Quels sont les risques cachés des investissements indiciels?
Le gestionnaire de patrimoine Fidelity est le premier à proposer plusieurs ETF ou fonds indiciels depuis le début du mois. Les avantages sont connus, les inconvénients et les risques nettement moins.
Les ETF (fonds indiciels cotés) ont le vent en poupe depuis quelques années. L’an dernier, 690 milliards de dollars ont été investis dans des fonds à gestion passive selon Morningstar. Un record. Ce succès a permis de réduire les frais de gestion. A tel point que Fidelity a lancé des ETF exonérés de frais de gestion, une offre réservée aux Etats-Unis.
Les avantages des investissements indiciels le plus souvent cités sont : coûts moindres, répartition des risques, transparence, simplicité et bonne négociabilité. Les fonds à gestion automatisée, de plus en plus populaires, supposent toutefois de nouveaux risques et peuvent, selon certains, avoir des effets de distorsion du marché.
Risque de concentration
Au lieu de la répartition des risques préconisée par les adeptes des ETF, les investisseurs courent des risques de concentration importants pour de nombreux indices. Confirmation de Benedict Peeters, ancien responsable de la plateforme ETF chez Deutsche Bank. ” Le simple suivi d’un indice ne suffit pas à optimiser la stratégie d’investissement en termes de risques “, insiste-t-il. Il cite l’exemple de l’Euro Stoxx 50. ” Les 10 plus grandes entreprises adossées à cet indice représentent environ 40 % de l’indice “, explique Benedict Peeters. Dans le S&P 500, l’indice de référence le plus suivi au monde, le Top 10 représente plus de 20 % de l’indice. De nombreux indices sont composés sur la base de capitalisation boursière. Plus la valeur boursière d’une entreprise est élevée, plus la société pèse lourd dans l’indice. Autrement dit, les capitaux des fonds indiciels sont investis majoritairement dans les grandes entreprises liquides, ce qui les rend encore plus incontournables.
” Capitalisation boursière et liquidité vont souvent de pair, ajoute Benedict Peeters. Il est donc logique qu’on privilégie les actions plus liquides. Les investissements passifs sont une bonne chose en soi mais adossés à d’importants indices simples, dominés par quelques grands noms, ils ont pour effet de propulser ces grands noms sur le devant de la scène. De ce fait, tous les investisseurs ETF encourent les mêmes risques. ” L’an dernier, le PDG d’Invesco, un des plus gros émetteurs d’ETF, a mis en garde les investisseurs indiciels, insuffisamment informés de la prise de risques, selon lui.
L’Américain Steven Bregman dénonce lui aussi le risque de concentration dû, selon lui, à la composition des indices. Bregman est gestionnaire de fonds et cofondateur d’Horizon Kinetics, une des plus grandes agences de recherches et d’analyses financières indépendantes des Etats-Unis. ” Supposons que je veuille profiter du renouveau de l’économie espagnole, explique-t-il. En toute logique, j’entre dans un fonds qui suit l’indice MSCI Espagne. Beaucoup ignorent cependant que le Top 10 du MSCI Espagne représente 70 % de l’indice. Non seulement les investisseurs sont surexposés à un petit groupe d’entreprises, mais géographiquement parlant, ils investissent dans le mauvais marché.
Investissement sémantique
” Ces 10 entreprises espagnoles génèrent plus de 70 % de leur chiffre d’affaires à l’étranger “, souligne Steven Bregman. C’est ce qu’il appelle un investissement sémantique. ” La terminologie de cette stratégie d’investissement ne correspond pas à la réalité, explique-t-il. La diversification que recherchent les investisseurs indiciels n’est pas ce qu’elle devrait être. Ils courent donc les mêmes risques systémiques que s’ils investissaient dans les grandes multinationales liquides. ”
Selon un récent rapport de la Banque des règlements internationaux, les obligations ETF sont victimes du même phénomène de concentration. D’après le rapport de la BRI, les investissements obligataires passifs favorisent l’accroissement de la dette. Les pays et les entreprises les plus endettés pèsent le plus lourd dans les indices obligataires. Face à l’engouement pour les ETF, la demande d’obligations augmente et pousse ces pays et entreprises à émettre davantage de titres de créance. Les investisseurs indiciels sont ainsi plus exposés au taux d’endettement des entreprises qu’à leur importance.
Les chercheurs de la BRI pointent en outre l’effet perturbateur des investissements indiciels sur la fixation des prix sur les marchés financiers. Plus les fonds à gestion passive attirent de capitaux, moins l’information circule sur les marchés et plus le risque d’évaluation erronée des actions et des obligations augmente. Steven Bregman corrobore. Selon lui, les ETF ont même créé une nouvelle bulle spéculative. ” Par l’entremise des ETF, les capitaux sont investis structurellement dans les titres les plus prestigieux, indépendamment de leur valeur réelle “, déclare-t-il.
Steven Bregman cite l’exemple de l’indice des obligations à haut rendement des marchés émergents, le fameux emerging markets high yield bond index. ” Cet indice reprend notamment des obligations d’Etat russes dont le rendement avoisine les 4 à 4,5 % “, explique-t-il. Et de poser cette question rhétorique : ” Si l’idée vous venait de vendre ces obligations séparément sur le marché, pensez-vous pouvoir obtenir un tel prix ? “. Par ailleurs, la composition d’un indice peut avoir une incidence financière majeure pour un pays. Israël en a fait l’expérience en 2010. MSCI, l’un des principaux compilateurs d’indices boursiers, a fait passer Israël de la catégorie marché émergent à marché développé. Une bonne nouvelle a priori si ce n’est qu’Israël pesait du coup nettement moins lourd dans le nouvel indice. Résultat : le retrait de 2 milliards de dollars d’investissements passifs.
Sus aux traficoteurs d’indice
Hans Heytens de la société de gestion d’actifs Weghsteen nuance. ” L’ETF n’est qu’une façon d’accéder à un indice, dit-il. Cet argent pourrait très bien être investi dans ces valeurs indicielles via des fonds à gestion active. ” Même son de cloche du côté de Benedict Peeters. ” Bon nombre de gestionnaires de fonds qui se disent actifs sont en fait pseudo-passifs “, assure-t-il. On les surnomme les traficoteurs d’indice.
Les fonds indiciels gratuits sont une évolution positive, selon Hans Heytens, mais les frais de gestion ne représentent qu’une petite partie du coût total. Si un ETF ne produit pas le résultat escompté, à savoir suivre un indice le plus fidèlement possible, l’investisseur y perd également. ” La divergence de tracking peut coûter jusqu’à 0,4 % à l’investisseur ETF, explique-t-il. Il vaut parfois mieux investir dans un ETF aux frais de gestion légèrement plus élevés mais plus conforme à la performance de l’indice boursier. ” Les ETF gratuits sont une réelle opportunité pour Fidelity en quête de bénéfices. Les sources de revenus sont multiples. ” La mise à disposition de titres sous gestion rapporte aux gestionnaires d’ETF, explique Benedict Peeters. Le négoce d’ETF rapporte également, au même titre que la gestion optimale des dividendes des actions reprises dans le fonds. ”
Images négatives
Etant donné les coûts élevés et la sous-performance des fonds à gestion active, les investissements passifs gagnent en popularité. ” La plupart des gestionnaires actifs méritent les critiques dont ils sont la cible, constate Steven Bregman. Lorsqu’un gestionnaire d’actifs performant se voit confier davantage de capitaux, il se mue le plus souvent en ‘collectionneur’ d’actifs. Il ferait mieux de ne pas accepter de capitaux supplémentaires et de gérer au mieux ses fonds restreints. ” ” Nombreux sont les gestionnaires d’actifs qui donnent une image négative des ETF, ajoute Benedict Peeters, mais l’acquisition de certains titres se fait préférentiellement via un ETF, tout simplement parce que c’est moins cher. ” Cela dépend essentiellement des ambitions de l’investisseur, selon lui. ” Si vous voulez faire mieux que le marché boursier, faites appel à un gestionnaire actif. Si vous vous satisfaites du rendement du marché boursier, optez pour un ETF mais un bon ETF. ”
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