Sociétés immobilières: la fin du conte de fées?

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Devenues très populaires dans un contexte de taux bas, les sociétés immobilières sont-elles aussi solides qu’il y paraît ? La décision de Berlin de geler les loyers a suffi à ébranler les géants allemands de l’immobilier résidentiel.

Stoxx Ltd a annoncé la semaine dernière la révision périodique du Stoxx 600 Europe, l’indice paneuropéen le plus suivi. L’identité des huit sortants est très disparate, allant du groupe français BIC à la banque danoise Jyske Bank en passant par le groupe de médias allemand Axel Springer ou le géant néerlandais du dragage Boskalis. Du côté des sociétés qui intégreront le Stoxx 600 à partir du 23 septembre, on compte deux nouveaux venus belges (Elia et Aedifica), ce qui portera le total de valeurs noir-jaune-rouge à 18, et surtout quatre sociétés immobilières, à savoir Aedifica, Allreal (Suisse), Alstria Office (Allemagne) et Immofinanz (Autriche).

Le succès des REITs

Au total, l’indice Stoxx 600 Europe comptera pas moins de 33 sociétés immobilières à partir du 23 septembre. Un contingent qui ne cesse de grossir alors que les investisseurs plébiscitent le secteur. Sur Euronext Bruxelles, le Bel 20 fait aussi la part belle à la ” brique ” avec Cofinimmo et WDP. Comme dans le Stoxx 600 Europe, elles pourraient être rejointes à l’avenir par le spécialiste des maisons de repos Aedifica.

Le succès des immobilières est avant tout lié à la chute des taux, tout particulièrement en Europe où la plupart des taux de référence sont négatifs. Elles offrent un rendement de dividende attractif de 3,9% en moyenne pour le Stoxx 600 Real Estate qui reprend toutes les immobilières du Stoxx 600.

Contrairement à d’autres secteurs offrant de généreux dividendes, les immobilières sont de plus considérées comme assez sûres. Surtout les REITs (Real Estate Investment Trust) qui englobent toutes les formes de sociétés immobilières réglementées comme les SIR en Belgique. On retrouve de nombreux points communs entre les différentes réglementations nationales.

Les immobilières doivent se concentrer sur la location d’immeubles détenus en propriété, excluant les risques liés à l’exploitation du bâtiment ou à d’autres activités comme la promotion immobilière. Elles doivent verser l’essentiel de leurs bénéfices (80% en Belgique, 95% en France, etc.) à leurs actionnaires sous la forme de dividendes. D’autres garde-fous peuvent ainsi exister comme une limitation du taux d’endettement.

Epinglons enfin que les REITs bénéficient d’un régime fiscal favorable, ne payant pas ou peu d’impôts. Cela permet d’éviter une double taxation des revenus locatifs dans le chef de la société et ensuite lors du paiement du dividende.

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L’immobilier, sauf le commercial

Nombre d’investisseurs considèrent ainsi les actions immobilières comme des alternatives (imparfaites) aux obligations. D’autant plus intéressantes qu’elles offrent une certaine protection contre l’inflation. Si la hausse des prix s’accélère, cela devrait en effet se refléter sur les loyers.

Dans cette perspective de rendement attractif et pérenne, les investisseurs ont toutefois évité l’immobilier commercial. Il est perçu comme plus risqué en raison du développement de l’e-commerce et de l’évolution des canaux de distribution. Aux Etats-Unis, où sont établis de nombreux gestionnaires de fonds, on parle déjà depuis plusieurs années de retailpocalypse.

Selon Business Insider, pas moins de 57.000 magasins ont fermé aux Etats-Unis entre 2007 et 2017. Les spécialistes d’UBS ont calculé qu’une hausse de 1% de la part des ventes en ligne dans le commerce aux Etats-Unis se traduit par la fermeture de 8.000 à 8.500 points de vente. Ils prévoient ainsi 75.000 fermetures supplémentaires d’ici 2026.

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Vonovia, un leader pas si solide ?

En Europe, la principale victime de la méfiance des marchés envers l’immobilier commercial a été Unibail-Rodamco- Westfield (Unibail). Il ne détient pas moins de 93 centres commerciaux qui ont totalisé 1,2 milliard de visites en 2018 grâce à des flagships comme Westfield Stratford City à Londres ou le Forum des Halles à Paris. Au cours des cinq dernières années, Unibail a légèrement relevé son dividende jusqu’à 10,80 euros par action pour 2018. Mais cela n’a pas suffi à convaincre les investisseurs. Le titre a perdu la moitié de sa valeur au cours des cinq dernières années, ce qui a gonflé le rendement de dividende à plus de 9%. Un niveau très élevé qui signifie que les marchés s’attendent à ce que la société ne puisse pas maintenir son dividende à un tel niveau. Une crainte qui semble se concrétiser puisque le groupe immobilier a vu ses revenus nets récurrents baisser au premier semestre et la valeur de son patrimoine immobilier diminuer.

Dans l’aventure, Unibail a perdu sa position de première société immobilière européenne. Elle a été dépassée par Vonovia, spécialiste allemand de l’immobilier résidentiel. Il dispose d’un total de 475.000 logements essentiellement sur son marché domestique. En Bourse de Francfort, Vonovia pèse 23 milliards d’euros.

A priori, l’activité est extrêmement sûre. Même si la démographie allemande n’est pas particulièrement dynamique, les besoins en logements sont réels. Il est même question de pénurie comme à Berlin, la ville la plus importante pour Vonovia, son patrimoine immobilier y étant évalué à plus de 7 milliards.

Plafonnement des loyers

L’édifice a pourtant quelque peu chancelé cet été. L’action Vonovia a perdu plus de 10% en Bourse depuis la mi-mai et est revenue à son niveau d’il y a un an malgré la chute du rendement du Bund allemand à 10 ans de + 0,4% à – 0,6%.

Cette soudaine chute fait suite au projet de Berlin de plafonner et de geler les loyers qui ont doublé ces 10 dernières années, selon le site immobilier Immowelt. La capitale allemande envisage un loyer maximum de 7,97 euros/m2, ce qui demeure bien inférieur à d’autres capitales européennes comme Paris. Dans la ville la plus chère d’Europe pour se loger, le loyer moyen est de 35,30 euros/m2, selon LocService.fr.

Lors de la publication de ses chiffres semestriels complets, Vonovia a estimé que le projet de Berlin se traduirait par une perte d’environ 10% de ses revenus locatifs dans la capitale allemande en 2020. Soit un manque à gagner de 20 à 25 millions de revenus locatifs en 2020 ou 1% de ses revenus locatifs totaux.

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Investisseurs déçus

La chute en Bourse peut apparaître exagérée par rapport à un manque à gagner de seulement 1%. Pour les actionnaires de Vonovia, le risque est toutefois bien supérieur. Les marchés redoutent que d’autres villes emboîtent le pas à Berlin. Le coût du loyer représente en effet un véritable enjeu politique en Allemagne. En 2015, le gouvernement a instauré la loi Mietpreisbremse, un ” frein au prix des loyers ” concernant pas moins de 300 agglomérations. Un dispositif jugé trop peu contraignant et quasiment sans effet par ses détracteurs… qui reçoivent une écoute attentive en Allemagne. Selon une étude de l’OCDE, la majorité des ménages allemands sont en effet locataires. S’y ajoutent les discours populistes du style : ” Des maisons neuves pour les demandeurs d’asile et une pénurie de logements pour les Allemands “.

Une véritable bombe politique qui pourrait inciter d’autres villes à suivre l’exemple de Berlin. Selon Rolf Buch, le dispositif berlinois est toutefois anticonstitutionnel. Le CEO de Vonovia a également prévenu que si le projet était mis à exécution, les propriétaires raboteront leurs dépenses de rénovation destinées à améliorer la performance énergétique ou adapter les logements à une population vieillissante. Les analystes soulignent que cela pourrait peser sur la construction et donc encore aggraver la pénurie de logements.

Cela n’éviterait toutefois vraisemblablement par une chute en Bourse à Vonovia ou Deutsche Wohnen. De nombreux investisseurs acquièrent des immobilières pour le rendement décent qu’elles offrent dans l’immédiat et pas leur potentiel à long terme.

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Quels risques pour les immobilières ?

D’autres immobilières pourraient-elles subir le même sort ? La problématique des loyers dans les grands centres urbains dépasse en tout cas largement les frontières de l’Allemagne. La grille indicative des loyers est en vigueur à Bruxelles depuis le 1er janvier 2018, sans réel impact jusqu’à présent sur Home Invest Belgium. La mairie de Paris vient de réactiver le dispositif d’encadrement de loyers en juillet. La Suède a la régulation la plus stricte, les loyers étant le fruit de négociations au sein de chaque ville. Ils sont bas, mais le pays souffre d’une pénurie chronique de logements qui s’aggrave année après année selon l’OCDE.

Quels autres risques pèsent sur les sociétés immobilières ? Le plus souvent cité est évidemment une remontée des taux qui rendrait l’immobilier moins attractif. Ce risque apparaît toutefois tout sauf imminent, la Banque centrale européenne s’apprêtant à de nouveau assouplir sa politique. Dans le segment commercial (Retail Estates, Leasinvest, Ascencio, etc.), le risque le plus pressant est évidemment l’e-commerce touchant tout particulièrement les centres commerciaux dépendant des magasins de prêt-à-porter et de produits électroniques. Les prix des maisons de repos défraient également régulièrement la chronique, ce qui pourrait in fine avoir un impact sur les propriétaires des murs comme Aedifica, Cofinimmo ou Care Property Invest en Belgique. Une récession pèserait enfin sur plusieurs segments comme les bureaux (Befimmo, Cofinimmo, Intervest) ou les entrepôts logistiques (WDP, Intervest, Montea).

N’oublions pas aussi tous les risques liés au fait qu’il s’agit d’actions. En cas de krach boursier, les sociétés immobilières ne sont guère immunisées comme on a pu le constater. D’autant plus que nombre d’investisseurs pourraient engranger de coquettes plus-values, l’action immobilière étant le type de valeur que les investisseurs préfèrent vendre en premier selon les études de finance comportementale.

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Investir en connaissance de cause

Faut-il pour autant vendre ses immobilières ? Cela dépend avant tout de la raison pour laquelle vous avez acheté. Si la réponse est pour ” obtenir un rendement attractif et récupérer ma mise dans quelques années “, il est sans doute préférable de vendre. Aux cours actuels, tout contretemps peut se traduire par une chute de cours vous faisant perdre plusieurs années de dividendes.

Si vous envisagez plutôt ces investissements comme des placements de long terme offrant un rendement intéressant sans risque excessif, les immobilières ont certainement toujours leur place dans votre portefeuille. Pensez également à arbitrer vos positions de temps en temps. WDP, par exemple, vient de connaître une période assez exceptionnelle en Bourse, ayant quasiment doublé en moins de deux ans sur fond d’entrée dans le Bel 20 et le Stoxx Europe 600.

Son rendement de dividende a ainsi chuté à 2,1% net sur la base du coupon prévu pour 2019. WDP est certes une des références en Europe dans les entrepôts logistiques, qui profitent du développement de l’e-commerce, mais le potentiel d’appréciation apparaît désormais bien limité. Les analystes de Degroof Petercam sont même passés à réduire alors que seul Morgan Stanley a un objectif supérieur au cours actuel. Intervest Offices, qui investit de plus en plus dans les entrepôts, offre par contre un rendement de dividende net de 3,7%. Plus diversifiée que ses pairs, Cofinimmo offre aussi un dividende qui représente toujours un rendement de plus de 3% après déduction du précompte mobilier de 30% ou 15% pour les SIR résidentielles (Aedifica et Home Invest). Les immobilières les plus généreuses sur Euronext Bruxelles sont notamment Befimmo (bureaux) et Vastned Retail (commerces) avec un rendement net de 4,4%.

A noter que si vous achetez une immobilière étrangère, vous subissez alors un double précompte à l’étranger et en Belgique (30%), un point crucial pour les REITs qui distribuent l’essentiel de leurs profits.

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