L’immobilier coté peut-il se redresser ?
Toujours sous le coup des ondes de choc provoquées par le covid, le secteur immobilier voit son redressement sans cesse postposé. Face à une inflation persistante, les perspectives demeurent floues, mais des opportunités émergent.
Historiquement, les sociétés immobilières réglementées (SIR en Belgique, REIT à l’international) sont considérées comme des incontournables, tout particulièrement pour les investisseurs appliquant le principe de bon père de famille. La limitation légale du taux d’endettement, la distribution de généreux dividendes ou la limitation d’activités plus risquées (comme la promotion immobilière) en font un moyen sûr et efficace de miser sur l’immobilier. Malgré ces atouts, elles volent de déception en déception depuis le début de la pandémie en 2020.
Crise généralisée
Dans un premier temps, l’impact a été très différent selon les segments. Déjà en difficulté depuis plusieurs années, l’immobilier commercial a sombré face aux craintes de non-paiement de loyers et à l’accélération de l’e-commerce. Ce qui a encore accru la sous-performance des indices immobiliers européens qui étaient autrefois dominés par Unibail-Rodamco-Westfield, géant mondial des centres commerciaux, ou Klépierre notamment.
Les segments des bureaux (télétravail) ou des logements pour seniors (impact de la pandémie) ont aussi connu un passage à vide avant de rebondir. Au niveau mondial, l’indice MSCI World REITs a même établi un nouveau record fin 2021. Mais le secteur a ensuite été rattrapé par l’inflation
Les cours ont commencé à piquer du nez dès que les banquiers centraux ont cessé de considérer les tensions inflationnistes comme transitoires et ont commencé à relever les taux directeurs.
Ce qui s’explique par le triple effet des taux sur les actions immobilières :
– renchérissement du coût des crédits ;
– impact sur la valeur du portefeuille immobilier des REITs ;
– rendement de dividende moins intéressant par rapport aux obligations à long terme.
Opérationnel rassurant
Depuis, le secteur a connu une succession de faux départs à chaque espoir de revirement de la politique des banques centrales. Malgré des résultats opérationnels plutôt rassurants comme le soulignent les analystes de Degroof Petercam pour l’immobilier de la zone euro.
“Les loyers ont augmenté de 7,1 % en moyenne, dont 6,1 % grâce à l’indexation. Le taux d’occupation reste proche de 97 %. Les coûts de financement ont augmenté d’environ 50 points de base pour atteindre 2,4% en 2023, une hausse contenue grâce à des politiques de couverture. Les sociétés ont amélioré leur marge opérationnelle à un niveau plus élevé qu’avant la crise grâce à une adaptation aux tensions inflationnistes et à des stratégies de contrôle des coûts. En conséquence, le bénéfice par action a augmenté de 4,4 % en moyenne, tandis que le dividende a progressé de 1,7 %.”
A noter également que “la valeur des portefeuilles, sans doute l’un des sujets les plus débattus en 2023, n’a baissé que de 1,8 %” avec toutefois une certaine disparité. La baisse a en effet été de 9,5% dans le segment des bureaux, le plus touché.
Mais les perspectives sont au beau fixe. “Bien qu’un ajustement résiduel mineur puisse se produire au premier semestre de l’année 2024, nous ne prévoyons pas de baisse significative de la valeur du portefeuille à l’avenir.”
Influence de la Fed
Cela n’a toutefois pas suffi à relancer les actions immobilières en Bourse, témoignant que le principal impact de la hausse des taux est sans doute la comparaison avec le rendement des obligations. Cela explique également que les REITs européennes restent à la traîne malgré le fait que la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé qu’elle commencerait à baisser ses taux à partir du mois de juin.
Le rendement des obligations à long terme est en effet influencé par la politique monétaire locale, mais aussi par le contexte international. Or, les derniers chiffres d’inflation aux Etats-Unis ont de nouveau repoussé les perspectives de baisses de taux aux Etats-Unis. Le rendement du bon du Trésor américain à 10 ans a ainsi rebondi à 4,7%. Ce qui a entraîné les taux en Europe. Le rendement de l’OLO belge à 10 ans a ainsi atteint 3,2%.
Prime de risque
Outre une baisse des taux longs, les analystes de Degroof Petercam estiment également qu’une normalisation de la prime de risque pourrait redonner un peu d’élan aux actions immobilières. Cela pourrait accélérer le redressement quand les investisseurs seront rassurés par les perspectives économiques et financières.
Globalement, les analystes de Degroof Petercam se montrent ainsi plutôt confiants : “les perspectives pour le secteur immobilier en 2024 sont nettement meilleures qu’en 2023, avec des valorisations ajustées et des chiffres opérationnels solides”.
Mais ils soulignent que “de grandes incertitudes subsistent quant au calendrier et à l’ampleur” alors que “la plupart des directions ont reconnu lors de la présentation de leurs résultats qu’elles resteront dans l’expectative jusqu’à ce que l’évolution des taux d’intérêt soit plus claire”.
Segmentation accrue
S’il est prématuré de parler de redressement imminent, l’heure est donc plutôt à un retour progressif vers le secteur immobilier en ciblant les segments les plus prometteurs.
Logiquement, potentiel de croissance et rendement de dividende sont largement liés. L’immobilier commercial, dont les perspectives sont bouchées par un taux d’occupation réduit et le développement de l’e-commerce, offre ainsi un rendement de dividende moyen de près de 7%. Les propriétaires d’entrepôts logistiques jouissent des perspectives de croissance les plus solides, mais les actionnaires doivent se contenter d’un dividende d’à peine 3%.
Si le phénomène n’est pas nouveau, il a tendance à s’accentuer alors que le fossé se creuse en termes d’évolution des résultats. L’année dernière, le bénéfice par action des immobilières logistiques a ainsi bondi de 12,2% alors qu’il a baissé dans les bureaux et les soins de santé.
Maisons de repos
Le segment de la santé englobe notamment les maisons de repos. Il était ainsi considéré comme très prometteur avant le covid, mais il ne s’est toujours pas remis de la succession de crises depuis. A commencer par l’impact des déboires d’Orpea, le premier exploitant mondial de maisons de repos (en Europe) et à ce titre important client des immobilières. A la suite des révélations concernant des mauvais traitements, le groupe a sombré et a été repris en main par les autorités françaises.
Signe de ces difficultés, l’an dernier, la hausse totale des loyers dans le segment de la santé a été inférieure à la seule indexation selon les données de Degroof Petercam. Les révisions de baux ont donc été défavorables alors que les opérateurs sont sous pression, devant investir davantage dans la qualité des soins.
Actuellement, les perspectives restent contrastées, expliquant la prudence des analystes envers Cofinimmo (11 analystes sur 16 sont à conserver ou vendre), Aedifica (7 sur 15) et Care Property Invest (3 sur 6) malgré des rendements de dividende généreux allant de 5,3% à 7% net.
Les perspectives pour le secteur immobilier en 2024 sont nettement meilleures qu’en 2023.
SIR belges
Rappelons à ce niveau que les immobilières belges présentent un avantage fiscal déterminant. Leurs dividendes sont uniquement soumis au précompte mobilier belge de 30% (ou 15% pour Aedifica et Care Property) alors que les coupons des REITs étrangères sont ponctionnés deux fois : dans le pays d’origine et en Belgique (précompte de 30%).
Parmi les SIR belges, les préférées des analystes sont :
– la SIR logistique Montea (rendement de dividende net de 3,1%), rare immobilière largement suivie sans conseil de vente ;
– le spécialiste des kots étudiants Xior (4,4%) avec cinq conseils d’achat sur neuf ;
– Inclusio (4%), la SIR active dans le logement social affichant un conseil d’achat et un de conserver ;
– Retail Estates (5,3%) dont le très haut rendement et le positionnement dans les magasins de périphérie éclipsent les perspectives mitigées de l’immobilier commercial pour quatre analystes sur cinq.
Centre de données
Aucun acteur belge n’est toutefois présent dans le segment le plus prometteur, à savoir les centres de données, soutenu par la numérisation à tout va. Ce segment est dominé par les acteurs américains comme Equinix, dont les revenus trimestriels augmentent de façon continue depuis 21 ans, et Digital Realty. Ils affichent respectivement des rendements de dividende brut de 2,3% et 3,4%, soit au mieux 1,4% et 2% net pour un investisseur belge. Pour limiter l’impact fiscal, vous pouvez opter pour un ETF comme le Global X Data Center REITs & Digital Infrastructure (VPN sur Euronext Milan ; IE00BMH5Y327 ; frais annuels de 0,50%) qui capitalise les dividendes.
Comme alternative européenne, Paul Reuge, gestionnaire chez Rothschild & co, apprécie la société espagnole Merlin Properties.
“Après avoir réussi son désendettement en 2022, via la cession de son portefeuille d’agences bancaires pour 2 milliards d’euros à BBVA, la société se développe dans les data centers et ambitionne de devenir leader en Espagne. La foncière souhaite d’ores et déjà lever 1 milliard d’euros cette année pour financer ces développements gourmands en capitaux. Il faut, en effet, compter 10 millions d’euros d’investissement pour 1 mégawatt installé, avec un rendement escompté de 10 % sur la base de loyers nets.”
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