Pourquoi le pétrole poursuit son envolée

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Le cours du baril du pétrole Brent dépasse désormais les 83 dollars, au plus haut depuis 4 ans. En réinstaurant les sanctions vis-à-vis de l’Iran, Donald Trump a offert à l’Arabie Saoudite et à la Russie tous les leviers nécessaires pour faire grimper les prix jusqu’à 100 dollars…

Pas plus tard que cet été, l’agence Reuters constatait que des tankers pétroliers étaient à l’arrêt en mer faute de destination pour aller décharger leur cargaison. Depuis, le baril de Brent, déterminant pour le prix des produits pétroliers en Europe, n’a pourtant cessé de progresser. Il s’affiche désormais à 83 dollars le baril, au plus haut depuis 4 ans quand l’apport de pétrole de schiste américain avait bouleversé le marché mondial.

L’Iran, une perte de pétrole limitée ?

La principale explication réside dans les sanctions américaines vis-à-vis de l’Iran, ce qui a échauffé la prime géopolitique du pétrole. La menace est double. L’Iran exportait plus de 2,5 millions de barils de pétrole par jour (mb/j). Les autorités iraniennes ont aussi menacé de bloquer le détroit d’Ormuz par où transitent 18 mb/j, soit 20% de la consommation mondiale. Les pipelines existants permettant de contourner le Détroit d’Ormuz n’ont qu’une capacité de 6,6 mb/j. Le détroit est donc crucial et sa fermeture provoquerait inévitablement une pénurie de pétrole.

Les spécialistes soulignent toutefois que l’Iran a peu d’intérêt à réellement bloquer le détroit d’Ormuz. L’Iran s’exposerait en effet à une riposte militaire rapide des États-Unis dont la puissance de feu déjà sur place (Bahreïn) est largement supérieure à la sienne. De plus, les premières victimes seraient ses voisins et partenaires (plus ou moins proches) au sein de l’OPEP. Enfin, l’Iran est aussi dépendant du détroit d’Ormuz pour ses importations diverses et ses exportations de pétrole. Le pays ne devrait en effet pas les arrêter complétement à la suite des sanctions américaines. Mais les spécialistes peinent à les chiffrer : les estimations vont de 0,5 à 2 mb/j exportés après le 4 novembre, en fonction notamment de la Chine.

L’Arabie Saoudite et la Russie sans concurrents

Même si la perte de pétrole iranien pourrait donc s’avérer contenue, les cours ne cessent de grimper. Les investisseurs ont attisés cette hausse, les hedge funds ayant fortement augmenté leurs positions à la hausse sur le Brent qui affiche désormais une prime de 10 dollars par baril par rapport au WTI américain. Fondamentalement, elle traduit la reprise en mains du marché pétrolier par l’Arabie Saoudite et la Russie, alliés de circonstance. Les deux principaux exportateurs de pétrole ont pu annoncer en juin une hausse de 1mb/j de la production simplement pour compenser la perte d’autres pays de l’OPEP. Le manque d’équipement et de main d’oeuvre a fait chuter la production du Venezuela de plus de moitié alors que les conflits plombent la production libyenne. Enfin, les parts de marché de l’Arabie Saoudite et de la Russie ne sont actuellement plus menacées par le pétrole de schiste. La production de brut américaine stagne depuis plusieurs mois autour de 11mb/j et le nombre de forages pétroliers n’augmente plus. La principale explication est le manque d’infrastructures et tout particulièrement la pénurie de pipeline pour le bassin permien au Texas, zone pétrolière la plus dynamique aux États-Unis où la production a doublé en 3 ans à 3,4 mb/j.

2019, année charnière

Les exploitants de pipeline américains ont toutefois lancé un vaste programme de construction pour acheminer le pétrole du bassin permien jusqu’aux raffineries sur les côtes. Plains All American prévoit ainsi de finaliser ce mois un pipeline d’une capacité de 0,5 mb/j. L’impact des nouveaux projets deviendra beaucoup plus sensible à partir de l’automne 2019 avec la perspective d’une hausse de la capacité de transport de 3 mb/j d’ici fin 2020. La fin des problèmes de transport pourrait rapidement relancer l’exploration alors que les producteurs du bassin permien doivent actuellement concéder une décote de transport de 18 dollars par baril par rapport WTI américain. À terme, le pétrole de schiste devrait donc à nouveau refroidir les prix du brut. Cela explique que sur le marché pétrolier, un baril de Brent livrable en décembre 2018 se vend 83 dollars alors que le même baril livrable en décembre 2020 ne s’échange qu’à 73 dollars. Dans l’intervalle, la Russie et l’Arabie Saoudite, dont la stratégie de défense des parts de marché en 2014 a échoué, pourraient toutefois continuer à user de leur position de force. Selon Stephen Innes du broker Oanda, les marchés ont déjà les 100 dollars dans le viseur pour le baril de Brent…

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