Maltraitance financière et spoliation d’héritage : dix signes qui doivent inquiéter

Les personnes âgées sont souvent des cibles vulnérables pour les individus malintentionnés. On estime qu’une personne âgée sur 20 est victime de maltraitance, et parmi elles, près de 20% subissent des abus financiers.
La maltraitance financière désigne l’exploitation ou l’utilisation illégale des ressources d’une personne âgée. Cela inclut des pratiques telles que la spoliation de biens ou de logement, la signature forcée, la procuration abusive, l’héritage anticipé, la privation de ressources, l’acquisition de biens par chantage, le vol de bijoux ou d’argent, le détournement de fonds ou encore l’utilisation abusive des cartes bancaires ou des procurations. Ces abus sont souvent perpétrés par des proches, parfois même des membres de la famille, et restent largement sous-estimés en raison de la réticence des victimes, souvent isolées ou dépendantes, à dénoncer leurs agresseurs. Des lignes d’aide existent. Ici pour la Wallonie et là pour Bruxelles.
La spoliation d’héritage
Une autre forme de maltraitance financière est la spoliation d’héritage. Elle est particulièrement pernicieuse car elle prive non seulement la personne âgée de ses biens, mais également les autres héritiers. La spoliation peut prendre diverses formes :
- Faux testaments : modification frauduleuse des dernières volontés du défunt.
- Abus de procuration : utilisation indue d’une procuration pour détourner des fonds.
- Falsification de documents : altération de chèques ou autres documents financiers.
- Abus de faiblesse : pression exercée sur une personne vulnérable pour obtenir des avantages financiers.
Pas toujours simple à déterminer
Rappelons qu’une personne est libre de disposer de son patrimoine comme elle l’entend de son vivant. Toutefois, en Belgique, des règles réservataires protègent certains héritiers, leur garantissant une part minimale des biens (lire plus bas). Mais cela suppose qu’il y ait des biens à hériter. Il n’est pas rare qu’une personne dilapide ou donne tout son patrimoine de son vivant.
Cela peut rendre difficile la détection d’une spoliation, notamment pour les donations de biens mobiliers qui sont souvent invisibles. Certaines démarches, comme la consultation des registres immobiliers ou des extraits de compte, peuvent aider à retracer le patrimoine du défunt, mais elles entraînent souvent des frais importants. Les héritiers de petites successions (10 000 à 50 000 euros) risquent de voir les frais dépasser les biens récupérables.
Que faire en cas de spoliation ?
Dans la majorité des cas, le partage des biens d’un défunt se fait à l’amiable, parfois même avant la déclaration de succession. Cependant, lorsque l’un des héritiers tente de se servir avant les autres sans prévenir, la situation peut devenir complexe, en particulier dans des familles potentiellement conflictuelles. Dans ce cas, il est conseillé de demander des mesures conservatoires dès le décès, telles qu’un inventaire des biens par le notaire et un serment des héritiers concernant les biens déclarés. Si un héritier manque à son serment, il risque de perdre ses droits sur la succession. Une autre mesure conservatoire consiste à mettre sous scellés les biens du défunt pour les protéger contre toute tentative de vol.
Un héritier qui estime avoir été lésé peut revendiquer sa part et faire valoir ses droits jusqu’à 30 ans après le décès. Si des éléments ignorés refont surface, une nouvelle répartition peut être demandée. En cas de désaccord entre héritiers, le tribunal peut être saisi, et un notaire sera désigné pour effectuer l’inventaire et la liquidation de la succession. Si des biens ont été dissimulés, une action en recel successoral peut être engagée.
En Belgique, le recel successoral est régulé par les articles 792 et 801 du Code civil, et il est poursuivable au pénal. Cette procédure judiciaire nécessite cependant souvent l’assistance d’un avocat spécialisé.
La réduction : un outil de protection des héritiers réservataires
Le mécanisme de la réduction est conçu pour garantir l’équité parmi les héritiers et éviter qu’un héritier ne profite indûment de la générosité ou de la faiblesse du défunt. La réduction permet de protéger les héritiers réservataires lorsque leur part dans la succession est compromise. Selon la loi, certains héritiers doivent recevoir une part minimale des biens du défunt, appelée “réserve”. Le défunt, bien qu’il puisse disposer librement de certains biens, ne peut pas déroger à cette réserve, sous peine de léser ses héritiers réservataires. Si le défunt a fait des donations ou des legs léguant tout ou une partie substantielle de ses biens à une autre personne avant son décès, les héritiers réservataires peuvent revendiquer leur part légitime grâce à la réduction. Ce mécanisme consiste à “réduire” les donations ou legs excédant la part réservée à ces héritiers.
Par exemple, si un défunt laisse deux enfants, chacun d’eux bénéficie d’une réserve égale à la moitié de la succession. S’il y a plusieurs enfants, la réserve se divise équitablement entre eux. Si un seul enfant est réservataire, il peut revendiquer jusqu’à la totalité de la réserve. Cependant, le défunt a la possibilité de léguer le reste de ses biens, la quotité disponible, à qui il veut.
Un père décède en laissant une succession d’une valeur de d’un millions d’euros. Ses deux enfants, Paul et Pierre, ont droit à une réserve de 250 000 € chacun (soit 1/4 de la succession). Cependant, le père avait légué la totalité de sa succession à Paul, ce qui porte atteinte à la part de Pierre. Dans ce cas, le legs de un millions d’euros à Paul sera réduit de 250 000 € pour que Pierre puisse recevoir sa part légitime. Paul ne recevra donc pas l’intégralité de la somme (1 million), mais seulement 750.000 euros, et Pierre recevra sa réserve de 250 000 €. Ce principe s’applique également dans le cas où le défunt a fait des donations de son vivant à un héritier. Si un enfant reçoit une somme importante avant le décès, l’autre héritier pourra demander la réduction de cette donation afin que la réserve soit respectée.
Il est important de noter que la demande de réduction n’est pas automatique. Seuls les héritiers réservataires peuvent engager une procédure de réduction. De plus, la demande de réduction doit être formulée dans un délai de cinq ans après le décès, ou bien dans un délai de cinq ans après la découverte de la donation ou du legs en question. Si cette procédure est engagée, les biens donnés ou légués seront réajustés pour respecter la réserve légale.
10 signes d’alerte d’une spoliation d’héritage
La vigilance et l’anticipation sont essentielles pour protéger vos proches contre ces abus.
Comptes bancaires vidés : retraits inhabituels ou virements inexpliqués vers des tiers.
Modifications soudaines de testament : en faveur d’une personne récemment proche.
Abus de procuration : procuration récente au profit d’un tiers sans raison évidente.
Disparition d’objets de valeur : bijoux, œuvres d’art ou documents importants qui disparaissent.
Isolement de la personne âgée : éloignement des proches et rupture du cercle familial.
Falsification de documents : chèques, signatures ou actes officiels altérés.
Avantages détournés : hébergement gratuit prolongé ou donations déguisées.
État mental fragilisé : signatures obtenues alors que la personne est en perte d’autonomie mentale.
Présence envahissante d’un tiers : une personne non familiale prenant un rôle central dans les décisions.
Violence ou intimidation : pression psychologique ou physique pour influencer des décisions.
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