ne faut généralement pas plus de huit semaines au notaire pour réunir toutes les informations. “Si la succession inclut des biens immobiliers ou des prêts à l’étranger, le délai s’en trouve la plupart du temps allongé, car il nous faut faire appel à l’aide de nos collègues sur place.”

Conseil aux lecteurs qui souhaitent faciliter la tâche de leurs héritiers: conservez les coordonnées des différentes institutions dont vous êtes client à un seul et même endroit. Izimi est un coffre-fort numérique fourni gratuitement par la Fédération du notariat, dans lequel vous pourrez stocker tous vos documents importants. Vous serez également invité à identifier les personnes à qui vous accordez l’accès à Izimi, de votre vivant puis après votre décès. Disposer d’un coffre numérique ou physique ailleurs, comme dans une banque, est évidemment toujours possible, mais ce n’est pas gratuit.

2. Quels sont les comptes bloqués?

Dès qu’elle est informée du décès, la banque est obligée de bloquer tous les comptes et tous les coffres-forts du défunt. Aussi ennuyeuse que cette mesure puisse être pour le partenaire, elle est indispensable à la protection des droits de tous les héritiers: même si les enfants n’ont pas vu leurs parents depuis des années, ils disposent d’une part réservataire, fixée à la moitié de la succession.

Le blocage porte sur les comptes du défunt, mais aussi sur les comptes communs et même sur ceux du conjoint survivant, si le couple était marié sous le régime de la communauté de biens. Ce n’est que lorsque le conjoint aura prouvé que les fonds lui appartiennent en propre, parce qu’ils proviennent de donations, d’héritages ou de revenus antérieurs au mariage, par exemple, qu’ils seront sortis de la masse de la succession.

“Il est judicieux de conserver l’argent de donations ou d’héritages sur un compte séparé.”

Sous le régime légal (sans contrat), tout ce que le couple a acquis pendant le mariage est “commun”. “Le salaire, la pension et toutes les autres formes de revenus de chaque époux font partie de la communauté matrimoniale”, rappelle Helena Verwimp. La banque part du principe qu’il y a communauté de biens jusqu’à ce qu’un contrat de mariage prouve la séparation totale ou partielle de ceux-ci. “Il est judicieux de conserver l’argent de donations ou d’héritages sur un compte séparé, conseille encore la notaire. S’il est mélangé au reste, il devient difficile d’en prouver l’origine.”

Conseil aux bénéficiaires d’une donation ou d’un héritage: conservez les preuves de la transaction. Gardez les fonds sur un compte séparé si possible ou, en cas de dépense importante comme l’achat d’un bien immobilier, faites clairement établir qui a payé quoi.

3. La succession peut-elle effectuer des paiements?

Les factures d’hôpital et les obsèques peuvent être payées à partir des comptes bloqués. Le loyer du logement commun aussi, pendant deux mois. “En l’absence de litige, les héritiers pourront disposer après environ quatre semaines d’un certificat d’hérédité à présenter à la banque, laquelle débloquera alors les comptes. Dans l’intervalle, le partenaire peut disposer de la moitié des actifs, avec un maximum de 5.000 euros, comme d’une sorte d’avance sur héritage. Cette somme est généralement plus que suffisante pour couvrir les premières semaines”, rassure Helena Verwimp.

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Certaines situations incitent néanmoins à la prudence. «Si la personne s’est suicidée en se jetant sous un train, par exemple, je conseille d’accepter la succession sous bénéfice d’inventaire, continue Helena Verwimp. Nous commençons alors par nous assurer que l’actif est plus élevé que le passif. Nous publions ensuite au Moniteur belge un avis invitant les créanciers à se manifester dans un certain délai. La compagnie de chemins de fer portera plainte contre la succession, pour se faire rembourser le préjudice subi par le conducteur ainsi que les dommages causés à la voie, au train ou autres. Le bénéfice d’inventaire évite aux héritiers d’avoir à payer cette facture avec leurs propres deniers.”

Les héritiers qui savent que la succession comporte plus de dettes que d’actifs peuvent tout simplement la refuser. Il arrive aussi que des gens rejettent un héritage pour des raisons affectives – parce qu’ils ne veulent plus rien avoir à faire avec le défunt, par exemple.

Conseil aux lecteurs qui souhaitent faciliter la tâche de leurs héritiers: évitez d’être client dans trop de banques. Outre le fait qu’il faudra les informer une à une de votre décès, les banques factureront toutes des frais de dossier. Si une recherche doit être effectuée, les coûts seront plus élevés encore.

4. Prouver les dépenses

Ne plus pouvoir toucher à ses propres comptes peut évidemment être angoissant. Faut-il se précipiter pour opérer un dernier retrait avant de déclarer le décès de son conjoint à la banque? “Les banques et les assureurs prennent une photo numérique de l’état des comptes au jour du décès. La banque envoie ensuite à l’administration fiscale une liste ou un relevé de tous les avoirs détenus par le défunt et par son conjoint à cette date, énumère Helena Verwimp. En d’autres termes, retirer de l’argent n’aura aucune incidence sur les droits de succession. Et ne pourra pas être caché aux autres héritiers.”

Il est évidemment hors de question de laisser quiconque vider les comptes de personnes dépendantes, mourantes ou décédées. “Si un héritier a le sentiment que quelqu’un a pris de l’argent, il peut exiger une enquête bancaire. La banque remontera alors dans le temps, pour voir ce qui aura éventuellement disparu. Le coût de la démarche varie d’une banque à l’autre, mais il faut compter au moins entre 350 et 400 euros par compte”, précise notre interlocutrice.

“Faites preuve de la plus grande transparence, pour éviter toute suspicion.”

La notaire conseille aux personnes qui effectuent des paiements pour autrui, en vertu d’une procuration ou d’un mandat de protection extrajudiciaire, de se montrer extrêmement prudentes. “Veillez à conserver toutes les factures et tous les décomptes et faites preuve de la plus grande transparence, pour éviter toute suspicion, tout doute et toute discussion sur ce qu’il est advenu de l’argent”, détaille-t-elle.

Conseil aux personnes disposant d’une procuration: documentez toutes les transactions et privilégiez une transparence totale. Gardez l’intégralité des factures et des décomptes, pour éviter les litiges une fois que la succession sera ouverte.

5. Faire débloquer les comptes

“Le certificat d’hérédité dresse la liste des héritiers et précise la part qui revient à chacun”, énonce Helena Verwimp. Si le défunt laisse trois enfants, par exemple, le dénominateur de la fraction sera trois ; soit un tiers de l’héritage pour chacun des héritiers. Lorsqu’un partenaire est marié et laisse trois enfants, le conjoint survivant hérite de l’usufruit sur la succession et les enfants d’une fraction égale de la nue-propriété. Le certificat d’hérédité peut être réclamé gratuitement au bureau d’enregistrement, ou en ligne, sur MyMinfin.

Il arrive que le SPF Finances ne puisse pas délivrer le certificat d’hérédité: s’il existe un testament, un contrat de mariage ou un acte notarié de donation entre époux, ou si certains héritiers sont incapables – mineurs, par exemple – , c’est au notaire qu’il faudra s’adresser pour l’obtenir. Depuis le 1er janvier, un tarif fixe de 195 euros s’applique si aucun bien immobilier n’est inclus dans la succession.

Une fois le certificat d’hérédité en main, les héritiers pourront se rendre ensemble à la banque. Laquelle ne débloquera toutefois pas les comptes sans l’accord de chacun. Ils pourront décider de laisser provisoirement l’argent sur le compte, à la disposition du conjoint survivant, ou de le partager immédiatement entre eux par parts égales. Si un coffre-fort existe, il ne peut être ouvert qu’en présence de tous les héritiers.

Conseil aux lecteurs qui souhaitent faciliter la tâche de leurs héritiers: si vous craignez des disputes à votre décès, vous pouvez essayer d’impliquer tous vos héritiers dans l’établissement d’un pacte successoral, ou familial: cela vous permettra d’établir une répartition équitable et acceptée par tous de votre vivant. En cas d’échec, vous pouvez tenter de faire au mieux, en rédigeant un testament.

6. Déclaration de succession

“La déclaration de succession doit être faite dans les quatre mois qui suivent le décès. C’est pourquoi nous prévoyons généralement un deuxième entretien avec la famille après trois mois à trois mois et demi, poursuit Helena Verwimp. Dans 80 à 90% des cas, le partage ne pose aucun problème et les délais peuvent être aisément respectés.”

Que se passe-t-il dans le cas contraire? Si les héritiers ne s’entendent pas au sujet du partage, l’un d’eux peut saisir le tribunal. “Un notaire sera alors mandaté ; le notaire est une partie objective, qui sera chargée de dresser l’inventaire des biens, de prendre connaissance de la teneur de la contestation et de faire une proposition de répartition. Si un des héritiers n’accepte pas la proposition, ce sera en dernier ressort au tribunal de procéder au partage judiciaire.” C’est sur la base de la déclaration de succession que les droits seront calculés. La date à laquelle l’avis d’imposition parviendra aux proches, et le délai de paiement, varient selon la Région.

Conseil aux lecteurs qui souhaitent faciliter la tâche de leurs héritiers: si vous souscrivez une assurance succession, le capital qui leur sera payé à votre décès permettra à vos héritiers de financer au moins une partie des droits de succession sans avoir à vendre la maison familiale, par exemple.

7. Vendre un bien immobilier

En l’absence de testament ou de contrat de mariage, le SPF Finances peut délivrer gratuitement, dans les six mois qui suivent le décès, un acte d’hérédité grâce auquel les biens immobiliers hérités pourront être débloqués. Le délai d’émission de l’acte étant d’un mois, la demande, accompagnée de tous les documents requis dûment signés, doit parvenir au SPF dans les cinq mois.

En cas de retard, la gratuité ne sera plus de mise. Il faudra alors prévoir 240 euros de frais d’hypothèque par bureau de sécurité juridique où l’acte sera transcrit, et 50 euros de frais d’enregistrement. Somme à laquelle s’ajoutent 100 euros pour les droits d’écriture.

Conseil aux héritiers: agissez à temps. Réclamez le certificat d’hérédité (pour faire débloquer les comptes) et l’acte d’hérédité (pour faire débloquer les biens immobiliers) dès que possible.

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