La pension libre complémentaire pour travailleurs salariés, la nouvelle épargne-pension?
Tous les travailleurs du secteur privé ont désormais la possibilité de renoncer à une partie de leur salaire pour se constituer une pension complémentaire. Les pessimistes s’interrogent sur son opportunité. Les optimistes y voient une nouvelle forme d’épargne-pension.
Depuis le 27 mars, chaque travailleur a droit à une pension complémentaire. Jusqu’à présent, l’initiative de constituer une pension complémentaire dans le cadre de son travail venait toujours de l’employeur. La pension libre complémentaire pour travailleurs salariés (PLCS) change la donne. Tous les travailleurs ne bénéficiant pas pour l’instant d’une pension complémentaire, complète ou restreinte constituée par le biais de leur employeur peuvent maintenant décider sur base totalement volontaire de troquer une partie de leur salaire contre la promesse d’une pension complémentaire ultérieure.
L’employé doit conclure un contrat-cadre auprès d’un assureur ou d’un organisme de pension pour la constitution d’une pension complémentaire. Il doit ensuite demander à son employeur de reverser une partie de son salaire net à l’organisme désigné dans le cadre du contrat PLCS. Il doit pour ce faire présenter une attestation spécifique. La prime PLCS est limitée à 3% du salaire de référence. Si ces 3 % donnent un résulat inférieur à 1,600 euros, alors ce dernier montant devient la prime maximale possible.
Le salaire de référence équivaut à la rémunération brute soumise aux cotisations de sécurité sociale. Il ne s’agit pas du salaire de l’année précédente mais du salaire de la deuxième année précédant l’année de constitution de la pension complémentaire. Les travailleurs qui constituent déjà des droits de pension complémentaire par le biais de leur employeur doivent déduire les cotisations du maximum autorisé par le contrat PLCS. Les travailleurs qui épargnent déjà 3% de leur salaire par le biais de leur employeur dans le cadre de la pension complémentaire, ou plus de 1.600 euros, sont exclus du système de la PLCS.
Selon Assuralia, la fédération sectorielle des assureurs, le taux de cotisation moyen pour le financement de la pension complémentaire s’élève à environ 3% de la masse salariale. ” Toujours aussi insuffisant pour maintenir son train de vie ou financer une maison de repos convenable. Il faudrait atteindre les 7% de masse salariale “, précise le mémorandum politique d’Assuralia. Selon la fédération, la pension complémentaire pour travailleurs salariés ne va pas assez loin. ” Les travailleurs doivent avoir d’autres possibilités d’augmenter les cotisations “, estime-t-elle.
Assuralia et PensioPlus, l’association belge des institutions de pension, sont-ils prêts à proposer un contrat PLCS aux travailleurs ? ” Selon un sondage auprès de nos membres, certains assureurs proposeront des produits dans le cadre de la pension libre complémentaire au cours de cette année “, réagit le porte-parole d’Assuralia Wauthier Robyns. La réponse de PensioPlus se fait attendre.
Une bonne idée ?
Axa Belgium sera le premier organisme belge à proposer une assurance PLCS. La commercialisation du produit est prévue pour mai. Karel Coudré d’Axa Belgium espère que la pension libre complémentaire pour travailleurs salariés aura autant de succès que son équivalent pour indépendants (PLCI). ” Un indépendant sur deux a conclu un contrat PLCI avec un assureur dont les primes sont entièrement déductibles de l’impôt sur le revenu. ” A en croire Karel Coudré, ce nouveau véhicule de pension pour travailleurs salariés devrait remporter le même succès.
Jan de Wit, partenaire de l’assureur indépendant Life Plan, s’interroge quant à lui sur l’engouement que devrait susciter la PLCS. ” Je n’ai pas encore reçu de demandes, déclare-t-il. L’intention est bonne mais le produit est tellement complexe pour le client. Le travailleur doit consulter mypension.be pour vérifier s’il n’a pas constitué une pension complémentaire excessive au cours des deux années précédentes, etc. Les fonctionnaires contractuels et les travailleurs dont le salaire est peu élevé ne constituent jusqu’à présent pas encore de pension complémentaire. Les premiers touchent souvent une pension plus conséquente que les seconds. Verront-ils l’utilité de se constituer une pension complémentaire ? Quant aux seconds, je me demande s’ils auront encore les moyens de financer une pension complémentaire après avoir épuisé les possibilités existantes de l’épargne-pension. ”
L’épargne-pension plus populaire
Selon la Pension Survey réalisée par AON en 2018, quelque 30% des salariés belges n’ont pas accès au deuxième pilier de la pension. ” Environ 20% des entreprises prévoyant un plan pension complémentaire proposent une cotisation inférieure à 3% du salaire pour les employés et 60% une cotisation inférieure à 3% pour les ouvriers “, précise Colette de Dessus les Moustier, account director chez AON. Il existe donc un marché pour la PLCS mais l’épargne-pension et l’épargne à long terme sont fiscalement plus intéressantes. ” Karel Coudré indique par ailleurs que pour de nombreuses personnes, le panier fiscal de l’épargne-pension à long terme est déjà bien rempli par les remboursements de prêts.
D’après les estimations de Karel Coudré, 1,8 million de salariés ne constitue pas de pension complémentaire (restreinte). ” Quarante pour cent des PME ne prévoient pas de plan de pension. De très nombreux fonctionnaires contractuels ne constituent pas de pension complémentaire. Chez les ouvriers également, la pension complémentaire n’est pas encore vraiment passée dans les moeurs. ”
” La pension complémentaire stagne en quelque sorte, dit-il. Pour deux raisons. Primo, le budget disponible pour les versements supplémentaires est limité du fait de la modération salariale. Secundo, la garantie de rendement minimal légal, à charge des employeurs, comporte des risques vu les intérêts peu élevés. ” Les employés qui se constituent une pension complémentaire par le biais de leur employeur bénéficient de la garantie que chaque versement produira un rendement annuel de 1,75% en moyenne. Or, toutes les assurances groupe ne produisent pas un tel rendement garanti. La différence doit alors être suppléée par les employeurs.
Dans le cadre de la pension libre complémentaire pour travailleurs salariés, le rôle de l’employeur se limite à retenir et à reverser une partie de la rémunération à l’assureur ou l’organisme de pension désigné. Il ne doit pas garantir de rendement ni supporter de quelconque responsabilité. D’après les partenaires, la PLCS devrait donner un nouvel élan à la pension complémentaire.
” Si les travailleurs optent pour différents assureurs, la PLCS peut devenir un véritable imbroglio administratif pour une petite entreprise. Il est parfois plus simple pour l’entreprise de conclure une assurance groupe à hauteur de 3% du salaire pour l’ensemble du personnel “, conseille Jan de Wit. ” Cette évolution incitera certains employeurs à revoir le niveau des cotisations de leurs plans pension de manière à atteindre le plafond de 3% “, anticipe Colette de Dessus les Moustier.
Plus ou moins de risques
Dans le cas de l’assurance groupe, le risque tient à la stratégie d’investissement de l’entreprise. En ce qui concerne la pension libre complémentaire pour travailleurs salariés, le risque est entièrement supporté par l’intéressé. Le salarié peut décider soit de prendre certains risques en contractant une assurance vie de la branche 23 auprès d’un fonds de pension, soit d’opter pour la sécurité avec une assurance-vie de la branche 21. Dans ce second cas, le rendement dépend des placements sous-jacents, comme pour un fonds de pension. Dans le cas de l’assurance-vie de la branche 21, l’assureur garantit un certain rendement sur les versements pour un an, huit ans ou toute la durée.
” Nous proposerons un mix des branches 21 et 23 pour permettre aux clients d’intervenir sur le cycle de vie, précise Karel Coudré. Le risque de placement diminuera automatiquement au fur et à mesure que le travailleur approche de l’âge de la pension. Il n’est pas question de fixer le faible rendement actuel pour toute la durée, contrairement à ce qui se fait pour les assurances groupe classiques. Les versements effectués aujourd’hui rapportent 0,75% à l’échéance, soit moins que le rendement annuel moyen. Nous garantissons un intérêt de 1% pour un an et essayons de faire profiter le client au maximum de la hausse de l’intérêt. ”
Pour être tout à fait exhaustif, rappelons en quoi consistent les différents piliers de la pension.
-La pension légale constitue le premier pilier de pension.
-Le deuxième pilier est l’épargne collective par le biais de l’employeur. Celui-ci peut, pour organiser la pension complémentaire, faire appel à un assureur en concluant une assurance-groupe pour ses employés ou à un organisme de pension qui prend en charge le plan de pension au niveau de l’entreprise ou du secteur.
-Le troisième pilier de la pension est l’épargne individuelle. Chacun de nous est libre de cotiser à un fonds d’épargne-pension ou à une assurance d’épargne-pension. Sans crédit logement, il existe aussi la possibilité d’épargner à long terme dans le cadre d’une assurance assortie du même avantage fiscal que l’épargne-pension.
30% des salariés
belges n’ont pas accès au deuxième pilier de la pension.
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