Les banques belges profitent des épargnants qui dorment
Certes, les banques se font désormais davantage concurrence sur les comptes à terme. Mais elles profitent des dépôts d’épargne passifs, d’après une nouvelle étude de l’économiste Eric Dor. Tout bénéfice pour les ménages qui empruntent et les banques elles-mêmes, qui préservent leurs bénéfices.
Avec la baisse des taux, le rendement de votre épargne ne risque pas de s’améliorer, bien au contraire. Surtout si vous êtes un épargnant passif qui laisse son argent dormir sur un compte d’épargne ordinaire.
Car la stratégie déployée par les banques belges depuis le début de la hausse des taux directeurs de la banque centrale européenne (BCE) en 2022 est de ce point de vue-là assez “claire”, relève Eric Dor dans une nouvelle note sur le sujet.
“Les banques ont profité de la passivité d’une bonne partie des épargnants qui laissent leur argent sur les comptes d’épargne réglementée quelle qu’en soit la rémunération, en comprimant au maximum la hausse des taux qu’elles leur octroient, dit l’économiste. Elles ont ainsi choisi de se limiter à se concurrencer pour attirer les épargnants dynamiques qui, eux, cherchent de meilleures opportunités et sont prêts à changer de banque et de produits”, souligne le professeur à l’IESEG de Lille.
Boom du compte à terme
Il est vrai que depuis l’émission du premier bon d’Etat en septembre 2023, le secteur n’a pas lésiné sur les promotions promettant des rendements bien supérieurs aux différentes offres du gouvernement, à commencer par celles faites sur le compte à terme.
Résultat, l’encours des livrets d’épargne réglementés, qui dépassait les 30 milliards d’euros en janvier 2022, est tombé à 275 milliards en août 2024. Dans le même temps, le volume des dépôts abrités par les comptes à terme, qui était de 54 milliards en janvier 2021, a quant à lui fortement bondi pour s’établir à 131 milliards d’euros en août dernier, soit une part de marché de l’ensemble des dépôts qui se monte désormais à 32 %. Rien d’étonnant à cela dans la mesure où, en moyenne, la rémunération des comptes à terme est plus élevée chez nous que dans la plupart de nos voisins européens (2,61 % en Espagne ou 2,91% aux Pays-Bas).
C’est que, comme l’explique Eric Dor, il est encore moins coûteux pour les banques de payer beaucoup sur 131 milliards d’euros et peu sur 275 milliards d’euros que de payer un taux haut sur l’ensemble des 406 milliards d’euros. “Pour attirer les épargnants dynamiques, les banques ont ainsi choisi la voie la moins coûteuse pour elles, puisqu’elles ont limité l’octroi d’une forte hausse des taux à l’encours réduit des comptes à terme plutôt qu’au gros encours des dépôts d’épargne réglementée”, ajoute l’économiste.
Une bonne affaire pour les ménages
De fait, l’épargne classique, c’est-à-dire notre livret, reste moins bien rémunérée en Belgique que dans la plupart des autres pays de la zone euro. Les dernières statistiques de la BCE montrent que le taux d’intérêt moyen payé par les banques belges sur les dépôts d’épargne ordinaires reste bien inférieur à la moyenne européenne. En août dernier, ce taux moyen s’élevait à 0,99 %, contre 2,55 % en France ou 3,32 % au Luxembourg, par exemple.
Pour Eric Dor, les ménages qui empruntent sont les grands gagnants de cette maigre générosité des banques à l’égard des épargnants. “La compression du coût de la partie de leur financement sous forme de dépôts d’épargne réglementée a permis aux banques belges de prêter à des taux plutôt réduits à leurs clients, surtout les ménages”, affirme-t-il. Avec un taux d’intérêt moyen exigé par les banques belges sur leurs nouveaux prêts immobiliers qui se montait à 3,4 % en août dernier, celui-ci était nettement inférieur à ceux pratiqués ailleurs en Europe : 3,8 % aux Pays-Bas ou 3,9 % au Luxembourg ou 3, notamment.
… et les grandes banques Mais l’autre grand gagnant de cette faible rémunération de l’épargne, ce sont les banques, souligne Eric Dor. A commencer par les quatre principales institutions de la place (BNP Paribas Fortis, Belfius, ING Belgique et KBC/CBC) qui totalisent la grande majorité des dépôts d’épargne et des prêts hypothécaires. S’il a amorcé une légère décrue depuis, le revenu net d’intérêt de nos quatre grandes banques, soit la différence entre les intérêts reçus sur les prêts et les intérêts payés sur les dépôts, a en effet fortement augmenté en 2022 et 2023 pour atteindre 6 milliards d’euros, selon les calculs d’Eric Dor.
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