Rebond: Carmignac sort-il du purgatoire?
Après avoir vécu la gloire puis le rejet, le fonds patrimonial français affiche à nouveau une performance honorable en ce début 2020. Voilà qui mérite un éclairage, d’autant que le portefeuille vient de connaître d’importantes modifications.
Lancé en 1989, Carmignac Patrimoine est resté dans l’ombre durant une décennie, sa performance ne s’écartant guère de celle du marché. Au début des années 2000, il prend soudain le mors aux dents et affiche une surperformance éblouissante par rapport à son indice de référence : +72 % en février 2004 et même +136 % en mars 2010 ! Son fondateur Edouard Carmignac devient une star et tous les gestionnaires indépendants glissent le fonds dans les portefeuilles de leurs clients. Résultat : il dépasse les 26 milliards d’euros sous gestion au printemps 2013, ce qui est colossal à l’échelle européenne, voire mondiale.
Plus dure sera la chute…
La surperformance insolente du fonds commence alors toutefois à fondre et le phénomène s’amplifie durant les années suivantes ( lire l’encadré ” Erosion inexorable après un formidable envol… ” plus bas). Un clip promotionnel fait encore état de 22,5 milliards d’actifs sous gestion en 2017, mais la chute est ensuite brutale, puisque ces actifs avoisinent aujourd’hui les 11 milliards. La performance 2018 est catastrophique, avec un repli dépassant 11 %, face à des indices de référence étales. Et l’an dernier n’est pas brillant non plus, avec +10,5 et +18,2 % respectivement.
Entretemps, en mars 2019, un nouveau duo de gestionnaires a été mis en place. Tandis que Rose Ouahba conserve le volet obligataire, les actions sont confiées à l’Américain David Older, entré dans le groupe quatre ans plus tôt. Et ce début 2020 est plutôt convaincant, avec un recul limité à -6,09 % à fin mars, soit 6 % de mieux que l’indice. Dans sa catégorie, le spécialiste Morningstar classe Carmignac Patrimoine à présent 6e, contre 69e en 2019 et 93e en 2018. Un fameux redressement !
Chamboulement en mars…
Quel en est le moteur ? ” D’abord, une analyse correcte de l’évènement ( la crise du Covid-19, Ndlr), répondent les gestionnaires. Non pas simplement une crise sanitaire qui a provoqué un coup d’arrêt économique, mais plutôt une crise économique qui a déclenché la correction de distorsions de marchés qui s’étaient accumulées depuis plusieurs années : volatilité exagérément basse, leviers financiers excessifs, valorisations très élevées. Ensuite, un jugement relativement rapide que l’Europe et les Etats-Unis ne prenaient pas la juste mesure de la phase exponentielle d’une propagation virale. Cette analyse nous a amenés à réduire assez tôt le profil de risque de nos portefeuilles d’actions par l’utilisation d’instruments de couverture classiques. Et ceci tout en conservant pratiquement inchangée leur construction, bâtie autour de valeurs diversifiées géographiquement et, surtout, sélectionnées sur les critères de visibilité et de croissance à long terme. ”
La situation au 3 avril était à cet égard significative : toujours 40 % environ d’actions, mais une exposition nette de 9 % à peine, en raison de plusieurs positions à la baisse ( short), tant sur l’Euro Stoxx 50 que sur le Nasdaq et le S&P 500. Du côté des obligations, le portefeuille avait subi d’importantes modifications en mars. A fin février, son premier poste, représentant plus de 12 % du total, était un contrat future, juin 2020, sur l’obligation américaine à 10 ans. ” Les positions sur les emprunts d’Etat américains ont profité de la baisse des rendements et ont été en partie soldées “, nous explique-t-on. Plusieurs obligations de l’Etat italien y figuraient aussi qui ont, elles, été totalement soldées.
… et retour sur les actions en avril
Du côté des obligations, les gestionnaires ont tourné leurs regards vers des pays plus émergents… mais pas exotiques. La dette tchèque (notation : AA) y est fort présente, mais on relève aussi, dans le top 10 obligataire, des positions sur la Grèce, Chypre, ainsi que sur la Roumanie. ” Ce pays affiche la même notation que l’Italie ( quasiment du moins, à savoir BBB pour l’Italie et BBB- pour la Roumanie chez Standard & Poors, Ndlr), explique Axelle Pinon, equity products specialist chez Carmignac. Mais avec un niveau de dette sensiblement plus faible et des rendements très supérieurs, à savoir 4 % à 30 ans contre 2,5 %. Ses perspectives à long terme sont en forte amélioration. ”
Du côté des actions, le fonds se montre plus circonspect à l’égard des pays émergents, les positions en Inde ayant été réduites l’an dernier. Carmignac garde par contre sa confiance dans la Chine, dont les titres pèsent 6 % du portefeuille. ” Nous sommes centrés sur des entreprises domestiques, bénéficiant de tendances de long terme de la nouvelle économie, détaille Axelle Pinon. L’e-commerce notamment, avec une position sur le numéro 2, dont la structure logistique intégrée lui a permis d’absorber la hausse des commendes durant le confinement, contrairement à certains concurrents. ” Il s’agit de Jingdong Mall, plus connu sous son sigle JD.com. Coté sur le Nasdaq, le titre est en hausse d’une petite vingtaine de pour cent en 2020. Une deuxième action chinoise figure dans le top 10, avec une pondération de 1,18 % : Chongqing Zhifei Biologica, un producteur de vaccins dont le titre est en hausse de 60 % depuis le début de l’année.
Pour le reste, le volet actions n’a guère été modifié en ce début avril, avec une pondération de 45 %. Sauf que l’exposition nette est passée de 9 à 29 % la semaine passée. Carmignac Patrimoine affiche donc une confiance accrue dans certains compartiments boursiers, ce qui ne l’empêche pas de se tourner aussi vers l’or, qui pèse 7 % du portefeuille.
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