Qu’en est-il de la sécurité de votre coffre-fort bancaire?
Un récent cambriolage à Anvers a jeté le trouble dans l’esprit des locataires de coffres bancaires. Le contenu de votre coffre-fort est-il bien protégé ? L’administration fiscale peut-elle y avoir accès ?
Le casse perpétré début février dans la salle des coffres d’une filiale anversoise de BNP Paribas Fortis avait tout d’un film hollywoodien : les cambrioleurs ont emprunté égouts et passage souterrain, avant de forcer plusieurs coffres. Un événement qui suscite deux questions légitimes. Qu’en est-il de la sécurité des coffres-forts bancaires loués par les particuliers ? Et que faire s’il s’avère que ceux-ci sont forcés par un tiers et leur contenu dérobé ?
En principe, les clients n’ont pas trop de souci à se faire. En Belgique, les banques, quelles qu’elles soient, doivent assurer l’intégralité du contenu des coffres contre le vol, l’incendie et les dégâts des eaux. Mieux vaut néanmoins prendre connaissance des conditions générales de location.
Par exemple, certaines institutions excluent les dommages qui résultent directement de faits de guerre ou d’actes de terrorisme. Ou alors ce sont les modalités de l’assurance qui diffèrent. Ainsi KBC, comme d’autres banques, garantit une couverture illimitée par coffre là où Axa accorde plutôt une garantie plafonnée non pas par coffre, mais pour l’intégralité de la salle. ” Notre police prévoit effectivement un montant global de 25 millions d’euros par salle et par an “, confirme Lisa Pieters, responsable presse chez Axa Banque Belgium. Qui ajoute que l’assureur n’est pas Axa, mais une autre compagnie. Le client qui juge cette couverture insuffisante a toujours la possibilité de s’assurer individuellement pour une somme plus élevée. Evidemment, rien ne compensera le chagrin que peut causer le vol d’objets hérités ou de bijoux auxquels on accorde une valeur sentimentale – la perte, en pareil cas, est au-delà du préjudice économique.
Toute déclaration fausse ou exagérée priverait automatiquement l’assuré de l’intégralité du droit à remboursement. ” Sofie Spiessens (KBC)
Déclaration sur l’honneur
En cas de cambriolage, le client sera invité à dresser l’inventaire du contenu du coffre et à y joindre autant de documents probants que possible (preuves d’achat, factures, rapports d’expertise, photos, etc.). Mieux vaut naturellement rassembler ces documents avant qu’un sinistre ne survienne et les ranger en lieu sûr, c’est-à-dire ailleurs que dans le coffre.
En l’absence de preuves, le client sera invité à faire une déclaration sur l’honneur. La banque n’ayant aucun moyen de savoir ce qu’il en est exactement, ne pourrait-il être tenté de prendre des libertés avec la vérité ? ” Nous partons du principe que chacun agit en bon père de famille, s’insurge Sofie Spiessens, corporate communication manager chez KBC Groupe. Du reste, toute déclaration fausse ou exagérée priverait automatiquement l’assuré de l’intégralité du droit à remboursement. ” Pour décourager les malhonnêtes, les banques disposent de plusieurs possibilités. Ainsi BNP Paribas Fortis se réserve-t-elle, par contrat, le droit d’exiger de tous les locataires, même en l’absence de sinistre, une déclaration sur l’honneur, à laquelle succédera un contrôle du contenu du coffre par un huissier de justice.
Législation anti-blanchiment
Autre point délicat : il n’est pas exclu qu’un certain nombre de coffres belges recèlent des choses que leur propriétaire préfère soustraire au regard du fisc. Les déclarations sur l’honneur ne risquent-elles pas de tomber dans les mains d’un contrôleur ? ” Elles ne servent qu’à permettre à l’assureur de déterminer précisément les pertes “, garantit Sofie Spiessens. ” Le juge d’instruction saisi du dossier du casse ne va pas expédier d’autorité les déclarations à l’administration fiscale, confirme Dirk Van Collie, associé chez Alaska, société spécialisée dans le conseil, l’expertise comptable et l’audit. En principe, la banque non plus. A moins qu’elle n’ait de sérieuses raisons de soupçonner des activités de blanchiment de fonds ou de financement du terrorisme. Car la loi oblige les banques et les assureurs qui croient avoir identifié des transactions douteuses à en avertir la CTIF, la cellule de traitement des informations financières. ”
Au nom de la société
Mais les obligations de la banque ne s’arrêtent pas là. Au décès du locataire, elle ne pourra ouvrir le coffre qu’à des fins d’inventaire et en présence de tous les héritiers et d’un de ses employés. Et ce en vue de protéger les droits des héritiers et du Trésor. ” Même le receveur de l’enregistrement doit être invité à assister à l’ouverture, ce qu’il fait toutefois rarement “, ajoute Dirk Van Collie. Il est donc vain d’espérer pouvoir aller vider le coffre en catimini juste après la déclaration de décès, pour échapper aux droits de succession. ” Mais il importe de savoir qu’il s’agit d’un inventaire, pas d’une évaluation “, précise notre interlocuteur.
Il arrive aussi que des gens louent au nom de leur société un coffre dans lequel ils déposent des biens privés. A leur décès, la banque n’aura dès lors pas à apposer les scellés, puisque les entreprises ne meurent en principe pas. Mais sachez que puisque tout mandataire souhaitant pouvoir accéder à la salle des coffres doit signer le registre des accès, une signature apposée juste après le décès du gérant risque bien d’attirer l’attention du fisc. Dirk Van Collie ne préconise d’ailleurs pas ce genre de montage : ” Si la société fait faillite ou est impliquée dans un litige qui entraîne une saisie conservatoire, la banque apposera les scellés et le contenu sera considéré comme appartenant à la société. En outre, rien qu’en confiant la clé et le code à un mandataire, le gérant sacrifie une partie de la sécurité que confère l’utilisation d’un coffre. ”
Moins de coffres bancaires, plus de coffres privés
Les Belges ont tendance à se détourner des coffres bancaires. L’an dernier, Axa Banque a loué 10 % de coffres en moins que les années précédentes. Chez KBC, la diminution a été de 8 %. ” En 2018, nous avons loué 107.000 coffres environ, annonce Sofie Spiessens. Ce désamour a plusieurs causes. Tout d’abord, le recul de l’offre lui-même : il n’est pas rare que les nouvelles agences ne soient tout simplement pas équipées. La demande s’essouffle elle aussi, notamment parce que les titres au porteur sont convertis en titres placés sur des comptes-titres. ”
L’on ne peut toutefois s’empêcher de constater que cette tendance baissière s’accompagne d’une augmentation des achats de coffres privés : le Belge semble donc avoir de plus en plus tendance à conserver chez lui or, bijoux, oeuvres d’art, antiquités, objets de collection et documents officiels, comme ses diplômes, son contrat de mariage et son acte de propriété.
107.000
Le nombre de coffres loués l’an passé chez KBC, en recul de 8 %.
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