Six techniques pour sortir de l’argent de sa société de manière avantageuse
De nombreux entrepreneurs constituent une société pour des motifs fiscaux. Les réserves accumulées de la société constituent ainsi leur bas de laine pour leur retraite. Mais tôt ou tard, ils devront les extraire de la société. Comment le faire sans payer trop d’impôts ?
Travailler en société et non sous statut d’indépendant présente plusieurs avantages. Une société qui possède une personnalité juridique – comme une SA ou une SPRL – vous permet de limiter votre responsabilité civile de dirigeant ou de gérant à votre apport. Mais de nombreuses sociétés sont avant tout constituées pour des raisons fiscales. Ainsi, toutes les dépenses justifiables que consent une société pour réaliser des bénéfices imposables constituent des frais professionnels déductibles. Une société permet également de constituer une pension extralégale plus élevée, notamment via une assurance groupe ou un engagement individuel de pension. Au fil du temps, une société prospère peut amasser d’importants bénéfices qui devront être distribués tôt ou tard. Plus loin dans cet article, nous nous arrêterons sur les techniques les plus courantes utilisées pour retirer vos économies de votre société de manière fiscalement avantageuse.
1. Se verser un salaire minimal
Pour des raisons fiscales, la plupart des dirigeants d’entreprise s’octroient le plus faible salaire possible. En effet, le montant que vous verse votre société sous la forme de salaire a déjà été soumis à l’impôt des sociétés (dont le taux normal s’établit actuellement à 33,99%). Ensuite, ce salaire est à nouveau soumis dans votre chef au taux progressif de l’impôt des personnes physiques – maximum 50 % plus les centimes additionnels communaux – et à des cotisations sociales. Au total, vous perdez rapidement 60 % du salaire versé par votre société.
Faites constituer chaque année une réserve de liquidation par votre société. Vous réduirez ainsi le précompte mobilier dû sur les dividendes distribués.
Si vous disposez d’autres ressources privées suffisantes, il est donc important de vous verser le plus faible salaire possible. Mais vous avez aussi intérêt à appliquer les techniques d’optimisation suivantes. Par exemple, versez-vous un salaire minimal correspondant aux tranches de revenus les plus faibles à l’impôt des personnes physiques. Comme tout contribuable, vous avez en effet droit à une quotité minimale exemptée sur laquelle vous ne payez pas d’impôts. Cette quotité exemptée s’élève à 7.130 euros si vos revenus annuels imposables sont supérieurs à 26.510 euros. Si vos revenus annuels sont inférieurs à 26.510 euros, elle est portée à 7.420 euros. Ces quotités exemptées sont encore majorées en fonction du nombre d’enfants à charge. Par exemple, un dirigeant d’entreprise qui a deux enfants et un salaire imposable de moins de 26.510 euros aura droit à une quotité exemptée de 7.420 euros plus 3.900 euros – majoration pour deux enfants à charge – soit un total de 11.320 euros.
Cette quotité exemptée est un montant net. Pour obtenir votre salaire brut exonéré d’impôts, vous devez y ajouter vos frais professionnels déductibles. Ceux-ci correspondent en principe à un forfait de 3 %, plus les cotisations sociales que vous avez payées. Dans notre exemple, si vous payez 3.100 euros de cotisations sociales, le salaire brut exonéré d’impôt s’élèvera à 14.770,10 euros : (11.320 euros x 100/97) + 3.100 euros. Vous ne paierez donc pas d’impôt à titre privé si la société de notre exemple vous verse un montant brut de 14.770,10 euros en 2016.
Attention : pour que sa société puisse bénéficier du taux réduit à l’impôt des sociétés, un dirigeant d’entreprise doit se verser un salaire d’au moins 36.000 euros par an. Le taux réduit – inférieur donc au taux ordinaire de 33,99 % – s’établit de manière progressive comme suit :
– première tranche de bénéfices, de 0 à 25.000 euros : 24,97%
– deuxième tranche de bénéfices, de 25.000 à 90.000 euros : 31,93%
– troisième tranche de bénéfices, de 90.000 à 322.500 euros : 35,53%
– au dessus de 322.500 euros de bénéfices : 33,99 %.
Une autre condition à remplir pour bénéficier du taux réduit est que votre société ne peut détenir 50 % des actions d’une autre société. De plus, votre société ne peut vous verser en 2016 de dividendes supérieurs à 13 % du capital libéré le 1er janvier 2015. De nombreux dirigeants d’entreprise se versent donc un salaire annuel d’au moins 36.000 euros uniquement pour que leur société puisse bénéficier du taux réduit. Mais il est parfois plus intéressant de vous verser un salaire plus faible. Demandez à votre comptable ou expert-comptable de calculer si l’économie d’impôt que réalise votre société compensera effectivement les impôts et cotisations sociales plus élevées que vous paierez à titre privé.
2. Se verser un dividende ou un tantième
En tant qu’actionnaire de votre société, vous pouvez vous attribuer une partie du bénéfice sous la forme d’un dividende. C’est la rémunération du capital que vous avez apporté au moment de la constitution ou de l’acquisition de votre société. Sachez que votre société sera imposée sur le dividende qu’elle distribue : un dividende n’est pas déductible pour votre société. Ensuite, vous paierez, en tant qu’actionnaire, un précompte mobilier de 27 % – porté en principe à 30 % à partir du 1er janvier 2017.
Sur un dividende de 100 euros – bénéfice net avant impôt des sociétés – par exemple, vous ne toucherez que 48,19 euros en net : 100 euros moins 33,99 % d’impôt des sociétés ou 66,01 euros, moins 27 % de précompte ou 17,82 euros. En tant qu’actionnaire, vous ne paierez cependant pas de cotisations sociales sur ce montant. Le précompte mobilier peut également être ramené à 20 % ou 15 % pour les PME s’il porte sur un dividende rémunérant des actions nouvelles émises nominativement contre un apport en espèces. Attention : votre société peut perdre le taux réduit à l’impôt des sociétés si le dividende distribué est supérieur à 13 % du capital libéré.
En tant que dirigeant d’entreprise, vous pouvez également vous faire verser une partie du bénéfice de votre société sous la forme d’un tantième. Contrairement aux dividendes, les tantièmes constituent des frais déductibles pour votre société. De plus, un tantième distribué est pris en compte pour déterminer si votre société vous a versé un salaire suffisant que pour avoir droit au taux réduit à l’impôt des sociétés. Mais les tantièmes perçus sont ajoutés au salaire ordinaire des dirigeants d’entreprise. Cela signifie que ce montant sera soumis à des cotisations sociales et aux taux progressifs de l’impôt des personnes physiques – maximum 50 % plus centimes additionnels communaux. Au total, vous paierez donc rapidement 60 % d’impôts sur ces tantièmes.
Généralement, un dividende vous coûtera donc moins cher qu’un tantième, sauf si votre société vous verse un salaire inférieur à environ 24.500 euros. Dans ce cas, l’économie d’impôt réalisée par votre société dépassera le supplément d’impôt que vous paierez sur le tantième à titre privé.
3. Réduction de capital ou rachat d’actions propres
Optez d’abord pour les techniques qui sont les moins imposées, pour terminer avec le salaire et/ou des dividendes et tantièmes, plus taxés.
Si le capital social de votre société a augmenté au fil des ans, vous pouvez le ramener au seuil minimum à libérer à la constitution de la société. Pour une SPRL, par exemple, celui-ci est de 18.550 euros. Si la réduction du capital porte sur des réserves immunisées, la réduction de capital est considérée comme une distribution de dividendes et soumise à l’impôt des sociétés. Un précompte mobilier de 27 % sera ensuite retenu sur le montant versé. Si la réduction de capital porte sur des réserves déjà taxées, le dividende ne sera soumis qu’à un précompte de 27 %. En tant qu’actionnaire, vous devrez indiquer les éléments du capital auxquels la réduction de capital peut être imputée dans l’acte authentique établissant la réduction de capital.
Si vous optez pour un rachat d’actions propres, vous allez en fait vendre à votre société des actions de votre société que vous détenez. Il en résulte une augmentation du capital social, sauf si votre société détruit les actions rachetées. Une société peut racheter au maximum 20 % d’actions propres. Pour votre société, le traitement du rachat d’actions propres dépendra de l’origine du capital et de l’élément auquel il est imputé, de la même manière qu’en cas de réduction de capital. Le montant en capital que vous touchez en qualité d’actionnaire en plus du capital à libérer à la constitution est considéré comme dividende et soumis à un précompte mobilier de 27 %.
4. Réserve de liquidation
Lorsque la société arrivera à son terme et sera liquidée, vous devrez payer 27 % de précompte mobilier – en principe 30 % à partir du 1er janvier 2017 – sur le bonus de liquidation. Ce bonus est donc imposé comme un dividende. Le bonus de liquidation est la différence entre les fonds propres comptables de la société (la somme du capital et des réserves constituées) et le capital social effectivement libéré à la constitution, qui est exonéré d’impôt. Le bonus représente donc toutes les réserves historiques, y compris les réserves immunisées, plus le résultat de l’exercice au cours duquel la société a été liquidée. Sur ce montant, la société devra payer d’abord des impôts (sauf sur les réserves déjà taxées), plus un précompte de 27 % sur le montant distribué.
Pour des raisons fiscales, la plupart des dirigeants d’entreprise s’octroient le plus faible salaire possible.
Avant le 1er octobre 2014, ce précompte n’était que de 10 %. L’augmentation à 27 % (et bientôt 30%) a profondément choqué les dirigeants d’entreprise qui considéraient le bonus de liquidation comme un bas de laine pour leur retraite. C’est pourquoi le législateur a introduit un système permanent de ” réserve de liquidation ” pour les PME. Depuis l’exercice 2014, vous pouvez ” bloquer ” de manière fiscalement avantageuse votre bénéfice annuel après impôts. La réserve de liquidation est constituée en transférant une partie ou la totalité du bénéfice comptable après impôts à un ou plusieurs comptes distincts du passif. Les montants ajoutés aux réserves de liquidation ne constituent donc pas des frais déductibles pour la société. La société devra payer 10 % d’impôts sur la partie du bénéfice transférée durant l’exercice où les réserves ont été constituées. Mais la distribution des réserves de liquidation bloquées sera exonérée d’impôts à la liquidation de la société.
Si vous ne liquidez par votre société lors de votre départ à la retraite, vous pourrez distribuer les réserves de liquidation moyennant un précompte de 5 % pour autant que les réserves aient été constituées au moins cinq ans plus tôt. Si les réserves de liquidation sont distribuées dans les cinq ans, elles sont soumises à un précompte mobilier de 17 % – en principe 20 % à partir du 1er janvier 2017. Il est donc intéressant de bloquer chaque année la totalité ou une partie des bénéfices afin de pouvoir les transférer de manière fiscalement avantageuse de votre société à votre patrimoine privé au terme d’un délai d’attente de cinq ans.
5. Location de biens mobiliers et immobiliers
Il est intéressant de transformer un salaire en revenus immobiliers. En effet, vous ne paierez pas de cotisations sociales sur ces montants, et votre revenu imposable pourra être réduit des intérêts que vous payez pour les crédits souscrits en vue d’acquérir, faire construire ou rénover un bâtiment. Cette transformation peut s’effectuer en louant à votre société un bâtiment dont vous, dirigeant d’entreprise, êtes propriétaire, superficiaire ou usufruitier. Si la société utilise le bâtiment loué pour ses activités, elle pourra déduire de son bénéfice imposable l’intégralité du loyer qu’elle vous paie.
30%, c’est le pourcentage auquel sera, en principe, porté le précompte mobilier à partir du 1er janvier 2017.
En tant que revenu immobilier, le loyer que vous percevez sera certes soumis au taux progressif de l’impôt des personnes physiques – maximum 50 % plus centimes additionnels communaux – , mais vous pourrez en principe le réduire de 40 % via des frais forfaitaires déductibles. Vous pourrez également lui imputer les intérêts déductibles des emprunts. Attention : si vous demandez un loyer excessif à votre société, celui-ci sera requalifié en rémunérations imposables sur lesquelles vous devrez payer des cotisations sociales. Ce sera le cas si vous demandez un loyer annuel brut – c’est-à-dire avant la déduction des frais de 40 % – correspondant à cinq tiers du revenu cadastral indexé du bâtiment.
Il est également intéressant de transformer un salaire en revenu mobilier. Vous pouvez louer certains biens meubles – matériel de bureau, armoires, matériel roulant, etc. – dont vous êtes propriétaire à votre société, qui les utilisera pour ses activités professionnelles. Le loyer payé par la société constitue des frais déductibles dans son chef. Si vous demandez des loyers conformes au marché, le montant que vous recevez en tant que dirigeant d’entreprise sera imposé au titre de revenu mobilier. A nouveau, vous pouvez déduire du loyer reçu les dépenses que vous avez faites pour réparer ou entretenir les biens. Si vous n’avez pas ou trop peu de frais, vous avez automatiquement droit à des frais forfaitaires de 50 % pour le mobilier et de 15 % pour les autres biens meubles donnés en location. Le montant net constitue un revenu mobilier sur lesquels vous payez 27 % de précompte mobilier – en principe 30 % partir du 1er janvier 2017.
6. Frais privés et avantages sociaux
Vous pouvez également faire payer par votre société certaines dépenses que vous faites à titre privé comme gérant ou dirigeant d’entreprise. Si vous ne les remboursez pas, vous serez imposés sur un avantage en nature . Elles seront donc soumises à des cotisations sociales et imposées. L’aspect intéressant est qu’un grand nombre de ces avantages sont évalués de manière forfaitaire, même si le montant réel que vous avez payé est plus élevé. L’exemple le plus connu est celui de la voiture de société qu’achète la société à votre intention et que vous pouvez également utiliser à titre privé. Vous pouvez également faire payer l’électricité et le chauffage de votre habitation privée par votre société. Pour l’utilisation gratuite d’électricité, vous serez imposé sur un avantage forfaitaire de 950 euros par an ; pour le chauffage, c’est 1.900 euros par an. Si vous habitez à titre privé dans une maison qui est la propriété de votre société et ne payez pas de loyer, l’avantage imposable en nature sera calculé par an sur la base du RI indexé x 100/60 x 3,8, si le revenu cadastral de base est supérieur à 745 euros. Si vous utilisez à titre privé un GSM/smartphone, un PC et une connexion internet aux frais de votre société, l’avantage en nature imposable s’établira respectivement à 150, 180 et 60 euros par an.
Le législateur accepte également qu’une société attribue des avantages ” sociaux ” à son dirigeant d’entreprise. Ces avantages sociaux ne sont ni soumis à l’impôt des personnes physiques, ni comptabilisés pour le calcul des cotisations sociales. Pensez ainsi aux chèques-repas et écochèques ou encore à l’indemnité exonérée d’impôt de 0,22 euro par kilomètre si vous vous rendez à votre travail à vélo.
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