Quel est l’impact des taux en Bourse?
“Plus bas, plus longtemps”, l’expression tourne en boucle sur les marchés des taux. Une évolution qui n’est pas sans conséquence en matière d’investissements. Lesquels en souffrent-ils ? Lesquels faut-il privilégier ?
Le récent ralentissement économique mondial a poussé tant la Réserve fédérale américaine (Fed) que la Banque centrale européenne (BCE) à changer leur fusil d’épaule. Aux Etats-Unis, les marchés s’attendent désormais à ce que la Fed abaisse trois fois ses taux au cours des 12 prochains mois. Dans la zone euro, le président de la BCE Mario Draghi a reporté toute hausse de taux à la période suivant la fin de son mandat en octobre. Et sans doute bien plus tard, le rendement du Bund allemand à 10 ans ayant atteint un nouveau plus bas historique à -0,26%. La tendance est similaire au Japon, en Australie ou au Canada.
Quand les taux pourraient-ils remonter ? Plus personne ne semble connaître la réponse. La quasi-unanimité des observateurs ne prévoit pas de remontée à un horizon prévisible. Sur les marchés, même les rendements à très long terme ont fondu comme neige au soleil. Le taux de l’obligation autrichienne à 50 ans est ainsi passé sous 1%, moins que l’inflation actuelle. Historiquement, on peut observer que les taux étaient restés bas pendant 25 ans après la crise de 1929. Pour l’investisseur, il est donc crucial de s’adapter.
INVESTIR, MAIS DANS QUOI ?
Sur les comptes d’épargne, les taux offerts ne compensent même pas l’inflation, ce qui remet au goût du jour ce qu’écrivait John Maynard Keynes il y a un siècle dans Les conséquences économiques de la paix : ” Par des procédés constants d’inflation, les gouvernements peuvent confisquer d’une façon secrète et inaperçue une part notable de la richesse de leurs citoyens “. Mais tous les investissements ne réagissent pas de la même manière à ces variations de taux : certains en profitent, d’autres en souffrent, surtout sur une longue période. Panorama des différents actifs financiers.
Sur les marchés, même les rendements à très long terme ont fondu comme neige au soleil.
– Les obligations d’entreprises
Dans une perspective historique, le surrendement actuellement proposé par les obligations d’entreprises est plutôt bas. Dans le cas des obligations spéculatives, il est de 4%, soit un rendement effectif de 3,6% en tenant compte des taux de référence négatifs. Pas cher payé au regard des risques pris. Ces obligations sont en effet les plus risquées, les émetteurs étant affublés d’une faible note financière. Ils sont donc les premiers menacés par la hausse des défauts de paiement prévue par Moody’s. Selon l’agence de rating, les taux de défaut, c’est-à-dire la part des obligations non remboursées, vont dépasser 3% d’ici la fin de l’année en Europe et aux Etats-Unis. C’est la conséquence du ralentissement économique mondial, des conflits commerciaux et des taux bas qui ont rendu l’endettement trop abordable pour des entreprises n’ayant pas les reins assez solides.
– L’immobilier
L’immobilier profite doublement des taux bas. Premièrement, les acheteurs bénéficient de conditions de financement plus favorables. Deuxièmement, le rendement locatif apparaît plus intéressant au regard d’autres placements. Evidemment, vous pourriez être tentés d’acheter un immeuble de rapport ou un appartement à donner en location, mais il s’agit d’investissements conséquents. Les frais, le temps à consacrer (gérer les locataires, l’immeuble, etc.) et les risques (perte de valeur du quartier, etc.) ne sont pas à négliger. Cette option offre de plus très peu de flexibilité si les taux remontent, par exemple dans cinq ans. Même après l’envolée des cours des dernières années, l’immobilier coté demeure donc attractif. Les sociétés immobilières réglementées (SIR) belges sont à privilégier car elles offrent des garanties en matière de dividendes, au moins 80% du bénéfice doit être reversé aux actionnaires, et le coupon ne subit ” que ” le précompte mobilier belge de 30%. Dans le cas des immobilières étrangères, votre dividende subit un double prélèvement, à l’étranger et en Belgique.
– L’or
” Valeur refuge “, ” protection contre l’inflation ” caractérisent souvent le métal jaune. Ce dernier bénéficie pourtant aussi de la faiblesse des taux d’intérêt. Du taux d’intérêt réel, précise toutefois Xavier Timmermans, stratégiste chez BNP Paribas Fortis. Concrètement, ce taux d’intérêt réel correspond au taux nominal moins l’inflation. Il est actuellement négatif, ce qui est favorable à l’or qui ne produit aucun revenu. Ce seul facteur n’est toutefois pas suffisant pour soutenir un cours qui a clairement tendance à augmenter quand les Bourses sont plus chahutées.
– Les actions par secteur
Les actions demeurent l’alternative numéro un dans un environnement de taux bas. Les entreprises bénéficient de coûts de financement réduits et le rendement de dividende apparaît comparativement plus intéressant. L’indice Stoxx Europe Total Market, regroupant 95% des actions cotées sur le Vieux Continent, affiche un rendement de dividende moyen de 3,5%. Il ne faut toutefois pas vous laisser aveugler par un rendement de dividende très élevé. Certaines entreprises pourraient en effet devoir réduire leur coupon, notamment à cause des taux bas.
LES SECTEURS QUI SOUFFRENT DES TAUX BAS
– Les banques
Selon Stoxx Europe, le secteur bancaire européen affiche un rendement de dividende de 4,5%, mais certaines institutions pourraient devoir revoir leur politique de distribution à la baisse. Les banques souffrent en effet de la baisse des taux qui fait pression sur leur marge nette d’intérêts. Cette marge correspond à la différence entre les revenus générés par ses actifs (prêts et titres détenus) et les charges d’intérêts sur ses passifs (dépôts de la clientèle et financements). De plus, les banques de la zone euro doivent payer un taux négatif de 0,4% (et possiblement encore plus à l’avenir) sur leurs dépôts à la BCE.
– Les assurances
Les compagnies d’assurances souffrent aussi des taux bas. Les rendements actuels sur les obligations (et produits similaires) ne suffisent pas toujours à honorer les rendements garantis, notamment sur les produits de pension. Les risques ont été réduits ces dernières années grâce à l’assouplissement des garanties de taux et à la promotion des produits en unités de compte comme la branche 23. Il s’agit toutefois d’une stratégie de long terme comme le soulignait l’agence de notation Standard & Poor’s l’année dernière.
LES ALTERNATIVES AUX OBLIGATIONS
– Secteur de la santé
Défensif, peu touché par les conflits commerciaux, profitant du vieillissement de la population et dégageant d’importants flux de trésorerie, le secteur de la santé a de nombreux atouts. C’est même devenu l’exemple typique du secteur pouvant offrir des dividendes élevés et résilients avec un rendement de 3,1% en Europe. La valorisation fondamentale demeure raisonnable à moins de 16 fois le bénéfice prévu. Le secteur est trusté par les grands groupes pharmaceutiques (Novartis, Roche, GSK, etc.), mais peut aussi compter sur des équipementiers (Philips), les spécialistes mondiaux de l’ophtalmologie EssilorLuxottica et Alcon, ou le numéro un mondial du traitement du diabète NovoNordisk. Pour l’investisseur belge, tous ces titres étrangers sont synonymes de double précompte sur les dividendes et de frais de transaction plus élevés. Mais l’ETF Lyxor STOXX Europe 600 Healthcare UCITS (ISIN : LU1834986900) vous permet d’investir à moindre coût dans ce secteur (frais annuels courants de 0,30%).
– Secteur des télécoms
Les opérateurs télécoms ont connu une véritable mutation en 20 ans avec la généralisation d’Internet et de la téléphonie mobile, la tarification forfaitaire, le rapprochement entre différents types d’acteurs (câblo-opérateur, opérateur fixe, opérateur mobile), la libéralisation des marchés et la fin des tarifs de roaming en Europe. Selon le cabinet Sopra Steria Consulting, le chiffre d’affaires des opérateurs télécoms européens a chuté de 17% entre 2008 et 2017. Pour faire face, le secteur a surtout compté sur les réductions de coûts. Mais le mouvement de consolidation n’a pas été aussi spectaculaire qu’annoncé, en raison notamment de la supervision des autorités de la concurrence. Le secteur a toutefois globalement réussi à s’adapter et a mis fin à l’hémorragie. Les bénéfices sont même légèrement repartis à la hausse en 2017-2018 et Standard & Poor’s prévoit une faible croissance des revenus en 2019 et 2020. Globalement, les opérateurs télécoms européens devraient ainsi pouvoir financer les investissements nécessaires dans les réseaux (fibre optique, 4G et 5G).
Cela n’empêche qu’il demeure quelques excès. Bâti à coups d’acquisitions et acculé par une dette de 50 milliards, Altice a dû séparer ses activités américaines et européennes et s’engager dans des cessions d’actifs. Après le rachat des réseaux câblés de Liberty Global en Europe et en ex- Allemagne de l’Est, Vodafone a dû raboter son dividende de 40% afin de conserver suffisamment de cash pour investir dans ses réseaux. Ces opérateurs plus à risques sont également les plus intéressants en termes de valorisation. Un investissement dans l’ensemble du secteur, cotant moins de 14 fois les bénéfices et affichant un rendement de dividende de 5,4%, apparaît indiqué si vous recherchez un placement rentable sans prendre de risques excessifs. L’ETF Lyxor STOXX Europe 600 Telecommunications UCITS (ISIN : LU1834988609) vous permet d’investir dans l’ensemble du secteur avec des frais réduits (0,30% par an).
– Secteur des produits de consommation
Il y a quelques mois, le secteur des produits de consommation aurait sans doute trusté la première place des alternatives aux obligations dans un contexte de taux très bas. Les déboires de Kraft Heinz, qui a émis un avertissement sur résultats et réduit son dividende de 36% en février, ont toutefois illustré l’impact du changement des habitudes de consommation. Les millennials se détournent de la plupart des grandes marques. Dans une étude réalisée en 2017 par le cabinet Kantar Millward Brown et Kantar Media, pas moins de 75% estimaient que les marques ont tellement peu de sens qu’elles finiront par disparaître… Chez nous, AB InBev voit également le succès de ses grandes marques faiblir alors que le géant de la bière doit assumer une dette de plus de 100 milliards de dollars héritée du rachat de SAB Miller. Les sociétés à succès, comme le spécialiste des tonics britannique FeverTree ou le fabricant belge de spéculoos Lotus Bakeries, affichent par contre des multiples de valorisation et des rendements de dividende peu attractifs dans une perspective d’investissement défensif.
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