La réforme des pensions fera perdre des centaines d’euros aux jeunes enseignants. Le cabinet Jambon argumente : même amputées, leurs pensions resteront bien supérieures à la moyenne du privé… à condition de travailler plus longtemps.
200 à 300 euros nets de perte mensuelle pour le personnel enseignant : c’est le montant avancé par les syndicats pour dénoncer la réforme des pensions. Une estimation jugée “trompeuse” par le cabinet du ministre Jan Jambon (N-VA), qui a publié ses propres calculs que Trends-Tendances a pu consulter. Les montants du ministre des pensions dépassent en réalité largement les prévisions syndicales pour certaines catégories.
Jusqu’à 750 euros de perte
Selon la note du cabinet Jambon, les enseignants masters nés entre 1980 et 1990 pourraient perdre entre 440 et 750 euros nets par mois en cas de départ anticipé à 63 ans. Pour les bacheliers de la même génération : entre 290 et 520 euros. À l’âge légal (67 ans), les pertes seraient moindres : 240 à 480 euros pour les masters, 180 à 350 euros pour les bacheliers. Pour un enseignant né en 1965, la perte sera quasi nulle (20 à 60 euros). Pour ceux nés en 1970 : 20 à 145 euros.

Des réformes progressives
La différence de montants entre les syndicats et le cabinet de Jambon tient en trois facteurs : l’année de naissance, le niveau de diplôme, et l’âge de départ à la retraite. Les syndicats raisonnent en moyenne sur toutes les générations confondues. Leur chiffre de 200-300 euros reflète l’impact moyen sur la population actuelle, où dominent les générations proches de la retraite, peu touchées. Le cabinet Jambon détaille par génération et diplôme, en mettant en lumière les cas les plus extrêmes. Les syndicats de l’enseignement ne tiennent pas non plus compte de l’introduction progressive des réformes, explique le cabinet Jambon.
Le calcul aligné sur le privé
La réforme du gouvernement De Wever aligne le mode de calcul des pensions du secteur public sur celui du privé. Actuellement, la pension des enseignants se calcule sur les dix dernières années de carrière, généralement les mieux rémunérées. Cette période de référence sera étendue progressivement à 45 ans, à raison d’une année supplémentaire par an. L’impact total ne se fera sentir que dans 35 ans.
Résultat : une perte de 0 à 1% pour les enseignants nés en 1965, de 1,5 à 4% pour ceux de 1970, mais de 6 à 12% pour ceux de 1980 et de 12 à 21% pour ceux nés à partir de 1990.

Des pensions largement supérieures au privé
L’argument massue du gouvernement est de rappeler que même après réforme, les pensions des enseignants resteront nettement supérieures à celles du secteur privé. Pour les générations 1965 et 1970, elles oscilleront entre 2.800 et 3.600 euros nets par mois. Pour les plus jeunes (nés en 1980-1990), entre 2.350 et 3.400 euros nets selon le diplôme et l’âge de départ.
À titre de comparaison, la pension nette moyenne dans le secteur privé s’établit à 1.523 euros par mois en 2024 (1.707 euros bruts, chiffres Pensionstat). Même en tenant compte de la pension complémentaire des travailleurs du privé – environ 29 euros par mois de médiane pour la tranche d’âge 55-65 ans –, la pension totale des enseignants reste largement au-dessus.
Cette différence s’explique par le mode de calcul : après réforme, la pension légale des fonctionnaires sera toujours calculée sur 75% de leur rémunération non plafonnée, contre 60% du salaire plafonné dans le privé.
Parier sur les changements de comportement
Le gouvernement mise sur un effet comportemental : en rendant la retraite anticipée moins attractive financièrement, il espère pousser les enseignants à travailler plus longtemps. “Les syndicats ne tiennent pas compte des effets comportementaux visés et attendus”, insiste le cabinet dans sa note. “Des exemples étrangers ont montré que les personnes travaillent plus longtemps lorsqu’un mécanisme bonus-malus est introduit. Les individus adaptent leur comportement afin de constituer une pension plus élevée.”
Une perte “réduite de moitié”
La perte serait ainsi “réduite de moitié” pour ceux qui travailleraient jusqu’à l’âge légal plutôt que de partir à 63 ans. Un enseignant master né en 1990 perdrait donc 750 euros en partant à 63 ans, mais “seulement” 480 euros à l’âge légal, soit une réduction de 36% de la perte.

L’argument syndical : une pension compensatoire
Cet argument occulte cependant un élément essentiel, rétorque Nancy Libert, secrétaire générale de l’ACOD (pendant flamand de la CGSP), dans le média flamand HLN. La pension plus élevée des enseignants compense l’absence d’avantages du secteur privé tout au long de leur carrière : pas de chèques-repas, pas de voiture de société, pas d’assurance groupe pour se constituer une pension complémentaire, et une prime de fin d’année plafonnée bien en deçà du treizième mois complet des salariés.