Netflix, la bonne étoile de la fintech!
Bloomberg a consacré Netflix “action américaine de la décennie” avec une progression de 4.100 % entre 2010 et 2019. Une performance qui illustre le succès du payant sur Internet et profite très largement à la fintech.
L’envolée boursière de Netflix ces 10 dernières années a également été marquée par plusieurs lourdes chutes. A commencer par sa dégringolade de près de 80 % en 2011 à la suite de la débâcle Qwikster. La société avait annoncé la séparation de ses activités historiques de location de DVD par la poste, sous le nom Qwikster, et de sa plateforme de streaming en ligne. Les clients qui voulaient conserver les deux devaient payer les deux au prix plein. Dans les mois qui suivirent, Netflix perdit 800.000 abonnés aux Etats-Unis, où il comptait 90 % de ses clients. Pour apaiser la situation, le groupe a fini par renoncer au changement de nom, mais pas à la séparation de ses deux activités, arguant qu’elles ne sont pas complémentaires. Par la suite, il a clairement mis l’accent sur le streaming.
La stratégie inquiète, mais porte ses fruits
Les clients n’étaient pas les seuls mécontents. Des actionnaires de Netflix ont même déposé plainte contre le groupe et son CEO, Reed Hastings, début 2012. Ils doutaient aussi de la stratégie du groupe qui devait affronter des géants comme Amazon ou Apple.
Le modèle d’un abonnement payant suscitait également des interrogations. Amazon offrait par exemple gratuitement le service de streaming à ses abonnés Prime. Les grands télédiffuseurs américains avaient lancé Hulu, un service de streaming gratuit avec publicités. Sans compter évidemment la plateforme vidéo YouTube gratuite de Google.
En 2015-2016 et 2018, l’action Netflix connaît deux nouveaux plongeons de 40 %, à chaque fois sur fond de craintes d’un ralentissement de son développement et de hausse des coûts liés aux contenus propres. La stratégie de Netflix s’avère finalement payante. A l’heure actuelle, son service de location postale ne compte plus que 2,7 millions d’abonnés aux Etats-Unis, essentiellement des cinéphiles intéressés par le vaste catalogue de films. Netflix s’est surtout imposé dans le monde entier grâce à sa plateforme de streaming qui compte plus de 150 millions d’abonnés, et ses séries originales.
Hulu a fini par renoncer à son offre de streaming gratuite, l’abonnement avec publicités étant devenu payant (à moitié prix par rapport à l’abonnement premium). Et même Alphabet/Google a lancé des chaînes payantes sur YouTube.
De l’ère du gratuit à l’Internet payant
Il y a 10 ans, nombreux étaient ceux à nous annoncer que le gratuit était l’avenir de l’économie à l’image du livre Free ! Entrez dans l’économie du gratuit de Chris Anderson. Pour les spécialistes de Deloitte, le gratuit allait dépasser les frontières d’Internet.
Force est de constater que l’on assiste plutôt au phénomène inverse. Outre Netflix et les autres plateformes de streaming vidéo, le streaming musical payant a aussi la cote, près de la moitié des abonnés de Spotify ayant désormais souscrit à l’offre payante. La plupart des journaux ont désormais développé un site (en partie) payant. Financièrement, Amazon doit surtout son succès à son abonnement Prime qui a été élargi et inclut dorénavant l’accès à certaines promotions. Avec Contributor, Google offre désormais la possibilité de surfer sans pub et moyennant le paiement d’un prix par page déterminé par le créateur du site.
De plus en plus de sites entièrement gratuits, tels Wikipedia ou The Guardian, sollicitent les dons des internautes. Le gratuit est de plus en plus souvent du freemium où l’offre gratuite est destinée à orienter (avec plus ou moins d’insistance) l’internaute vers l’offre payante. Plusieurs explications peuvent être avancées. Il y a évidemment une dimension vie privée, sachant que les fournisseurs de services gratuits se rémunèrent traditionnellement en utilisant les données du consommateur pour leur adresser des publicités ciblées. Par ailleurs, le marché de la publicité en ligne est cadenassé, dominé par les grands acteurs disposant de suffisamment de données. Aux Etats-Unis, Facebook, Google et Amazon représentent 68 % du marché de la publicité en ligne, ne laissant que des miettes à leurs concurrents. Même des sites comme Twitter ou Snapchat peinent à tirer leur épingle du jeu.
Ralentissement de la pub en ligne
Pour l’investisseur, cette évolution d’Internet change la donne. Les sociétés misant sur le gratuit et la publicité ne se portent pas réellement bien en Bourse. Seul Facebook est parvenu à s’illustrer ces dernières années, profitant de ses revenus publicitaires par utilisateur bien supérieurs à ses concurrents. Ceux qui ont investi dans Twitter, Snap, Yelp ou Pinterest affichent par contre une perte.
Il y a peu de raisons de croire à un renversement de cette situation. Tout d’abord en raison de l’évolution du marché de la publicité en ligne. La dynamique de croissance s’essouffle alors que la pub en ligne représente désormais près de la moitié du marché publicitaire mondial. Selon Zenith Media, la croissance du marché de la pub en ligne est ainsi passée de 17 % en 2018 à 12 % au premier semestre 2019 et devrait encore ralentir à 9 % en 2021. Pour continuer à croître rapidement, Alphabet mise ainsi de plus en plus sur de nouvelles sources de revenus. Pour de nouveaux acteurs, ce ralentissement de la croissance s’ajoute à la structure du marché.
La fintech rafle la mise
Evidemment, il ne suffit pas d’offrir un service payant pour réussir sur le Net. L’internaute en veut pour son argent. Les plateformes B to C (entreprises à consommateurs) et comparateurs ont trouvé la parade en faisant payer le professionnel. Cela suppose évidemment de disposer d’une importante audience justifiant le paiement par le professionnel.
Pour les autres sites, l’évolution des technologies de paiement constitue clairement une aubaine. Réaliser des transactions de quelques euros est désormais faisable à un coût raisonnable et de façon sécurisée.
Cette multiplication des transactions a dopé la fintech, le secteur de la technologie financière. D’autant plus que les spécialistes des paiements en ligne font aussi concurrence aux moyens de paiement classiques via le paiement mobile. Elle bénéficie aussi du développement de l’économie collaborative (Uber, etc.).
Les investisseurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et ont largement plébiscité la fintech ces dernières années. Sur les quatre dernières années, l’indice Index Global FinTech Thematic affiche une progression de plus de 130 %.
Après une multiplication par plus de 40 de son cours en l’espace d’une décennie, Netflix est évidemment assez cher. Selon le consensus Reuters, le titre cote pile 100 fois le bénéfice prévu pour cette année. Par ailleurs, la concurrence se renforce avec notamment l’offre de streaming de Disney qui a attiré 10 millions d’abonnés à son lancement en novembre. Netflix a toutefois toujours excellé pour s’imposer face à la concurrence, dès 2005 quand Walmart lançait un service concurrent de location de DVD par la poste. Il est ensuite parvenu à surclasser toutes les autres offres de streaming vidéo grâce à ses contenus originaux.
Le groupe a analysé ce qui attire les téléspectateurs et a surtout mis les moyens nécessaires. Depuis 2015, son budget pour les contenus a augmenté en moyenne de 34 % par an et a atteint 15 milliards de dollars en 2019. A titre de comparaison, ses cinq principaux concurrents (Amazon Prime Video, Apple+, HBO Max, Hulu et Disney+) ont dépensé ensemble 21 milliards de dollars pour leurs contenus, selon les estimations. Tout porte à croire que Netflix va désormais ralentir la cadence. Ses dépenses en contenu sont ainsi attendues en hausse de ” seulement ” 20 % à 18 milliards de dollars. Au niveau des recettes, Netflix continue d’augmenter sa base d’abonnés, surtout à l’international, et excelle dans la hausse du prix de son abonnement. Il a retenu les leçons du couac de 2011 et attend des conditions propices (lancement d’une nouvelle saison d’une série attendue…) pour relever progressivement ses prix. La croissance de son chiffre d’affaires (+ 27 % sur les neuf premiers mois de 2019) devrait ainsi surpasser durablement l’évolution des dépenses en contenu, une condition sine qua non pour stimuler la rentabilité du groupe. Selon le consensus, son bénéfice devrait ainsi atteindre 8,05 dollars par action en 2021, plus du triple de 2018. Cela explique que 27 analystes sur les 43 qui suivent le titre sont actuellement toujours à l’achat sur le titre. Eu égard à la forte volatilité du titre, il semble toutefois préférable de se positionner sur un repli.
La fintech a connu une nette accélération de sa croissance ces dernières années à l’image du grou- pe néerlandais, Adyen, une des perles du secteur. En 2014, la société néerlandaise avait traité 25 milliards de dollars de paiements en ligne. En 2018, le volume traité avait quasiment septuplé à 159 milliards d’euros et sa croissance atteignait toujours 49 % au premier semestre. La valorisation est toutefois très tendue à 111 fois le bénéfice estimé de 2019 alors que la concurrence évolue très rapidement. Il est ainsi plus prudent de miser plus largement sur le secteur, via des ETF par exemple. Copiant l’indice Index Global FinTech Thematic, le fonds indiciel Global X FinTech ETF est le plus pointu, investissant dans de pures fintechs à travers le monde. Ces trois dernières années, il a affiché un rendement annualisé moyen de 28 % ! L’ETF Invesco KBW NASDAQ Fintech UCITS copie un indice américain. Géographiquement, il est donc plus concentré sur les Etats-Unis alors qu’au niveau de la sélection d’entreprises, il est plus souple. Mastercard ou Visa sont par exemple repris dans l’indice. Les deux premiers éditeurs mondiaux de cartes de crédit se développent en ligne et soutiennent de nombreuses start-up, mais ne sont pas de réelles fintechs de pointe.
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