Bonus pension Chambre: des indemnités de 8 mois de salaire pour certains fonctionnaires
Alors que certains hauts fonctionnaires de la Chambre ainsi que d’anciens présidents bénéficiaient d’indemnités complémentaires de pension, certains fonctionnaires statutaires de l’assemblée ont aussi reçu des indemnités conséquentes, ressort-il de documents consultés par Het Laatste Nieuws.
Au regard des documents consultés, il est question d’une indemnité de fin de carrière. Tous les fonctionnaires statutaires qui quittaient la Chambre ou atteignaient l’âge de la pension anticipée, pouvaient bénéficier d’un bonus équivalent à quatre mois du dernier salaire brut. Ceux qui continuaient à travailler jusqu’à l’âge légal de la pension recevaient une indemnité équivalente à huit mois de salaire brut. Ce régime existe depuis 1998, mais a été suspendu temporairement depuis 2022.
Pas de base juridique ?
Dans une note du 30 janvier 2023 adressée au bureau de la Chambre, le service comptable a remis en question la base juridique de ces règles. L’approbation de ces indemnités n’était pas présentée pour information au comité de gestion ou au bureau de la Chambre.
Les membres du parlement n’avaient dont aucune idée de qui bénéficiait de quelles indemnités: les fonctionnaires concernés s’arrangeaient entre eux. Le nombre de personnes qui ont bénéficié de ces indemnités de fin de carrière au cours des 24 dernières années n’est pas établi. Mais selon le quotidien flamand, au moins une centaine d’anciens fonctionnaires seraient concernés. Actuellement, 642 fonctionnaires statutaires sont employés à la Chambre.
La Chambre veut récupérer les montants pour les hauts fonctionnaires
Ce mercredi le Bureau de la Chambre a par ailleurs confirméla suspension du paiement des indemnités complémentaires de pension que touchaient certains hauts fonctionnaires de l’assemblée ainsi que d’anciens présidents.
Selon la présidente Eliane Tillieux (PS), de telles indemnités ne seront plus payées à l’avenir. L’organe en charge de la gestion du parlement souhaite également récupérer les montants qui auraient été payés au-delà du plafond légal. Les informations nécessaires seront transmises aux services compétents, soit le Service fédéral des Pensions et la Caisse de pension des députés.
“La Chambre les informe dès lors sans délai de l’ensemble des éléments du dossier pour leur permettre de déterminer le niveau de l’indu et obtenir les restitutions nécessaires s’il y a dépassement du plafond de pensions pour procéder dans le respect de la réglementation. Les autres possibilités de récupération d’indu éventuelles sont à l’examen”.
Deux avis juridiques qui confirment l’illégalité du dépassement du plafond “Wijninckx”
Deux avis juridiques confirment l’illégalité de ces de ces indemnités et du dépassement du plafond “Wijninckx”. Un plafond applicable aux pensions publiques (soit 93.760 euros par an).
Si la question semblait claire pour les anciens hauts fonctionnaires. Elle l’était moins pour les anciens présidents qui sont des élus et non des agents de l’État.
Selon le bureau d’avocats Renson, “aucune décision ne peut donc autoriser, de quelque manière que ce soit, de dépassement des plafonds légaux en matière de pension dans le secteur public”. Un avis partagé par le bureau Younity, également consulté. “Nous sommes d’avis que l’indemnité de départ spécifique octroyée aux anciens présidents est un avantage tenant lieu de pension visé par la loi Wijninckx. Par conséquent, cette indemnité doit être prise en compte dans le cadre du respect des plafonds de la loi Wijninckx”.
Pas une surprise
Cette analyse n’a rien de surprenant. En 1981, un groupe de travail mis en place après l’entrée en vigueur de la loi avait clairement considéré que ces indemnités étaient soumises à la loi. Et le fait que la rente initiale ait été transformée en indemnité en 1998 ne change rien à l’affaire. La question se pose aussi de la compétence de l’organe qui a décidé de cette indemnité et de son montant, en l’occurrence le Collège des questeurs. Or, celui-ci n’était pas compétent. Outre qu’elle est illégale, la décision serait irrégulière. Le Bureau fait sienne les conclusions des deux bureaux d’avocats.
“Les avis juridiques reçus quant aux anciens présidents de la Chambre convergent dans leurs conclusions. Les organes qui ont adopté les décisions d’octroi d’indemnités de départ n’étaient pas compétents pour le faire, de sorte que ces décisions sont irrégulières. Sur le fond, les indemnités de départ versées doivent être considérées comme faisant partie du revenu global de pension des intéressés et donc être soumises aux plafonds applicables en matière de pension”, souligne le communiqué. “Les analyses rejoignent les conclusions déjà émises quant aux indemnités de sortie accordées aux fonctionnaires généraux, même si les régimes diffèrent sur de nombreux aspects”.
Un audit à la Cour des comptes
Un audit sera par ailleurs demandé à la Cour des comptes “pour déterminer dans quelle mesure une mission d’analyse des procédures et processus internes des services et des organes de gestion de la chambre peut être menée”. De lourdes interrogations pèsent sur ce système mis en place en 1998 dans le but, apparemment, de contourner la loi Wijninckx et qui, pour les hauts fonctionnaires, n’apparaissait même pas dans les budgets. Un suivi judiciaire du dossier n’est pas exclu. Une concertation aura lieu à ce sujet avec les conseils juridiques de l’assemblée.
Les noms de deux anciens présidents, bénéficiaires actuels du système ont été cités: Siegfried Bracke (N-VA) et Herman De Croo (Open Vld). Un tableau reprend également les initiales de présidents durant les années 1990 -Jean Defraigne (aujourd’hui décédé), Charles-Ferdinand Nothomb et Raymond Langendries- qui auraient touché ces indemnités dans le passé. Dans l’opposition, le PTB a déposé une proposition de création de commission d’enquête pour faire la lumière dans ce dossier. Il a sollicité l’urgence jeudi passé mais il n’a pas été suivi par un nombre suffisant de députés.